BMP – Le reflet de la moitié du visage

BMP – Le reflet de la moitié du visage
Cette idée m’est venue à la suite d’un travail que je compte faire avec une autre association, qui a des relations avec l’hôpital. Le sujet proposé est : le reflet et l’eau. Le but sera de donner une suite à une photo sans y toucher, à l’aide d’un médium ou d’un collage. Ce travail se terminera par une exposition.
Donc de mon côté, je souhaitais faire une composition qui se rapprocherait de ce projet.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Mon idée était de dessiner un visage avec juste le début du haut du corps : le cou et les épaules, qui se refléteraient par exemple dans l’eau. Voilà comment je peux percevoir un exemple de reflet.
Ma feuille blanche étant bien à plat sur mon bureau, je prends mon crayon HB pour donner naissance au visage avec son cou et le début des épaules. J’ai pris la feuille par la verticale.
J’avais à ce moment-là, l’impression d’avoir perdu la visualisation de cette photo dans ma tête. C’est inquiétant, mais je refusais de m’y laisser prendre.
Plus j’avançais dans mon ébauche, plus je percevais bien à quel endroit je devais commencer à faire apparaître le reflet. Je le voyais, mais dans ma tête, j’en étais moins sûre. Il y avait un écart. Je sentais aussi mon pouls cogner en moi, mais cela ne m’a pas empêchée de continuer.
Mon esquisse était terminée, mais prendre de la peinture aquarelle, cela ne me disait rien. Par contre, utiliser le fusain naturel de saule, me plaisait plus, et puis, peut-être que j’avais envie de me salir les doigts de jouer à cache-cache avec mes empreintes sur la feuille. Il y avait cette situation ; il y avait longtemps.
Je commence donc à travailler sur la partie du visage que je ferai un peu plus foncée que l’autre. Je me rends compte que je n’ai jamais fait rien de tel, mais je me lance, avec cette goutte de découverte et cette envie d’essayer de faire apparaître un début de reflet avec la « patte » de BMP.
Finalement j’ai joué entre les nuances du foncé au plus clair, c’est ce que je ressentais en moi. Il y avait aussi une interrogation, mais l’important étant d’essayer, et cela j’aime. Je me suis servie de la couleur de mes divers crayons graphiques pour créer ce reflet, puisque la peinture aquarelle ne me parlait pas du tout.
Ma composition est finie, je perçois une forme : la moitié plus dans le clair et l’autre dans le foncé. Je vois un relief, mais je ne me sens pas vraiment bien rassurée.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Production conçue sur une feuille 36×46 cm, un crayon fusain naturel de saule. D’autres crayons graphiques comme le 3B, le 6B

Que ressentez-vous quand vous regardez votre production ?

Je regarde ma production, je me dis que j’ai essayé. Ensuite, quand je la regarde de loin, je me sens moins angoissée et pourtant je ne suis pas sûre de moi. Le fait de l’avoir créé je crois que c’est cela qui me rassure. Je ne regrette rien, car c’est ainsi que je peux apprendre. J’apprécie ce nouveau mouvement de mon crayon.

BMP – Le secret

BMP – Le secret
Je souhaitais peindre sur ce qu’on appelle le secret. Il est arrivé un événement dramatique, lié à notre passé, à une de mes sœurs. Un fait que l’on m’a rapporté par hasard.
Il y a des événements dont on ne doit pas parler, des faits qui doivent être cachés, comme mis à l’écart, faire comme s’ils n’avaient pas existés. Il y en a dans certaines familles.
La définition simple du secret pourrait être :

« Cacher quelque chose intentionnellement à une ou plusieurs personnes. »

J’écrirais par exemple que mon passé doit rester secret pour celle qui fut ma génitrice, mais aussi pour certaines administrations. Il y a eu, en ce qui me concerne, tellement d’actes, tellement de droits bafoués envers moi, que si les secrets sortaient, étaient levés, cela pourrait provoquer un scandale. Quand j’ai voulu en savoir plus sur mon passé, sur mon dossier et quand je commençais à poser des questions qui mettaient mal à l’aise, qui dérangeaient, la personne qui me recevait, m’a sorti cette phrase que je n’oublierai jamais :

« c’est du passé madame, nos collègues d’avant ont bien fait leur travail.”

J’ai senti qu’il fallait que tout reste secret, que ma naissance devait être tue pour ne pas déranger le passé et les personnes concernées qui sont en vie dans le présent.
Le « secret »  rentre également dans le milieu professionnel, d’ailleurs, c’est un devoir qui est réservé aux médecins, aux avocats, mais aussi aux ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère. Là, je parlerais de sécurité, de l’intimité de la personne, de ses droits que toutes ses professions doivent avoir. S’il y a des violations, une sanction se met en place tout de suite ! Il y a un autre type de secret, mais celui-ci vient de soi. C’est ce que j’appelle le jardin secret. Il peut permettre d’avoir un dedans qui vous appartient en propre.
Par contre, le secret « négatif », celui qu’il faut taire, provoque de la honte, de la douleur, de la culpabilité, du mensonge. Sans oublier le déni. Bien sûr, il y a aussi les secrets liés à la sécurité d’un pays, mais ce n’est pas de ceux-là dont j’ai envie de parler.
Je pourrais écrire qu’il y a des bons secrets, car tous ne sont pas nocifs, je les appelle « les secrets doux », car ils contribuent à notre bien-être et à notre épanouissement, je les décrirais comme légers à porter et souvent amusants ; je pense par exemple au secret dans lequel on peut préparer un anniversaire, une fête, une demande en mariage, le prénom d’un enfant à naître, mais ce sont souvent des secrets partagés avec quelqu’un en qui on a confiance.
Il y a aussi ces secrets que l’on peut consigner dans un journal intime, ces secrets qui renvoient à notre vulnérabilité, à nos complexes, à nos difficultés ; ces petites réflexions, que l’on consigne dans son journal intime, dans son jardin secret. C’est ce que je fais quand je pense que mes pensées rentrent dans la plainte, ou quand ça tourne dur dans ma tête. Je ne le dis pas, mais je l’écris.
Il y a enfin ces petits secrets que l’on ne raconte qu’à peu de personnes et qui peuvent être évoqués et partagés au cours d’une soirée, mais les bons ami.e.s, ça ne court pas les rues. Je parle des vrais.
Pour terminer, je reprends ces secrets qui sont lourds à porter et à vivre. Là, c’est autre chose, car cela peut générer un sentiment de mal-être total, qui va jusqu’à la dépression, voire le suicide. Il y a aussi le secret révélé qui détruit.
Dévoiler un lourd secret n’est pas anodin et cela peut même détruire une famille ou une personne. Il faut prendre cela au sérieux, si des événements doivent être dévoilés, la personne doit impérativement se faire accompagner. Il arrive aussi que sans que nous n’ayons rien demandé, on se trouve à porter un secret qui ne nous concerne pas vraiment, mais c’est dangereux de faire porter ce poids.
Je vais donc essayer de traduire par une création, comment je perçois le secret.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

La première idée était de traduire l’enfermement, donc des murs. Il s’agit aussi de rester dans le cadre du secret qui ne détruit pas, du secret doux, que l’on peut quand même partager avec quelqu’un en qui on a confiance. Pour retranscrire cela, des représentations d’une oreille, d’un visage sans yeux, d’une main, étaient des éléments qui me parlaient. La main, comme la main en l’air, pour faire le signe de « je jure », je ne le répéterais pas. Elle pourrait faire parler aussi la certitude que cela resterait enfermé entre les deux personnes. Elle pourrait faire une barrière de protection anti-fuite. Une oreille, qui traduirait l’oreille de celui qui écoute, et qui gardera ce secret qui ne détruit personne. Une bouche, avec le visage sans les yeux pour montrer la personne qui va dire son secret, la bouche pour parler, les mots qui vont sortir, qui ne feront de mal à personne, car il s’agit juste de parler de son vécu, de ce que l’on vit, de ce que l’on ressent, de ce que l’on est. J’ai donc commencé  par dessiner, la main, puis ont suivi la bouche et enfin l’oreille.
Pour le manteau de couleur, le médium : la peinture aquarelle, ne me parlait pas du tout. Par contre un dégradé de gris du plus clair au plus foncé, avec mes crayons à papier, allait beaucoup mieux. Les parties où se trouve l’oreille : le visage donc la bouche avec le nez seront plus dans le foncé et le tour des formes d’avantage dans le plus clair. Je trouvais que le crayon à papier mettrait en évidence les détails, c’est ce que j’ai pensé à ce moment-là. Parfois la couleur grise fait parler la neutralité.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette coposition a été conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. J’ai utilisé un crayon HB pour faire apparaître l’esquisse et des crayons 6B, 3B pour le reste de ma production.

Que ressentez-vous en face de votre création ?

J’observe ma production, et dans ma tête, je pense aux limites du dire ou de ne pas dire ; et j’en reviens à l’intime. Ce sont des sujets intéressants, mais que je trouve graves, que je ne prends pas à la légère. Dans l’intime il y a des limites on ne doit pas tout partager ! Dans mon cerveau, je me sens bancale d’un côté et plus vide dans l’autre. Je ressens des palpitations dans le profond de mon ventre.