La Covid-19 n’est pas un traumatisme ! par Nayla Chidiac

Covid-19
La Covid-19 n'est pas un traumatisme ! par Nayla Chidiac
Nayla Chidiac
12/10/2020
Mon écrit portera sur les mots et la pensée, afin de parler de l’Ici et maintenant du 21 siècle et en particulier, de l’Ici et maintenant de la crise de la Covid-19 où, pour une fois, la planète terre vit la même crise, la même inquiétude, les mêmes dysfonctionnements.
L’objectif de mon propos est le suivant : montrer que nous ne sommes pas en train de vivre un traumatisme mais une crise. Et, comme le dit Clément Rosset, les mots sont une chose sérieuse. Une crise n’est pas un traumatisme. Elle peut engendrer un traumatisme mais elle n’est pas systématiquement source de traumatisme.
Il est donc important de comprendre que palier à la crise est impératif. Par conséquent, ne parlons pas de traumatisme avec légèreté.

Qu’est-ce que le traumatisme ?

Rappelons que le mot « trauma », contraction du mot « traumatisme », vient du grec ancien traumatismos, qui peut être traduit par « blessure ». Transposé à la psychopathologie, le mot assorti de sa précision « psychique » peut être défini comme

« le phénomène de bouleversement qui se passe à l’intérieur du psychisme lorsqu’un excès d’excitations extérieures attenantes à un évènement subit, violent et agressant vient faire effraction au travers des défenses de ce psychisme ».

(in L. Crocq, 2016).

Il se trouve qu’au 21ème siècle, ce concept a été galvaudé. Il convient donc de redonner au trauma sa véritable définition et ses caractéristiques propres de soudaineté, de violence et d’exception.

Guerre du Vietnam

Au retour de la guerre du Vietnam les morts par suicide étant plus nombreux que les morts aux combats, il devenait essentiel de créer un concept afin de pouvoir indemniser ces hommes aux blessures invisibles. A savoir les blessés psychiques, les traumatisés comme les avaient déjà définis Oppenheim en 1880. C’est ainsi que voit le jour le concept de post traumatic stress disorder (PTSD). La version française reste l’état de stress post traumatique (ESPT), appellation qui change souvent mais qui introduit le concept de stress. Je vous disais que le mot, les mots, sont une affaire sérieuse.
En incluant le mot stress, tout devient subordonné à un état de stress post traumatique, au point d’oublier le mot traumatique.

De la névrose au stress

En 1980, la troisième version du système nosologique américain DSM (diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders) a promu le vocable de PTSD. Celui-ci désigne ce que les nosographies, c’est-à-dire les classifications des maladies européennes, reconnaissaient sous le concept de névrose traumatique. L’introduction du mot anglais « stress » dans la pathologie psychique n’est pas sans raison. Elle reflète une prise de position résolument biologique, au détriment du mot « névrose », récusé par les auteurs du DSM à cause de sa connotation psychanalytique. Le mot stress devient la star du diagnostic. Il devient alors logique –, c’est une question de bon sens lorsque les mots ne sont pas à leur place – que pratiquement tout le monde soit « traumatisé ».

Qu’est-ce qu’une crise ?

Nous sommes face à une crise. Une crise telle que la définissait le grec ancien krisis, lui-même dérivé du verbe krinein qui signifiait « trier », « choisir » et par conséquent décider. Le concept s’étend ainsi de la crise de l’individu à la crise d’une communauté.
Une crise implique une rupture, elle nécessite un dépassement. Toute crise n’est pas traumatique, mais il est possible qu’une crise mal gérée, ne permette pas le dépassement et devienne ainsi un terreau à un potentiel traumatisme.

La Covid-19 n’est pas par nature un traumatisme

La situation créée par la Covid-19 ne traumatise pas d’emblée tout le monde. Ce virus n’est même pas potentiellement traumatique en tant qu’évènement. On peut en exclure les personnes en réanimation et les deuils sans adieu, sans corps, qui peuvent être de nature traumatique comme l’ont été ceux consécutifs aux drames du Tunnel du Mont Blanc (1999) et du Tsunami (2004). Mais, pour une partie de la population il s’agit de stress, de symptômes d’anxiété importants, de dépressions, voire de décompensation délirante.

Pas d’effraction, donc pas de résilience

L’effraction est ce qui caractérise le traumatisme psychique. Une déchirure spatio-temporelle, une perte du sens. Comment restaure-t-on une pensée effractée, une pensée traumatisée ? Pas par la résilience selon moi. Ce n’est pas en imaginant, en espérant revenir à l’état dans lequel on était avant l’effraction psychique. Ce serait se leurrer, ce serait vouloir retrouver le paradis perdu. Il est déjà important de comprendre que toute personne se trouvant face à une situation de crise potentiellement traumatisante ne sera pas systématiquement traumatisée, fort heureusement. Pour se libérer du trauma, il s’agit non pas de donner du sens au non-sens du trauma mais d’élaborer, de penser donc, et de créer du sens, de transformer.

Un gardeur de troupeaux

A la fin du 19 et début 20ème siècle, émerge en Europe la crise du sujet. Nietzche annonce la mort de Dieu, Freud met au jour la complexité du Moi. A la même période, Rilke écrit Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, Kafka son Journal et Pessoa son Livre de L’Intranquilité. L’écriture de soi est bien plus qu’un instrument de connaissance de Soi elle est pour certains re-création de Soi. C’est l’époque de la crise du sujet, certes, mais elle se traduit par une invention de Soi. Il s’agit de se tirer soi-même hors du marécage métaphorisé par ces trois auteurs pour illustrer la sortir de crise par le sujet.
De nos jours, nous n’assistons plus à une crise du Sujet mais une crise des frontières. Frontières géographiques certes, mais surtout frontières du Moi.
Un sujet devenu épave, au service d’une société occidentale qui l’infantilise, le traumatise pour un oui ou pour un non. Les limites du corps qui deviennent floues, incertaines puisque modifiables. Les limites psychiques puisque l’extrême vigilance, la surveillance intempestive provoque de nouveaux symptômes. Big brother est désormais non plus une fiction mais une réalité.

Le poème de Pessoa

Le 21ème siècle nous invite donc à être ce « gardeur de troupeaux » du poème de Pessoa. « Le troupeau ce sont mes pensées » écrit-il. Si une effraction a lieu (causant un trauma), si un mouton est blessé ou plusieurs moutons sont tués par un chasseur perdu, alors le troupeau se reforme. Le troupeau change de forme comme l’eau, et continue à être un troupeau grâce à ce « gardeur » qui est une partie de soi. C’est de cette façon, en transformant ses pensées et en les reformant que l’on peut dépasser la crise. On permettra à ses pensées de poursuivre leur vie.

Le temps d’élaborer

Donnons au Sujet le temps d’élaborer, de puiser dans ses ressources internes afin de dépasser la crise sans d’emblée se confronter au « traumatisme ». Apprenons à gérer la crise pour éviter le post covid-19 qui, s’il est mal géré, ne déclenche un effondrement du cadre qui, lui, risquera vraiment d’être traumatique. Continuons à penser, à être créatif, à rester « soi », et à donner du sens aux mots.

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Un vétéran de l’armée britannique, utilise l’art comme thérapie face au SSPT

l’art comme thérapie pour faire face au SSPT

Robert Milton, un vétéran de l’armée britannique, utilise l’art comme thérapie pour faire face au SSPT

l'art comme thérapie
ABC Central Victoria
By Beth Gibson
25 septembre 2019


PHOTO: Anne turns to painting when she’s struggling to deal with her daughter’s PTSD. (ABC Central Victoria: Beth Gibson)


Après 25 ans de service dans l’armée britannique, le vétéran Robert Milton trouve maintenant la paix par l’art comme outil pour faire face au syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
M. Milton étudiait à la Glasgow School of Art en Écosse lorsqu’il a décidé de rejoindre l’armée britannique en raison de problèmes familiaux et d’un manque d’argent.
Il a finalement servi 22 ans dans les Scots Guards et a été tireur d’élite pendant la majeure partie de cette période.

« Vous avez un fusil télescopique et vous êtes là pour les emplois où vous éliminez des cibles »,

a déclaré M. Milton.

« D’habitude, vous travaillez en territoire ennemi. »

M. Milton a servi pendant la guerre du Golfe, la guerre d’Irak et a effectué six missions en Irlande du Nord avant de venir en Australie pour enseigner le tir de précision dans l’armée australienne.
Plus tard, il est devenu photographe judiciaire pour le ministère des Transports de l’État de Victoria, où il a documenté des scènes d’accident, ayant assisté à plus de 150 décès en un an.
Lorsque M. Milton a été forcé d’arrêter de travailler à cause d’une blessure au dos, il a été paralysé par l’anxiété, la dépression et les flashbacks où il a revécu des expériences traumatisantes dans son esprit.

« Avec à la fois le sniping et le côté médico-légal, cela a fait des ravages incroyables, « Je pense que j’en suis arrivé à un point où si je n’avais pas de médicaments, j’avais de très mauvaises pensées. Je crois que je suis arrivé juste à temps. »,

a déclaré M. Milton.

« Je ne peux pas me passer de la peinture maintenant »

L’art comme thérapie pour faire face au SSPT.
L’art a toujours été une passion pour M. Milton tout au long de sa carrière et il a souvent dessiné des zones cibles et des scènes d’accidents.
Il a passé plus de temps à peindre et à dessiner après avoir reçu un diagnostic de SSPT chronique.

« Chaque fois que je fais de l’art, mon niveau d’anxiété diminue et je me sens plus heureux en le faisant. Je me perds dans le tableau et avant de savoir que c’est une journée entière passée. Même l’odeur de la peinture à l’huile et de la turpitude, il y a quelque chose qui vous détend ».

M. Milton a essayé d’aider d’autres personnes aux prises avec le SSPT et le stress en donnant une classe d’art hebdomadaire au RSL du district de Bendigo.
Il a enseigné l’art à des anciens combattants, à d’anciens travailleurs des services d’urgence et aux membres de leur famille. Tous avaient différents niveaux d’expérience en art.
David Flintoff a suivi le cours et souffre de SSPT depuis qu’il travaille à la Country Fire Authority.

« Au début, je n’ai rien dit et ma femme a beaucoup supporté « 

a dit M. Flintoff.

« Un matin, elle a failli être projetée à travers le mur de la chambre quand elle a essayé de me réveiller d’une crise de colère hurlante. »

M. Flintoff a demandé de l’aide pour ses symptômes et a pris des médicaments et consulté un psychologue.
Il a trouvé que le dessin l’aidait à calmer son esprit lorsqu’il se sentait stressé.

« J’ai découvert qu’en faisant de l’art et du travail du bois, et en combinant les deux, cela m’occupe l’esprit ».

Un sens de camaraderie

Ann Wheelhouse s’est jointe à la RSL du district de Bendigo pour aider à traiter le SSPT de sa fille après son service militaire.
Mme Wheelhouse a dit que la dernière fois qu’elle a aidé sa fille à traverser un épisode grave, elle est rentrée chez elle et a peint pendant trois heures.

« Cela m’a complètement fait changer d’avis sur ce qui s’était passé toute la journée. Ma fille a aimé le voir après ».

Mme Wheelhouse a dit que la classe avait créé un sentiment de camaraderie.

« Vous réalisez qu’il y a d’autres personnes qui essaient aussi de trouver des moyens de se détendre et d’oublier des choses qui ne sont pas nécessairement ce qu’elles veulent dans leur vie. Robert est un professeur très encourageant. Même quand tu fais quelque chose de pourri, il trouve une bonne chose à ce sujet ».

« J’aurais probablement abandonné sans Rob. »

M. Milton s’est également dit passionné par la réduction de la stigmatisation liée aux problèmes de santé mentale dans les forces armées.
Il siège actuellement au comité du Euroa PTSD Wellness Centre, dans le nord de Victoria,. Récemment, il s’est rendu à Canberra pour faire pression sur les ministres afin d’obtenir du financement pour le centre.

« Parce que j’ai souffert pendant si longtemps en faisant toutes les mauvaises choses, je ne veux pas que les gens souffrent de cette façon.
Il y a des gens qui passent entre les mailles du filet, surtout les jeunes anciens combattants qui ne veulent pas être stigmatisés ou étiquetés. Ce sont les gens qui ont vraiment besoin d’aide ».

L’art comme thérapie pour faire face au SSPT.

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