BMP – Ne pas trop bien savoir

BMP – Ne pas trop bien savoir
Il y a des événements qui chamboulent. Alors dans mon cerveau, je ne sais plus, je suis entre deux. C’est ce qui m’arrive en ce moment. En effet, la rentrée de septembre vient à grand pas et je ne sais pas si je vais pouvoir reprendre, ou non, mes ateliers au long court. En effet mon état de santé a fait que j’étais obligée de tout arrêter depuis début juin. Je voudrais essayer de reprendre, mais devant moi surgit cette grande fragilité liée à mon état etc. et donc j’ai l’angoisse de ne pas pouvoir bien honorer en continuité mon bénévolat dans les associations, comme je le fais depuis 3 ans.

La culpabilisation est fortement là dans mon cerveau ! En fait, c’est la situation « d’interruption longue » qui me travaille et qui m’effraie. L’interruption et les conséquences sur mon cerveau etc. ! Et puis j’ai du mal à accepter que je puisse être la responsable de « trous » dans le planning des associations concernant les ateliers et événements. Quand j’y pense, c’est une pensée qui est devenue très anxiogène dans mon cerveau. J’ai également l’impression de me dédoubler dans mon corps. Il y a aussi cet autre fait qui est que je ne sais pas si je peux me faire confiance, si les autres peuvent me faire confiance. Alors je ne sais plus, je suis là à me dire : oui je continue, je fonce droit devant, mais c’est un « non » qui arrive aussitôt. Un non pour éviter de provoquer ce trou ! Après il y a cette autre partie qui me dit, tu n’es qu’une bénévole ! Mais ça je le tourne dans tous les sens dans ma tête ! Je ne trouve pas la porte de sortie ! Cela me fait un nœud dans ma tête !
Je me suis dit que si je faisais apparaître une production sur ce :  » je ne sais plus »  cela pourrait m’aider !

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Pour concrétiser mon esquisse, dans ma tête, c’était le vide qui sonnait en moi, car le fait de ne plus savoir me renvoie à cela.
Mais pas le néant, non ! Le néant, à ce moment précis, activerait le « plus rien, l’inexistence la mort » et ça il en était hors de question dans ma tête ! Car j’ai bien l’intention de continuer d’une manière ou l’autre.
Le partage, le mouvement dans mon groupe d’art plastique, les échanges, la transmission, recevoir etc. c’est tout ça ! Il y a ce manque qui n’a rien à voir avec celui qui me fait mal et qui me colle par moment. Lui est différent. Puis il y a le lien social, le coronavirus, les besoins et les demandes des personnes en souffrance que j’ai eu pendant mes ateliers, mais que j’ai croisées. Après j’ai cette phrase qui me trottine dans la tête : « prends bien soin de toi avant d’aider les autres. » Comment combiner tout cela sans faire de la casse ?
Mon idée d’esquisse était donc de faire apparaître le : « je ne sais plus « par un vide, mais celui-ci serait en deux représentations. L’une symboliserait le vide par la forme d’un grand visage et l’autre forme, toujours un visage, qui serait plus petit et qui exprimerait plus la profondeur où il est ancré, là où se trouve le :  » je ne sais plus », mais  il restera toujours dans l’intérieur du premier grand visage. En fait je ne voulais pas que cette angoisse, cette incertitude aille se mettre ailleurs dans la personne.
Mon ébauche étant terminée, j’y ai déposé mes couleurs. J’avais voté pour le noir de mes crayons, tout en jouant avec la couleur blanche et d’un marron, accompagné d’un léger mélange avec de la peinture aquarelle. Pour terminer complètement la production, j’ai rajouté ce point d’interrogation qui sonne le  » je ne sais plus, je ne sais pas ».

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette production a été conçue sur une feuille de 36 x 46 cm. Comme médium, j’ai utilisé des crayons graphiques HB, des  crayons Faber-Castell Pitt artist pen, de la peinture aquarelle.

Que ressentez-vous face à votre création ?

Je regarde ma production, et je peux écrire que je me sens moins dans l’angoisse même si je sais que je dois trouver une solution, pour honorer les engagements que j’ai pris avant d’arrêter en juin ! Concernant la culpabilité c’est encore bien fragile.
Il y a dans cette balance le fait que j’aime ce que je fais, les besoins des personnes, tout comme cette transmission et cela pèse lourd dans le côté positif et c’est peut-être ça qui va peut-être prendre le devant sur mon doute et ma frayeur ! Même si être bénévole demande beaucoup, car par moment on fait beaucoup plus ! J’en reviens au juste milieu que je dois trouver, pour pouvoir continuer mais tout en faisant attention.

BMP – Le secret

BMP – Le secret
Je souhaitais peindre sur ce qu’on appelle le secret. Il est arrivé un événement dramatique, lié à notre passé, à une de mes sœurs. Un fait que l’on m’a rapporté par hasard.
Il y a des événements dont on ne doit pas parler, des faits qui doivent être cachés, comme mis à l’écart, faire comme s’ils n’avaient pas existés. Il y en a dans certaines familles.
La définition simple du secret pourrait être :

« Cacher quelque chose intentionnellement à une ou plusieurs personnes. »

J’écrirais par exemple que mon passé doit rester secret pour celle qui fut ma génitrice, mais aussi pour certaines administrations. Il y a eu, en ce qui me concerne, tellement d’actes, tellement de droits bafoués envers moi, que si les secrets sortaient, étaient levés, cela pourrait provoquer un scandale. Quand j’ai voulu en savoir plus sur mon passé, sur mon dossier et quand je commençais à poser des questions qui mettaient mal à l’aise, qui dérangeaient, la personne qui me recevait, m’a sorti cette phrase que je n’oublierai jamais :

« c’est du passé madame, nos collègues d’avant ont bien fait leur travail.”

J’ai senti qu’il fallait que tout reste secret, que ma naissance devait être tue pour ne pas déranger le passé et les personnes concernées qui sont en vie dans le présent.
Le « secret »  rentre également dans le milieu professionnel, d’ailleurs, c’est un devoir qui est réservé aux médecins, aux avocats, mais aussi aux ministres des cultes dans l’exercice de leur ministère. Là, je parlerais de sécurité, de l’intimité de la personne, de ses droits que toutes ses professions doivent avoir. S’il y a des violations, une sanction se met en place tout de suite ! Il y a un autre type de secret, mais celui-ci vient de soi. C’est ce que j’appelle le jardin secret. Il peut permettre d’avoir un dedans qui vous appartient en propre.
Par contre, le secret « négatif », celui qu’il faut taire, provoque de la honte, de la douleur, de la culpabilité, du mensonge. Sans oublier le déni. Bien sûr, il y a aussi les secrets liés à la sécurité d’un pays, mais ce n’est pas de ceux-là dont j’ai envie de parler.
Je pourrais écrire qu’il y a des bons secrets, car tous ne sont pas nocifs, je les appelle « les secrets doux », car ils contribuent à notre bien-être et à notre épanouissement, je les décrirais comme légers à porter et souvent amusants ; je pense par exemple au secret dans lequel on peut préparer un anniversaire, une fête, une demande en mariage, le prénom d’un enfant à naître, mais ce sont souvent des secrets partagés avec quelqu’un en qui on a confiance.
Il y a aussi ces secrets que l’on peut consigner dans un journal intime, ces secrets qui renvoient à notre vulnérabilité, à nos complexes, à nos difficultés ; ces petites réflexions, que l’on consigne dans son journal intime, dans son jardin secret. C’est ce que je fais quand je pense que mes pensées rentrent dans la plainte, ou quand ça tourne dur dans ma tête. Je ne le dis pas, mais je l’écris.
Il y a enfin ces petits secrets que l’on ne raconte qu’à peu de personnes et qui peuvent être évoqués et partagés au cours d’une soirée, mais les bons ami.e.s, ça ne court pas les rues. Je parle des vrais.
Pour terminer, je reprends ces secrets qui sont lourds à porter et à vivre. Là, c’est autre chose, car cela peut générer un sentiment de mal-être total, qui va jusqu’à la dépression, voire le suicide. Il y a aussi le secret révélé qui détruit.
Dévoiler un lourd secret n’est pas anodin et cela peut même détruire une famille ou une personne. Il faut prendre cela au sérieux, si des événements doivent être dévoilés, la personne doit impérativement se faire accompagner. Il arrive aussi que sans que nous n’ayons rien demandé, on se trouve à porter un secret qui ne nous concerne pas vraiment, mais c’est dangereux de faire porter ce poids.
Je vais donc essayer de traduire par une création, comment je perçois le secret.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

La première idée était de traduire l’enfermement, donc des murs. Il s’agit aussi de rester dans le cadre du secret qui ne détruit pas, du secret doux, que l’on peut quand même partager avec quelqu’un en qui on a confiance. Pour retranscrire cela, des représentations d’une oreille, d’un visage sans yeux, d’une main, étaient des éléments qui me parlaient. La main, comme la main en l’air, pour faire le signe de « je jure », je ne le répéterais pas. Elle pourrait faire parler aussi la certitude que cela resterait enfermé entre les deux personnes. Elle pourrait faire une barrière de protection anti-fuite. Une oreille, qui traduirait l’oreille de celui qui écoute, et qui gardera ce secret qui ne détruit personne. Une bouche, avec le visage sans les yeux pour montrer la personne qui va dire son secret, la bouche pour parler, les mots qui vont sortir, qui ne feront de mal à personne, car il s’agit juste de parler de son vécu, de ce que l’on vit, de ce que l’on ressent, de ce que l’on est. J’ai donc commencé  par dessiner, la main, puis ont suivi la bouche et enfin l’oreille.
Pour le manteau de couleur, le médium : la peinture aquarelle, ne me parlait pas du tout. Par contre un dégradé de gris du plus clair au plus foncé, avec mes crayons à papier, allait beaucoup mieux. Les parties où se trouve l’oreille : le visage donc la bouche avec le nez seront plus dans le foncé et le tour des formes d’avantage dans le plus clair. Je trouvais que le crayon à papier mettrait en évidence les détails, c’est ce que j’ai pensé à ce moment-là. Parfois la couleur grise fait parler la neutralité.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette coposition a été conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. J’ai utilisé un crayon HB pour faire apparaître l’esquisse et des crayons 6B, 3B pour le reste de ma production.

Que ressentez-vous en face de votre création ?

J’observe ma production, et dans ma tête, je pense aux limites du dire ou de ne pas dire ; et j’en reviens à l’intime. Ce sont des sujets intéressants, mais que je trouve graves, que je ne prends pas à la légère. Dans l’intime il y a des limites on ne doit pas tout partager ! Dans mon cerveau, je me sens bancale d’un côté et plus vide dans l’autre. Je ressens des palpitations dans le profond de mon ventre.