Un atelier E-art-thérapeutique contre l’anxiété que suscitent les infox sur la covid-19

A quelle condition et dans quelle mesure un atelier E-art-thérapeutique peut-il lutter contre l’anxiété que suscitent les infox sur la covid-19 ?

Laura Lou

Contexte et justification de l’étude

La maladie à Coronavirus pèse sur la santé mentale de la population ainsi que le flux de désinformation en matière de santé. L’E art-thérapie, propose d’apaiser l’anxiété des individus vulnérables ou non, confinés ou malades. Tout d’abord, notre objectif principal est d’inviter des personnes à un atelier d’E art-thérapie. Elles déposeront leur anxiété sur un support créatif pour la mettre à distance. L’atelier oblige à y faire face dans un « écran à écran » avec l’art-thérapeute. Notre postulat favorise la reconstruction d’un équilibre intérieur et l’émergence d’un sentiment d’apaisement.

Méthodologie

C’est pourquoi nous envisageons ce dispositif d’aide pour des personnes-contrôles et d’autres incluses afin de mener une étude comparative. Avec la plateforme BEmyPSY, nous proposons des séances en visio-consultation. Ensuite, après l’appréhension de l’utilisation de l’outil informatique, un questionnaire d’estime de soi ouvre et conclut l’atelier de dix séances de deux heures chacune.
L’art-thérapie
Nous entrons dans une relation triangulaire entre le protagoniste, l’objet et l’art-thérapeute. Ensuite, la personne analyse la transcription de son processus créatif à l’aide d’un questionnaire qui laisse trace. L’écriture thérapeutique, selon Anne Brun, vise « à activer la figuration de pensées ou d’états affectifs peu accessibles au sujet, qui renvoient souvent à une partie de la vie psychique clivée, à la source des mises en acte de tensions insupportables et infigurables. » Les participant.e.s remplissent le questionnaire entre chaque séance. En bref, il est relu et commenté à la séance suivante ou entre-temps par échange de courriels. Pour finir, en amont comme en aval de la séance, un questionnaire d’auto-évaluation permet de mesurer l’évolution de l’anxiété.

La cohorte

En outre, d’après les résultats d’une étude conduite sur une vingtaine d’individus, nous avons constaté que neuf d’entre eux ont été réceptifs aux infox. Ce ratio important de personnes contaminées par les rumeurs, nous a incités à les aider.

Résultats

Pour faire baisser leur niveau d’anxiété, elles ont dû dépolluer leur espace intime. En prenant en compte leur crédulité elles ont chassé la peur insufflée par les contenus mensongers sur la Covid-19. Une opération de séparation des pensées appartenant à la personne de celles venant de l’extérieur a eu lieu. Nous avons tenté de pister sur internet la véritable information rassérénante. La personne a renforcé son estime d’elle-même en se montrant capable de s’informer et d’apprivoiser les outils de recherche. L’art-thérapie a mis au jour les symbolisations des infox bien souvent déniées et parfois inavouable.

Conclusion

En tout état de cause, nous avons observé que l’alliance thérapeutique s’effectue à un rythme accéléré malgré la fracture numérique influençant la continuité du suivi. De plus nous aurons abordé et étayé la question du lien social. Pour résumer, les résultats corroborent l’hypothèse que l’anxiété diminue au cours de la séance.

Infox Bandeau 20 & 21 mai 2021

La Covid-19 n’est pas un traumatisme ! par Nayla Chidiac

Covid-19
La Covid-19 n'est pas un traumatisme ! par Nayla Chidiac
Nayla Chidiac
12/10/2020
Mon écrit portera sur les mots et la pensée, afin de parler de l’Ici et maintenant du 21 siècle et en particulier, de l’Ici et maintenant de la crise de la Covid-19 où, pour une fois, la planète terre vit la même crise, la même inquiétude, les mêmes dysfonctionnements.
L’objectif de mon propos est le suivant : montrer que nous ne sommes pas en train de vivre un traumatisme mais une crise. Et, comme le dit Clément Rosset, les mots sont une chose sérieuse. Une crise n’est pas un traumatisme. Elle peut engendrer un traumatisme mais elle n’est pas systématiquement source de traumatisme.
Il est donc important de comprendre que palier à la crise est impératif. Par conséquent, ne parlons pas de traumatisme avec légèreté.

Qu’est-ce que le traumatisme ?

Rappelons que le mot « trauma », contraction du mot « traumatisme », vient du grec ancien traumatismos, qui peut être traduit par « blessure ». Transposé à la psychopathologie, le mot assorti de sa précision « psychique » peut être défini comme

« le phénomène de bouleversement qui se passe à l’intérieur du psychisme lorsqu’un excès d’excitations extérieures attenantes à un évènement subit, violent et agressant vient faire effraction au travers des défenses de ce psychisme ».

(in L. Crocq, 2016).

Il se trouve qu’au 21ème siècle, ce concept a été galvaudé. Il convient donc de redonner au trauma sa véritable définition et ses caractéristiques propres de soudaineté, de violence et d’exception.

Guerre du Vietnam

Au retour de la guerre du Vietnam les morts par suicide étant plus nombreux que les morts aux combats, il devenait essentiel de créer un concept afin de pouvoir indemniser ces hommes aux blessures invisibles. A savoir les blessés psychiques, les traumatisés comme les avaient déjà définis Oppenheim en 1880. C’est ainsi que voit le jour le concept de post traumatic stress disorder (PTSD). La version française reste l’état de stress post traumatique (ESPT), appellation qui change souvent mais qui introduit le concept de stress. Je vous disais que le mot, les mots, sont une affaire sérieuse.
En incluant le mot stress, tout devient subordonné à un état de stress post traumatique, au point d’oublier le mot traumatique.

De la névrose au stress

En 1980, la troisième version du système nosologique américain DSM (diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) a promu le vocable de PTSD. Celui-ci désigne ce que les nosographies, c’est-à-dire les classifications des maladies européennes, reconnaissaient sous le concept de névrose traumatique. L’introduction du mot anglais « stress » dans la pathologie psychique n’est pas sans raison. Elle reflète une prise de position résolument biologique, au détriment du mot « névrose », récusé par les auteurs du DSM à cause de sa connotation psychanalytique. Le mot stress devient la star du diagnostic. Il devient alors logique –, c’est une question de bon sens lorsque les mots ne sont pas à leur place – que pratiquement tout le monde soit « traumatisé ».

Qu’est-ce qu’une crise ?

Nous sommes face à une crise. Une crise telle que la définissait le grec ancien krisis, lui-même dérivé du verbe krinein qui signifiait « trier », « choisir » et par conséquent décider. Le concept s’étend ainsi de la crise de l’individu à la crise d’une communauté.
Une crise implique une rupture, elle nécessite un dépassement. Toute crise n’est pas traumatique, mais il est possible qu’une crise mal gérée, ne permette pas le dépassement et devienne ainsi un terreau à un potentiel traumatisme.

La Covid-19 n’est pas par nature un traumatisme

La situation créée par la Covid-19 ne traumatise pas d’emblée tout le monde. Ce virus n’est même pas potentiellement traumatique en tant qu’évènement. On peut en exclure les personnes en réanimation et les deuils sans adieu, sans corps, qui peuvent être de nature traumatique comme l’ont été ceux consécutifs aux drames du Tunnel du Mont Blanc (1999) et du Tsunami (2004). Mais, pour une partie de la population il s’agit de stress, de symptômes d’anxiété importants, de dépressions, voire de décompensation délirante.

Pas d’effraction, donc pas de résilience

L’effraction est ce qui caractérise le traumatisme psychique. Une déchirure spatio-temporelle, une perte du sens. Comment restaure-t-on une pensée effractée, une pensée traumatisée ? Pas par la résilience selon moi. Ce n’est pas en imaginant, en espérant revenir à l’état dans lequel on était avant l’effraction psychique. Ce serait se leurrer, ce serait vouloir retrouver le paradis perdu. Il est déjà important de comprendre que toute personne se trouvant face à une situation de crise potentiellement traumatisante ne sera pas systématiquement traumatisée, fort heureusement. Pour se libérer du trauma, il s’agit non pas de donner du sens au non-sens du trauma mais d’élaborer, de penser donc, et de créer du sens, de transformer.

Un gardeur de troupeaux

A la fin du 19 et début 20ème siècle, émerge en Europe la crise du sujet. Nietzche annonce la mort de Dieu, Freud met au jour la complexité du Moi. A la même période, Rilke écrit Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, Kafka son Journal et Pessoa son Livre de L’Intranquilité. L’écriture de soi est bien plus qu’un instrument de connaissance de Soi elle est pour certains re-création de Soi. C’est l’époque de la crise du sujet, certes, mais elle se traduit par une invention de Soi. Il s’agit de se tirer soi-même hors du marécage métaphorisé par ces trois auteurs pour illustrer la sortir de crise par le sujet.
De nos jours, nous n’assistons plus à une crise du Sujet mais une crise des frontières. Frontières géographiques certes, mais surtout frontières du Moi.
Un sujet devenu épave, au service d’une société occidentale qui l’infantilise, le traumatise pour un oui ou pour un non. Les limites du corps qui deviennent floues, incertaines puisque modifiables. Les limites psychiques puisque l’extrême vigilance, la surveillance intempestive provoque de nouveaux symptômes. Big brother est désormais non plus une fiction mais une réalité.

Le poème de Pessoa

Le 21ème siècle nous invite donc à être ce « gardeur de troupeaux » du poème de Pessoa. « Le troupeau ce sont mes pensées » écrit-il. Si une effraction a lieu (causant un trauma), si un mouton est blessé ou plusieurs moutons sont tués par un chasseur perdu, alors le troupeau se reforme. Le troupeau change de forme comme l’eau, et continue à être un troupeau grâce à ce « gardeur » qui est une partie de soi. C’est de cette façon, en transformant ses pensées et en les reformant que l’on peut dépasser la crise. On permettra à ses pensées de poursuivre leur vie.

Le temps d’élaborer

Donnons au Sujet le temps d’élaborer, de puiser dans ses ressources internes afin de dépasser la crise sans d’emblée se confronter au « traumatisme ». Apprenons à gérer la crise pour éviter le post covid-19 qui, s’il est mal géré, ne déclenche un effondrement du cadre qui, lui, risquera vraiment d’être traumatique. Continuons à penser, à être créatif, à rester « soi », et à donner du sens aux mots.

Pour aller sur l’article, cliquez sur l’image de la covid-19