Art-thérapie : quand la musique soulage les douleurs

Art-thérapie : quand la musique soulage les douleurs
Publié par Brigitte Bègue, journaliste santé
Jeudi 1 septembre 2016
Il y a des rencontres formidables. Celle de Claire Oppert, violoncelliste, et du Dr Jean-Marie Gomas, pionnier en matière de soins palliatifs, en est une. Ensemble, ils ont mis au point le « pansement Schubert » pour améliorer, par l’art-thérapie, la prise en charge de la douleur des patients en fin de vie.

Art-thérapie et douleur : le miracle du « pansement Schubert »

Selon la définition proposée par la Fédération Française des art-thérapeutes, « l’art-thérapie est la pratique de soin fondée sur l’utilisation thérapeutique du processus de création artistique »…
Imaginez une chambre d’hôpital dans laquelle se trouve un patient et, à ses côtés, une musicienne jouant du violoncelle. La scène se déroule au service de soins palliatifs de l’hôpital Sainte-Perrine à Paris. La violoncelliste, c’est Claire Oppert, concertiste et musicothérapeute. Il y a quelques années, alors qu’elle travaille dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad), elle constate qu’une patiente atteinte de démence s’agite et hurle pendant le soin qu’essaie de lui prodiguer l’infirmière. Claire Oppert : « Je me suis assise à côté d’elle et j’ai joué le mouvement lent du 2ème trio de Schubert. Immédiatement, le miracle s’est produit : la patiente s’est calmée et s’est mise à chantonner, l’infirmière a pu réaliser sa ponction veineuse en deux minutes. Pendant les deux semaines suivantes, je suis venue jouer à chaque fois qu’elle avait un soin et tout s’est bien passé ». L’idée du « pansement Schubert »* était née.

Art-thérapie : l’émotion par-delà de la maladie

Le pouvoir relaxant de la musique est connu, son effet sur la douleur est une réalité. Ici, l’originalité de la démarche est qu’il s’agit de musique vivante. « Mettre un casque sur les oreilles des patients pendant 15 mn pour leur faire écouter un enregistrement n’a pas la même portée que quelqu’un qui joue d’un instrument à côté de vous, souligne le Dr Jean-Marie Gomas, coordinateur de l’Unité douleurs chroniques et soins palliatifs de l’hôpital Saint-Périne où Claire Oppert exerce depuis 2011. Le violoncelle est proche de la voix humaine avec des fréquences facilement accessibles quel que soit l’état cognitif et le niveau socio-culturel des patients. Inutile d’être mélomane pour qu’il fasse vibrer le corps. On s’adresse au ressenti, à l’émotion ». C’est là toute la raison d’être de l’art-thérapie. Le médecin le précise, « le pansement Schubert ne guérit pas, ni ne remplace la morphine mais il apaise car il vient toucher la personne par-delà de la maladie ».

10% à 30% moins de douleurs

Pour mesurer l’impact de cette expérience musicale, une étude a démarré en 2014 et se terminera en 2017. Elle vise à inclure 200 volontaires. Pour l’heure 92 patients ont déjà bénéficié d’un « pansement Schubert ». Les premiers résultats décrivent une atténuation des douleurs induites par des actes médicaux de 10 à 30%, une décontraction musculaire et une diminution de l’anxiété. Ils sont évalués à partir de certains critères : tension artérielle, respiration, échelles de la douleur, observation du visage, du regard, paroles… Chaque séance dure en moyenne 15 mn à raison d’une à deux fois par semaine. Claire Oppert se met près du lit avec son instrument pendant que le soin a lieu : « En général, les patients me demandent de jouer doux. C’est eux qui choisissent ce qu’ils veulent écouter. Du classique au jazz en passant par des musiques ethniques ou baroques, je m’adapte. Quand ils n’ont aucune idée, je joue du Schubert ».

Des notes qui font du bien

« Ça me fait du bien », c’est ce que disent la majorité des patients à l’issue de la séance. « Quand ils sont conscients, 90% d’entre-eux se mettent à chanter », raconte la musicothérapeute. Mais même dans le coma, ils réagissent : les sons provoquent une décontraction musculaire dans 80% des cas, leur respiration se ralentit et s’amplifie.
« Plusieurs études montrent que le cerveau de personnes dans le coma réagit à la musique, rappelle le Dr Gomas. Quelques-unes se sont même réveillées après avoir entendu un morceau connu ». Bénéfique pour les patients, le « pansement Schubert » valorise aussi les soignants : « Ils ont l’impression que leur soin est meilleur », affirme Claire Oppert. Des bienfaits difficiles à quantifier avec des chiffres. Dr Gomas : « L’art-thérapie entre peu à peu dans les lieux de soins, le problème est le financement. On est dans un monde médical où tout doit être évalué mais avec le “pansement Schubert”, on est dans la recherche de la qualité, de la finesse, de la sensibilité. Ça ne se quantifie pas. Si le malade dit “j’ai moins mal”, on n’a pas besoin de colonnes de chiffres ».

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Quand l’art répare le cerveau

Quand l’art répare le cerveau

HERVÉ PLATEL ET FABRICE CHARDON
21 mars 2018
CERVEAU & PSYCHO N° 98
Dépression, AVC, Alzheimer, fin de vie… Les effets thérapeutiques de l’art sont de mieux en mieux établis. Les dernières études montrent même qu’il a le pouvoir de stimuler la neuroplasticité.
Camille, 13 ans, souffre de troubles cognitifs. Adrien, 17 ans, est violent et manque de confiance en lui. Handicapé par les séquelles d’un accident de la route, Dominique, 44 ans, a développé une dépression. Bernard, 75 ans, souffre de la maladie d’Alzheimer. Jean, 41 ans, est entré en unité palliative, en raison de son cancer en phase terminale.
Leur point commun ? Tous ont été inclus dans un protocole d’art-thérapie. Et tous ont vu leur état physique, cognitif ou émotionnel s’améliorer. Nul besoin toutefois d’être victime d’une pathologie lourde pour bénéficier des bienfaits de la pratique artistique  : les recherches montrent que de simples séances de dessin ou de coloriage, que chacun peut pratiquer, diminuent le stress.
Pour le psychologue israélien Son Preminger, l’art est une expérience totale, à la fois perceptuelle, émotionnelle et personnelle. Il agit alors à plusieurs niveaux. D’une part, il stimule les sensations et les émotions, ainsi que la motricité (quand on danse, que l’on dessine, que l’on modèle de l’argile…). Ensuite, il encourage à aller vers les autres, pour élaborer une œuvre avec eux, ou tout simplement pour leur montrer les œuvres que l’on a soi-même exécutées. Il aide aussi à restaurer la confiance en soi, grâce à la satisfaction de réaliser une belle chose, ainsi que la « saveur existentielle » (le plaisir de vivre l’instant présent).
De ce fait, l’art-thérapie, définie comme la valorisation du potentiel et des capacités préservées d’une personne en souffrance grâce à une pratique artistique, permet d’assister des patients victimes de pathologies très variées. Une enquête réalisée en 2015 par l’école d’art-thérapie de Tours (Afratapem) montre à quel point elle a pénétré le milieu du soin en France : plus de 92 % des structures d’accueil (hôpitaux, centres médico-sociaux…) déclarent en proposer. Si de façon générale, elle n’est pas remboursée par la Sécurité sociale, certaines de ces structures l’intègrent tout de même gratuitement au parcours de soin. Autre atout  : on peut y recourir à tout âge.

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