BMP – Cerveau traumatisé qui déraille

BMP – Cerveau traumatisé qui déraille

Les traumatismes sont des événements extrêmes qui n’ont pu être ni pensés ni anticipés, qui arrivent d’une manière brutale, par exemple viol, attentat, tremblement de terre, attaques. Devant cette horreur et l’effroi généré par l’événement, le cerveau a du mal à traiter l’information de façon appropriée et à en trouver le sens. Il revit cet événement en boucle et le moindre déclencheur réactive ce passé avec les émotions qui y sont attachées. Les survivants, car ce sont des survivants, gardent de leur passé des séquelles indélébiles, c’est ce que l’on appelle le syndrome de stress post-traumatique.

La violence est telle qu’elle n’a pas de sens pour la victime. Moi-même j’essaye encore de trouver un sens à ce que l’on m’a fait vivre et pourquoi ça reste présent.
La pensée et les émotions sont comme arrêtées, suspendues. Même si on continue à vivre dans le présent, on perdure émotionnellement bloqué sur un événement que l’on n’arrive pas à élaborer, à digérer. Il revient sans cesse et tourne en boucle dans la tête et le cerveau.

L’événement traumatique ne s’oublie pas, il demeure là, présent. Il cherche à s’exprimer, à refaire surface pour en trouver un sens. Des traumatismes non traités modifient notre manière de penser, nos émotions et notre attitude.

En fait dans ces moments-là, je peux dire que mon cerveau, traumatisé, ressemble à un disque rayé, qui revient toujours sur le même sillon, qui rejoue donc en boucle les mêmes fragments de mes souvenirs qui rentrent dans l’indicible. C’est la rumination qui m’a fait penser à ce disque rayé.
Il se passe une rupture dans le mécanisme qui me permettrait de pouvoir supprimer et de réguler dans ma mémoire et mon cerveau des intrusions sévères.
Ainsi la représentation que je me fais : intrusion, souvenirs non digérés, de ce fait l’image d’un disque rayé et de dissociations. Parfois je me pose cette question comment digérer l’indicible ? Je ne sais pas si une réponse existe. Et c’est vrai aussi sur la question du « pourquoi ça m’est arrivé, qu’est-ce que j’ai fait ? » Pour accompagner ces réflexions, je vais faire une production.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Ce qui comptait le plus c’était de retranscrire ce disque rayé. Pour cela il ne me fallait pas de corps, mais seulement un visage de profil, et de placer au centre de celui-ci le disque rayé. L’emplacement du cerveau. Avec un œil qui observe, mais qui ne peut rien faire pour intervenir ! Rien d’autre.
Je commence donc par dessiner ce disque rayé, puis le morceau du visage, pour bien montrer que le problème se trouve ici et pas ailleurs. Pour les couleurs, je suis restée entre le marron-gris, une touche de bleu, du rouge et du noir. Quelques finitions par ci par là.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Cette production a été conçue sur une feuille de format 36×46 cm. Un crayon HB pour faire naître mon esquisse, de la peinture aquarelle, des feutres pour les finitions.

Que ressentez-vous en face de votre création ?

J’observe ma production, et dans ma tête, je me dis : « c’est ça ! ». J’avais cette impression d’avoir enlevé un poids dans mon cerveau. Difficile encore de parler de tout cet indicible ! Parfois je préfère faire naître une émotion à travers une production tout en cachant derrière une souffrance.

BMP – Comment je perçois les traumatismes graves dans le cerveau !

BMP – Comment je perçois les traumatismes graves dans le cerveau !
C’est parce que j’ai parlé du trauma avec mon psychiatre que m’est venue cette idée.
Je trouve qu’après avoir abordé un sujet complexe, il est nécessaire par le mouvement du dessin, de pouvoir passer des mots à la création. Une manière de solidifier notre regard.
Mes traumatismes graves et divers ont créé chez moi de très importantes « cicatrices psychologiques » qui m’empêchent de mener une vie pleine et heureuse tout le temps. J’ai des reviviscences, des cauchemars, des troubles du sommeil et des problèmes de mémoire et de concentration sans oublier les troubles alimentaires du jour au lendemain. De plus le moindre rappel d’événements qui évoquent le passé, peut m’entraîner une reviviscence terrifiante de mon « expérience » traumatique. Je peux également ressentir de la culpabilité, de la honte, de la nervosité, de l’épuisement et des sentiments d’engourdissements ou de déconnexion des autres.
Certains symptômes se montrent un peu moins fort par moment quand j’arrive à ne pas trop me dissocier par le fait d’avoir travaillé dessus.
Mes traumatismes ne sont pas quelque chose dont je peux simplement « me remettre ». Par contre, comme je l’écris souvent, je peux essayer de les digérer et cela, ça doit se travailler encore et encore afin de pouvoir les mettre dans mon bocal dans mon cerveau.
Voici une production que j’avais faite à ce sujet :

BMP – Un bocal dans mon cerveau

Pour certaines personnes, le traumatisme peut durer quelques semaines ou quelques mois, mais pour d’autres, comme moi les symptômes peuvent durer toute la vie et être associés à des sentiments d’impuissance, d’isolement, de dépression. Sans oublier aussi que je peux devenir extrêmement réactive et dépassée par des choses sans importance. C’est l’angoisse qui prend le dessus et la peur. Tout comme les ruminations et croyances négatives.
Mon entourage a beau me dire que ce n’est rien, de ne pas y prêter attention, ces phrases n’ont aucun effet sur moi, car je ne peux plus contrôler mes réactions, mes pensées, car je suis comme partie dans un autre monde. En fait tout devient compliqué à comprendre etc.
Pour faire barrage aux sensations terrifiantes, le cortex préfrontal médian, là où siège ma conscience se met en veille. Dans ces moments-là, je ne sais plus ce que je ressens. Il m’est difficile d’être consciente de ce qui est bon ou mauvais pour moi, ou de prendre une décision en toute lucidité. Je ne perçois même pas le danger. Je ne sais sais plus rien, j’ai disparu du temps présent, je suis loin dans l’univers du passé et qui ne doit pas venir se mélanger dans le temps présent.
Quand je suis dissociée, je suis complètement déconnectée du présent. C’est une de mes parties émotionnelles qui prend alors la relève. Dans ces moments-là, je ne me rappelle de rien du tout. Quand je reviens à moi, cela ressemble à un grand trou dans le présent, que j’ai besoin de remplir pour faire fuir mes frayeurs, mes peurs et mes angoisses. J’ai l’impression de tout réapprendre à chaque fois.
L’adulte que je suis, revient à chaque fois doucement dans le temps présent. J’y crois toujours, même si par moment j’ai cette frayeur qu’elle reste coincée et qu’elle disparaisse.
Un jour, j’avais posé la question à mon psy, il n’a pas su me répondre avec certitude. Personne ne le sait en fait, si je ne vais pas rester coincée dans ce passé terrifiant.
Il est certain que comprendre pourquoi et comment, c’est sécurisant pour moi et cette sécurité m’aide à mieux digérer les événements dramatiques. Je me sens parfois plus forte dans ma tête et dans mon cerveau. C’est cela qui est important pour moi, cette force ! Je ne perds jamais de vue de faire un pas de plus chaque jour.
Pour accompagner mon écrit, je vais par une première production montrer comment je perçois  mon cerveau avec tout ce passé que est de l’ordre de l’indicible.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Par moment, j’ai l’impression que mon cerveau porte en lui une grande ouverture qui s’enfonce très profondément. Cette ouverture commence en haut de ma tête et va jusqu’en bas. Par moment il y a du sang qui remonte. Ce sang se répand dans des vaisseaux au-dessus du cerveau. Mais il ne touche pas complétement tous les vaisseaux. Les autres, qui ne sont pas encore touchés, me permettent de rester dans le mouvement d’une vie et de respirer.
Cette ouverture sur mon cerveau n’est jamais fermée, les souvenirs violents en ressortent, de même que les violentes dissociations. Pour finir mon esquisse, j’ai dessiné ce médecin qui essaie de trouver comment refermer mon cerveau à jamais, en le délivrant de ces souffrances extrêmes et de cet indicible. Mais par contre je ne veux pas qu’on m’enlève cet « amour » de pouvoir dessiner, ce mouvement de l’art-thérapie. Voilà je me dis qu’un jour on trouvera comment aider et même si moi je ne le verrai peut-être pas, cela se fera pour d’autres. La science évolue à petits pas, mais elle évolue. L’espoir !
Voilà mon esquisse étant terminée, je commence à y déposer mes couleurs, en passant par le rouge rose, du noir, en passant par le bleu, le gris et le marron. Quelques finitions ont été faites aux feutres rouge, bleu, gris et noir.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. J’ai utilisé un crayon à papier HB, comme médium de la peinture aquarelle et des feutres à pointes fines pour les finitions.

Que ressentez-vous face à votre production ?

En regardant ma production, ma première réaction a été que je dois arriver à fermer ce cerveau. Mon cœur tape fort en moi, j’ai l’impression que là, il grossit et qu’il prend plus de place. Je ne me sens pas si mal dans ma tête. Quant à mon cerveau, je ne le sens pas. Il faut se battre !