BMP – L’insupportable masque

BMP – L'insupportable masque
Je me sens plus à l’aise derrière l’écran, car quand tout se fait en douceur avec moi, on avance. C’est avec plaisir que j’ai retrouvé Emmanuelle derrière l’ « écran à écran ». Je n’étais pas particulièrement angoissée de la retrouver elle. Mais par contre je reste remplie d’angoisse par rapport à ce que je vis en ce moment, en particulier pour les associations. Il y a bien des portes qui s’ouvrent, mais c’est flou et le flou m’angoisse.
C’est donc tous ces sujets que j’ai abordé avec Emmanuelle, sans oublier de passer par le test d’anxiété qui reste pour moi un apprentissage. Bien savoir ce que je ressens en moi dans l’instant présent, apprendre à reconnaître et à différencier les sensations, c’est toujours cafouilleux, car cela a été tellement muselé et interdit. Alors je dois apprendre, et cela reste une découverte parfois inattendue dans le présent.
J’ai cette impression que ma tête doit se mettre en harmonie avec mon corps ce qui n’est pas toujours le cas.
Doucement nous sommes passées à la partie « atelier art-thérapie » et nous avons abordé le sujet du masque que l’adulte porte et qui m’effraie tant.
J’avais déjà fait une production là-dessus, un billet qui est en privé sur le blogue, il est assez violent, c’est pour cela qu’il est en privé. Mais dans ma tête, cela reste très violent.
Béatrice l’adulte sait pourquoi dans le temps présent, elle doit porter le masque, mais le passé interfère : elle sait que quand elle était jeune, elle a subi des viols atroces et que les agresseurs lui mettaient des masques sur le visage.
Mais je ne me rappelle pas de tout, j’ai des trous énormes. Et quand j’essaie de me rappeler, ma concentration ne tient pas, elle vire. Tout reste fragile autour de moi. Je sens juste dans ma tête une énorme frayeur,  une tétanisation, l’odeur de la mort. Mais les images ne sont pas là, c’était comme si on m’avait arraché quelque chose.
Mais je sais que quelque chose s’est passé. Je le sais par rapport déjà au peu de souvenirs que j’ai.
Mise en situation
J’avais commencé, une deuxième ébauche par rapport à ces traumatismes, mais je l’avais mise de côté, car je ne me sentais pas assez forte. Et c’est donc avec cette ébauche que j’ai avancé avec Emmanuelle, lors de cette séance. Je me suis installée avec mon matériel de peinture, devant l’écran afin que l’art-thérapeute puisse bien me suivre, comme lors de la séance précédente.
J’ai terminé un peu mon esquisse au crayon de papier, puis je suis passée à la couleur. C’est là que je me suis dissociée.
Tout en posant la couleur, je continuais à échanger avec Emmanuelle. Je trouve que c’est une bonne façon ; je suis moins envahie, la violence est moins forte dans mon cerveau, mais pourtant malgré cela je me suis dissociée. Je me demande ce qui serait arrivé si Emmanuelle n’avait pas été là pour m’aider à me sentir moins envahie par la violence. C’est violent dans ma tête c’est terrible je sens mon cerveau s’arracher !
Si j’ai bien compris, je me suis dissociée deux fois : Il y a eu l’adolescente et la petite fille.
L’adolescente a laissé des empreintes sur le dessin, la larme rouge et le rouge qui se trouve dans la main sur mon dessin.
La petite fille a dessiné un bonhomme en haut de la feuille à droite, mais celui-ci ne réapparaît pas je l’ai enlevé.
Pour le reste, je ne me rappelle pas. Et j’ai également du mal à entendre ce qui s’est passé avec l’ado après une dissociation. Je ne renie pas l’ado, mais ça me fait tellement souffrir avec ces souvenirs qui remontent, que j’appréhende d’en retrouver d’autres, Je ne sais pas comment je ferai et cela m’effraie. Alors à voir avec à la prochaine séance pour l’entendre. Car cette ado a besoin d’aide c’est moi finalement aussi.
La professionnelle ne m’a pas forcée à entendre ce que l’adolescente lui a dit, elle me laisse le temps. Derrière un écran ce n’est pas simple pour moi le après non plus quand je me retrouve seule.
Les dissociations peuvent être très violentes, elles provoquent un mal de tête intense et ensuite il me faut du temps pour récupérer. Les dissociations pompent notre énergie, ça me vide le cerveau, c’est épuisant par moment.
Mais je sais que pour m’aider à digérer, je suis obligée d’en passer par là, mais ce travail ne peut pas être fait, et encadré par n’importe quel professionnel de la santé. Emmanuelle, qui me connaît, peut donc le faire  j’en avais parlé avec mon psychiatre avant.
Ce qui est intéressent dans ces visio-consultations, pendant les moments d’atelier d’art-thérapie, c’est qu’Emmanuelle, perçoit ce qui se passe pendant mes dissociations, alors que moi, quand je suis seule, je ne me rends compte de rien.
En attendant, même si je me suis dissociée, ça a été une séance plus remuante car nous avons abordé un sujet plus complexe.
J’ai apprécié cette séance, j’ai senti une grande différence, concernant l’aide, car avec la visio-consultation je ne me retrouve pas toute seule avec mon crayon, à beuguer. Même si je me dissocie, les sensations dans ma tête sont différentes, ça me rassure. Pour cela merci à la professionnelle qui m’encadre.
Aujourd’hui on est le lundi 8 et je comprends mieux pourquoi j’ai mal à la tête, je suis moins inquiète. Car je sais ce qui s’est passé hier. Je ne suis pas sans réponse. Le côté rassurant est là et mon angoisse est moins forte. Après voilà tout n’est pas simple et réglé non plus.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Pour concrétiser mon ébauche et pour retranscrire ma frayeur contre les masques, je voulais faire apparaître le fait que l’adulte Béatrice quand elle en porte un, étouffe. Mon idée était donc de dessiner une main, la main de l’agresseur en une forme de masque qui sera collée contre le visage à la fois de l’adulte que je suis et de l’adolescence que j’ai été. Des tresses du jaune de la folie.
Je devais également dessiner le fait que j’ai cette impression d’avoir un petit cou et que celui-ci on le serre très fort. Mon cou, dans le passé, était serré par les différents agresseurs afin d’obtenir un orgasme total, agresseurs qui portaient aussi un masque lors des soirées organisées par les mères nourricières. Lors de ces soirées de viol, je ressentais encore plus de violence avec le port des masques et cet étouffement.
Je pense que la violence est tellement présente que c’est pour cela que je me suis dissociée en peignant.
A l’heure actuelle, en écrivant ce texte, je suis incapable de savoir si j’ai réussi à mettre des mots avec Emmanuelle, je ne me rappelle plus. Dans ma tête il y a un trou.
Une fois mon esquisse terminée, je suis passée à la couleur, et j’ai appris avec l’aide de L’art-thérapeute à faire apparaître les cheveux blonds-marrons à la peinture aquarelle et non au crayon de couleur ou aux feutres comme je le fais d’habitude.
Il y a donc, comme je l’ai marqué dans mon écrit l’empreinte de l’adolescente au moment de ma dissociation, donc la couleur rouge. Pour le reste, la couleur grise, bleue pour le masque. Un léger marron, jaune pour le reste du corps, et pour terminer des nuances de gris de mon crayon de papier.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, peinture aquarelle.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Je regarde ma production, je me dis que je reviens de loin, j’ai frôlé la mort, alors j’aurais encore cette force de faire face à tous ces masques. Ça me demandera un peu de temps oui, mais je ne baisserai pas les bras.
Les angoisses sont présentes, je me sens effrayée mais dessiner c’est mon pansement et cela, j’essaie de ne pas le perdre de vue. Et puis, l’aide est différente et très importante. Bien sûr, c’est très difficile, mais c’est en surpassant nos limites qu’on avance 🙂 !
Je me sens rassurée même si par moment les symptômes sont envahissants.

BMP – D’écran à écran

BMP – D'écran à écran

Une séance d’art-thérapie en visio-consultation.
Pour cette séance, je me sentais moins angoissée. Pourtant le thème de l’atelier d’art-thérapie était « écran à écran” et ça ne me parlait pas du tout. Mais quand je dis « pas du tout », c’est vraiment pas du tout. Il y avait le fait que j’ai été touchée par des situations consécutives que dans ma tête c’est la vraie grande claque.
Pourtant il y a ce lien qui me parle beaucoup dans ma tête par rapport à ce thème écran à écran, le fait qu’avec Emmanuelle, le travail sur le blogue etc. tout se passe derrière les écrans, ce qui n’est pas le cas avec mon psychiatre, car avec lui il y a une présence physique, il y a le face à face, il y a le fait d’être assise dans un fauteuil et le fait d’être dans le cabinet médical.
D’ailleurs, j’en reviens à ce dé-confinement. Je le cherche encore ! Cette absence de la présence physique, je la vis comme un abandon. Au début, je me disais « non ça va passer, ce n’est que passager » mais là non, j’en souffre beaucoup.
Tout comme aussi la présence physique, des personnes qui venaient à mes ateliers, me manquent beaucoup, cette relation humaine, le toucher, l’ambiance du groupe etc. Ça aussi ça n’existe plus. Je ne sais pas ce que je ressens comme émotion si c’est de la colère, de la rage, de la souffrance, de la peine. Les points d’interrogation sont là pour les ateliers vont-ils pouvoir reprendre ? Si oui comment à quelle fréquence etc. ?
Pour les séances avec mon psy, c’est pareil. Oui, il y a l’angoisse des masques mais je pense maintenant qu’il y a autre chose. Il y a eu ces changements, ces chocs, sans oublier le décès de mon amie et de mon autre amie qui reste encore bien malade. Tout cela a marqué mon cerveau.
Cet atelier virtuel, avec l’art-thérapeute, m’a permis pendant un moment, de ne pas me sentir dans l’abandon. Je ne me sens pas si bien que ça, mais en moi ça je ne le sens pas vraiment, pourtant les symptômes sont là, mais je garde le sourire, je blague… Voilà pourquoi j’écrirais que ça a été important pour moi, je me suis sentie rassurée. L’art-thérapeute m’a même donné l’autorisation de pleurer, ça m’a beaucoup touchée car je n’ai pas l’habitude qu’on me dise cela. La professionnelle a observé derrière cet écran mon état. Je n’osais pas, ça je le savais, car je sentais mes larmes remplir mes yeux et je les retenais car je ne voulais pas qu’elles coulent. Mais pourquoi ? L’instinct, une défense, l’interdiction, car c’est Emmanuelle, je n’en sais rien. Parfois cela m’arrive aussi avec mon psychiatre, je me retiens. Mais cette autorisation m’a beaucoup touchée.

Pour en revenir à cette séance, Emmanuelle m’a fait faire le test sur l’anxiété. La bonne humeur était présente. Quant à me demander ce que je ressens, c’est tout un ‘voyage’. Mais au moins on ne s’ennuie pas. L’instantané du moment, il ne faut pas que je réfléchisse dans ma tête et ça c’est ambiguë. Comment on fait cela ? Comment demander à mon cerveau de s’arrêter pendant une seconde ? Pourtant je l’aime bien ce questionnaire, car j’apprends, j’apprends à savoir ce que je ressens ce qui est bien difficile à différencier. Rien n’est fait sous la violence comme je l’ai vécu et ça c’est énorme pour moi. Quand on lit cela doit poser question, mais pas pour moi qui l’ai vécu c’est pour cela que je l’écris car c’est important.
Et puis tout en parlant nous sommes passées à la partie art-thérapie.
Moi j’étais chez moi dans mon salon dans mon petit coin sécurisant et Emmanuelle était dans l’écran, enfin derrière  🙂 mais c’était comme si tout était habituel. Il y avait quelque chose qui se passait là d’extraordinaire. Ce présent était tel que je pouvais pratiquement y passer ma main à travers et c’est cette image que j’ai eu envie de dessiner.

Mise en situation

J’ai donc installé mon matériel et positionné mon écran afin qu’Emmanuelle puisse suivre la naissance de ma création de A à Z.
Parfois on continuait à échanger toutes les deux et parfois je me concentrais beaucoup plus et parfois encore et bien je partais dans un autre monde, le monde de la dissociation.

Dissociation

C’était une première pour moi, mais aussi peut-être pour l’art-thérapeute de gérer cela derrière un écran, car elle a eu en face d’elle la petite fille qui est en moi et qui lui a parlé.
Il en est de même pour après, ça aussi, ça s’est bien passé, même si ça reste pour moi difficile.
Mais il y a ce quelque chose qui fait que voilà ça repart peut-être un peu sur la fragilité, le temps de reprendre mes esprits mais toujours après sur le chemin de la force.
Même si je me suis sentie un moment perdue, à cause de cette dissociation, je parle d’après la crise.
Emmanuelle, n’a pas montré une seule fois sa peur, une angoisse etc. Je ne parle pas du pendant la « crise » je n’ai pas de souvenir, mais d’après. Elle m’a juste demandé de me poser, de respirer profondément et ce n’est qu‘ensuite qu’elle m’a expliqué ce qui s’est passé. Le professionnalisme est bien là !
Le souci dans ces moments-là, c’est que j’ai besoin d’avancer, comme pour rattraper le temps, un peu comme pour me dire que non, rien n’est arrivé, oublier ce moment perdu pendant la crise qui me fait encore mal.
Pourtant c’est cela que je dois apprendre à faire autrement. Je dois me dire, non, pose-toi, ne t’en veux pas etc. Ça m’aiderait à diminuer mes dissociations.
Je pense que c’est ce qu’Emmanuelle a voulu me faire comprendre, mais je crois que je n’ai pas bien capté. Mon cerveau ne devait pas être encore bien remis bien en place.

Après le fait de me dissocier devant Emmanuelle ne m’a pas dérangée, ce n’est pas la première fois. Elle connaît bien le sujet des dissociations et les traumatismes importants et puis elle sait que je peux me dissocier à tout moment et que si elle m’a proposé ces séances, elle a dû aussi mûrement réfléchir à cela également. C’est un tout qui fait que je me sens rassurée. Après, me concernant, le vécu de mes dissociations reste pour moi une usure.
Pour conclure ce fût une séance apaisante. J’ai apprécié grandement cet échange et ce calme qui a été contaminant. Ça fait du bien. Cette sensibilité qui est présente et qui me touche beaucoup et qui rassure.
Pour accompagner l’écrit de ma séance avec la professionnelle, je souhaitais donc retranscrire mon sentiment devant cette séance sur ce thème l’écran à écran.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Pour concrétiser mon ébauche, je vais garder le fait que sur le blogue, lors des échanges avec Emmanuelle, tout se passe derrière les écrans, que cela soit par téléphones ou par ordinateurs.
Mais là pendant ces séances de vidéo-consultation, ça va beaucoup plus loin par moment, les attitudes de chacune font que l’ambiance pourrait même faire croire que l’on pourrait passer nos mains à travers pour nous saluer, nous toucher, provoquer cette présence qui me fait vide depuis quelques semaines et qui me provoque un malaise général.
Voilà c’est ça l’image que j’aimerais montrer à travers ma production par notre regard devant cette création.
Ce quelque chose de spécial qui provoque cela.
Tout de suite je pense à ces situations : résilience, et encadrement. Ce quelque chose de rassurant. Même si par moment il y a toujours une angoisse de cet écran qui peut surgir qui n’est jamais trop loin mais qui finalement nous attire car on se sent accompagné, voir bien plus. C’est incompréhensible dans ma tête mais c’est à la fois fort et beau.
Mon idée était donc de dessiner deux écrans de téléphone et des mains qui en sortent, comme pour se toucher, et faire briller cette bienveillance.
Pour les couleurs, de la douceur, de la sécurité, mais aussi il fallait que je fasse apparaître au milieu de tous ces divers tons, ce que je ressens en moi, c’est-à-dire ce calme, qui est important car il fait une coupure entre les dissociations et mes angoisses.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, peinture aquarelle.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Je regarde mon dessin et je ne sens pas d’angoisse et de cela je suis certaine. De même que je ne me pose pas de question et ce constat c’est trop fort de l’écrire. C’est très ambigu de décrire mes émotions par écrit, ce que je ressens au plus profond de moi. Le dire verbalement est parfois plus facile pour moi et encore quand je ne fonds pas comme une glace. Pour moi ça fait partie de la discrétion et de la sensibilité.