BMP – Un corps sur le dos, des couleurs, des petits symboles

BMP – Un corps de dos, des couleurs, des petits symboles
En fait, j’avais une idée en tête, mais j’étais finalement incapable de la mettre à plat sur ma feuille, car je ressens une certaine anxiété qui, hélas, perturbe ma concentration. Mais comme je ne voulais rien lâcher, je suis partie sur autre chose, et ce fut un corps avec quelques petits symboles.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Pour cette fois-ci, ça sera un corps en entier. Cela me semble important, car dans mon propre corps en ce moment, c’est le chaos total. De plus, il est troué à cause de tous ces organes qu’on lui a retirés. Ce qui est anxiogène, c’est que les chirurgiens enlèvent, mais ils ne remettent rien à la place et donc ça finit par des trous et encore des trous. Je ressemble à un puzzle qui a perdu ses pièces. Ce n’est pas finit car deux autres opérations m’attendent !
Dessiner un corps entier, me faisait du bien. Je voulais y rajouter des couleurs, pour cacher les cicatrices qui sont sur moi. Une sorte de pansement. Peut-être que même si je n’en suis pas certaine, cela pourra remplacer un peu ce qui m’a été enlevé. L’avenir est incertain pour moi, et j’aimerais lever les interrogations.
Ce corps, je le dessinerai en position sur le dos, avec des jambes ramenées légèrement sur le ventre, une main recouvrira les seins, elle sera en conséquence posée sur l’épaule. Le mouvement n’est pas complètement perdu ou oublié, car il est là,  présent dans la position de ce corps. Le positif !
Une fois mon ébauche terminée, je trouvais ce corps bien nu, je devais le cacher sous son manteau, le recouvrir pour dissimuler ce qui ne va pas. C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai posé le manteau de couleurs vives aux multiples tons. À ce moment-là, j’ai habillé ce corps, il n’était plus dans l’ombre, dans le sombre.
Je sais que lorsque je suis dans un mode de tons colorés, mon regard change un peu, il est moins violent, moins angoissé. Mais parfois il arrive qu’une création, sans couleurs, peut aussi m’apaiser, mais mes sensations ne sont pas les mêmes. Cela dépend de ce que je ressens en moi, à ce moment-là et si je suis bien moi.
Les finitions ont été faites avec un feutre de couleur turquoise.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Une création conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médiums : un crayon HB pour mon esquisse, la peinture aquarelle, un feutre bleu turquoise pour les finitions.

Que ressentez-vous face à votre création ?

J’observe ma production, dans ma tête ça me tape fort, je me sens vidée, creusée dans mon corps. Mais le corps, qui est dessiné sur ma feuille, est rempli à l’intérieur et il porte un beau manteau de couleurs et ce positif me rassure. Je pourrais me dire que c’est le mien !

BMP – Les dissociations dans la douceur des couleurs

BMP – Les dissociations dans la douceur des couleurs
J’écrirais que le phénomène de dissociation est une déconnexion entre nos pensées, notre environnement, nos émotions et l’identité dont certaines personnes souffrent. Ce phénomène est un état de déconnexion de l’ici et le maintenant, c’est un blocage mental qui se produit sur et dans l’instant présent. Le cerveau disjoncte et déraille.
Les dissociations, pour rester simple, sont des parties émotionnelles de nous-même qui sont restées bloquées dans notre passé à la suite de nombreux traumatismes très graves. Des traumatismes où l’on n’a pas su, ou, pas pu, dans le passé à trouver d’autres options que de s’éloigner de soi-même, pour ne plus souffrir mais aussi pour nous protéger, car à ce moment-là, les violences etc. étaient devenues extrêmes et intolérables aussi bien pour le cerveau, que pour le corps.
Mais voilà nos parties émotionnelles continuent à s’exprimer dans le présent et cela dès que des reviviscences apparaissent et rappellent le passé comme une odeur, un bruit ou encore un visage etc. Finalement c’est comme un retour en arrière dans le passé pour la personne qui pourtant est dans l’instant présent.
J’écrirais donc que pour essayer d’avoir moins de dissociations, c’est d’arriver à parler à nos parties émotionnelles qui sont restées coincées dans le passé, il faut essayer de les rassurer dans le présent, et donc par exemple il faut leur expliquer ce que l’on fait. Il faut essayer de les faire grandir dans un climat plus rassurant dans le présent que celui qu’elles ont connu dans le passé. Cela demande beaucoup de travail sur soi-même.
Les dissociations peuvent prendre des formes différentes par rapport au vécu des personnes. En ce qui me concerne, par exemple, je ne sens pas mes parties émotionnelles, mes dissociations sont beaucoup trop violentes. Mais mes parties émotionnelles sont bien là et elles réagissent pendant les crises de dissociation. D’où l’importance de continuer à les rassurer constamment et de comprendre tous nos traumatismes. Afin de pouvoir remettre les morceaux de notre vie en entier si c’est possible et à les transformer en des liens plus solides.
Il arrive également quand la douleur du corps est trop forte, cela nous emmène dans un mouvement de dissociation.  Comme certains médicaments. C’est ce que j’ai observé me concernant et je peux le confirmer depuis peu. Par contre je ne saurais dire à quel moment mon cerveau a disjoncté tout comme repérer à quel endroit de mon corps où s’est trouvé cette douleur qui a été trop forte et provoquer une dissociation. Je n’ai plus de souvenir quand le moi du présent revient à lui. Ce qui complique par moment les faits et les prises en charge.
C’est ce qui m’arrive depuis un moment et donc je vais faire apparaître une production pour essayer d’apaiser mon cerveau.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Qui dit dissociation, dit que plusieurs parties émotionnelles se manifestent, donc plusieurs visages. Et c’est ce que j’ai fait apparaître : des visages entiers, pas en morceaux, mais légèrement imbriqués les uns dans les autres. Je voulais de la douceur ! J’ai également dessiné une main, juste un membre et un œil solitaire. Ceci retranscrit le fait que lors des dissociations, on n’est plus du tout dans le présent. Certes on est là, mais dans une sorte de grand brouillard qui nous donne cette impression que l’on est très très loin. Parfois on est même plus du tout là. Mais là c’est plus violent dans ma tête, le moi adulte dans le présent est comme mort et ça j’ai du mal. C’est pour cela aussi je l’ai dessiné un œil car je ne voulais pas non plus, faire apparaître le rien, le vide, le sans corps. L’œil permet de voir et de nous rassurer quand on revient à nous dans le présent. Même si un flou demeure avant que cela ne disparaisse.
Pour les couleurs, j’ai déposé sur ma feuille ce qui me passait par la tête et ça sans réfléchir. J’avais l’angoisse d’être comme inondée de questions et de partir en vrille. Mais ces couleurs me plaisent. La douceur me parle et ça me fait du bien, je me sens loin de tous les traitements qui ne me rendent pas bien, nauséeuse et j’en passe ! Je me promène dans mes couleurs aquarelles, c’est un voyage agréable. Je suis dans mon monde et non dans les dissociations. Les finitions ont été faites aux crayons de couleur.

Quels matériaux avez-vous utilisé ?

Production conçue sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, peinture aquarelle, crayons de couleur.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

J’ai pris plaisir à faire naître cette production, même si le contexte des dissociations me donne l’impression de m’épuiser et de détruire mon cerveau, un peu plus à chaque fois. J’apprends à les accepter, car je me dis que nier les faits ne fait qu’aggraver la situation. Dans mon cerveau je me sens moins colonie de vacances, mais cela tape partout mais beaucoup moins fortement. Je trouve que les couleurs sont douces et cela m’aide à faire apparaître un apaisement dans ma tête. J’ai oublié également un temps mes traitements et ça c’est beaucoup. Chouette mon pinceau a dansé sur ma feuille !