La nuit dernière, je me suis réveillée en sursaut parce que j’avais l’impression d’être avalée par une énorme chose. Je me suis sentie tellement mal que les larmes coulaient toutes seules. J’étais en « nage ». Pour diminuer cette frayeur, je souhaitais retranscrire ce « mal » sur ma feuille car j’ai eu une énorme frayeur. Quand je me suis levée, je me sentais encore mangée.
Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
L’idée était de retranscrire sur ma feuille ce que j’ai ressenti comme réellement diabolique, de dessiner cette chose qui m’a rendue si mal. Car quand je me suis réveillée en sursaut, je n’avais plus de tête. C’est la douleur violente que je ressentais pourtant dans ma tête, qui m’a fait comprendre qu’elle était toujours là au bout de mon cou. Je me suis sentie subitement rassurée, mais tout cela m’a semblé bien loin dans ma tête. Quand j’ai voulu me lever de mon lit, l’équilibre était bien fragile.
J’ai commencé à prendre mon petit-déjeuner, tout me paraissait lourd à l’intérieur de ma tête. Je ne ressentais aucun goût dans ma bouche. Je n’étais plus moi et néanmoins, j’étais dans le présent. C’était déroutant !
Je n’ai pas insisté, après une pause, je me suis installée devant ma feuille et j’ai dessiné cette chose qui ne pouvait pas être humaine, qui avait avalé ma tête et mon visage. A ce moment là, je me dis : « si cela se trouve, ce n’est même pas moi. Mais je me sentais avalée au bout de mon lit et ne plus avoir de tête. C’était anxiogène !
J’ai alors commencé à dessiner cette forme. Pour me rassurer je ne voulais pas me dessiner dans ce lit. Mais juste un espèce de serpent qui commençait à avaler ce corps. Je dessinais ce mal-être sur ma feuille, avec le désir de tuer ce qui m’a fait si peur ce matin. J’étais complètement insécurisée, remplie d’anxiété, mais je voulais aller jusqu’au bout de ma production. C’était comme si je souhaitais déposer quelque chose mais je ne savais pas quoi. C’était là et cela devait se faire.
Une fois mon ébauche finie, j’ai commencé à mettre les couleurs. L’envie d’utiliser l’encre de Chine noire et rouge avec mon pinceau, m’a apporté un début d’apaisement. C’est ce que je cherchais depuis que je m’étais décidée à dessiner. Je me suis sentie un peu plus rassurée et surtout, je sentais bien ma tête au bout de mon cou, ce qui m’a permis de terminer ma création avec beaucoup d’apaisement. La bête n’était plus là ! Pour la suite de ma production, j’ai déposé de la peinture aquarelle sur le corps. Je n’ai fait aucune finition, parce que je trouvais que l’encre de Chine noire le faisait très bien. Mais notamment je ne souhaitais pas toucher à ce rouge qui me faisait du bien.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Cette production a été conçue sur une feuille blanche de 36 × 46 cm. Comme médium, j’ai utilisé de l’encre de Chine rouge et noire, et de la peinture aquarelle. J’ai également utilisé un crayon HB pour faire naître mon esquisse.
Que ressentez-vous quand vous regardez votre production terminée ?
J’observe ma production posée sur le grand chevalet. Je me sens bien dans ma tête. Je suis retournée dans ma chambre pour m’asseoir sur le bord de mon lit ; et là je sentais bien ma tête, l’angoisse n’était plus là ! Je retourne voir ma création et là, je dis à voix haute : « tu ne m’as pas eue ! » J’avais besoin de le dire.