Un dessin fait sur le moment. C’est ce que j’appelle moi, dessiner dans l’immédiat, ne pas attendre, être dans le temps présent, être dans le « tout de suite ». Ne pas attendre l’heure qui suit, car je pense que mon idée peut s’envoler, elle peut être mangée (dévorée) par mes dissociations.
Cette situation se met en place quand j’y pense, quand mon cerveau se met en mode « réfléchir » au lieu de partir un peu dans tous les sens, au lieu de délirer.
J’ai écrit « y penser » car quand j’ai trop de dissociations ça ne me vient pas en tête de dessiner.
Mon cerveau n’a pas intégré totalement encore que dessiner c’est comme « roue de secours ». Mais, peu à peu, mon cerveau commence à l’assimiler.
Pour en revenir à ce dessin je l’ai donc fait naître de ce que je ressentais dans ma tête, ce manque de place. Parfois je me dis aussi que ce sont les questions que je me pose sans cesse, qui parfois envahissent mon cerveau et prennent la place pour le côté plus réfléchi, plus posé qui existe quand même chez moi.
Pour pour la concrétisation de cette esquisse, mon idée « à moitié finie » persistait.
Ce que je veux expliquer, c’est qu’il m’est impossible d’avoir un regard sur un corps fini là où aucune pièce ne manquerait, où celles-ci seraient rassemblées d’une façon normale, d’un seul morceau et attachées avec tous les membres.
Pour moi cela n’existe pas vraiment. Mon cerveau a du mal avec cette situation. Je pense aussi que non seulement j’ai du mal à me dire qu’un corps doit être en entier ; mais il y a aussi le côté « routine ». Pour moi, créer un corps, avec une tête, des pieds, des oreilles, un corps qui doit rentrer dans la fameuse case, quand on arrive à ce dire « il est normal » et bien pour moi ça m’apporte un côté « bourdon ». Aucune originalité. mais aussi, que veut dire ce mot normal pour un corps ?
Pour ma part, j’apprécie le côté disjoncté. Et puis c’est sortir des limites. car on a tous un peu ce côté là en nous.
Et puis je me dis aussi que sortir de cette banalité, être originale cela apporte un côté mystérieux et peut-être casse-tête, et ça par contre j’aime.
Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?
J’ai donc commencé par dessiner ce corps de dos, avec son visage de profil, un visage où aucune émotion n’apparait, mais aussi où il n’y a ni bouche ni yeux. Ils sont absents, ce qui me ramène au mot dissociation. Juste une forme.
Ensuite j’ai continué en faisant apparaître ce visage qui se trouve à côté, c’est la même personne mais de profil car ça me disait, dans ma tête, au moment de la création de cette esquisse, qu’il fallait se cacher, ne pas se montrer. « Je ne veux pas qu’on me regarde ». Ce n’est pas forcément négatif non plus mais je ne sais pas finalement.
Là pour mon dessin, je suis incapable de dire dans quel sens je le perçois, je voulais juste exprimer ce moment avec un coté bizarre.
Puis j’ai terminé en dessinant cette jambe et ce pied à part du corps, comme blessé à jamais, comme ci cette partie n’existait plus. Je voulais juste qu’une petite courbe, un côté cambré de ce corps comme pour exprimer de la douleur.
Pour la finalisation de mon dessin, je suis passée au manteau de mon esquisse, je ne voulais aucune couleur hormis cette pointe de rouge au niveau de la bouche, juste pour dire que cette bouche est là pour exprimer quelque chose, pour éviter que le silence ne prenne la main sur mon dessin. Après le reste de mon esquisse devait rester dans la discrétion, donc pas de couleur pour se faire remarquer.
Matériaux utilisés
Dessin conçu sur une feuille de format de 36×48 cm à grain fin.
Je me suis servie aussi du crayon grafic 6B et HB, crayon Derwend Charcoal médium de couleur noir.
Qu’avez-vous ressenti ?
J’ai ressenti l’impression d’être serrée, avec un manque d’air, j’avais l’impression d’étouffer dans ma tête.
Je voulais aussi de la couleur noire, car le noir c’est aussi cette sensation de rien laisser paraître. Rester dans les limites ou pas, le noir cache les dérapages. Le mot incognito pointe son nez, tout comme le mot discrétion.
J’ai eu des dissociations. Et cette douleur dans le côté droit, qui m’énerve « drôlement » !
Mais j’ai aimé effectuer ce dessin, parfois je ne veux que travailler au crayon de papier. Comme une plénitude qui émerge.
Que ressentez-vous ?
En regardant mon dessin, je dirais qu’il y a de la tristesse, mais je ne sais pas trop si c’est bien cela, je pourrais dire aussi c’est un corps dont le temps passé et présent joue avec lui.
A part cette douleur qui est bien réelle, je dirais que je n’ai pas la guerre dans ma tête.
Je n’arrive pas à ressentir d’autres choses finalement.
Cela donne une impression aérée à l’intérieur de ce corps, qui n’est pas fini, enfin je crois, mais je ne sais pas, j’ai cette impression de ne pas être bien moi et je ne veux pas me tromper.