BMP – Un corps transpercé de flèches pour symboliser la douleur qui est la mienne et qui m’envahit

BMP – Un corps transpercé de flèches pour symboliser la douleur qui est la mienne et qui m’envahit

La douleur est caractérisée par une sensation « anormale » et désagréable survenant dans une partie du corps. Elle est le résultat de la stimulation des terminaisons nerveuses qui transmettent un signal au cerveau par les cellules du système nerveux. Elle peut être associée, ou non, à des lésions réelles ou potentielles, visibles ou invisibles. Par conséquent, bien qu’il soit facile de définir sa localisation, il est très souvent plus délicat d’en déterminer la cause.

La mienne est chronique, je n’en vois même plus le début ni la fin, elle est tout le temps là. Entre les effets secondaires des traitements, la maladie, les diverses opérations, c’est devenu un vrai capharnaüm.
Cette douleur peut être lancinante, aiguë, broyante jusqu’à l’intolérable. Elle est trop violente et envahissante. Même mon cerveau, n’arrive plus à faire la différence entre la douleur psychique et la douleur somatique. Il met tout dans le même sac.
Je suis capable de marcher avec une malléole foutue. Je peux avoir une grave infection et ne pas sentir que j’ai de la fièvre. C’était comme si mon cerveau restait en arrêt sur place. Il faut vraiment que cela arrive à l’intolérable pour que je donne un nom à ce qui se passe et qui me broie.
Aujourd’hui, je vais donc exprimer, à l’aide d’une production, comment je perçois la douleur dans ce corps. Et puis je me dis que si je dépose celle-ci sur ma feuille, cela la fera diminuer en moi. Cela ne marche pas à tous les coups, mais je ne perds pas espoir il faut tenir !
Par moment, je préfère dessiner que de devenir une armoire à pharmacie à deux pattes qui est dans les nuages, c’est ce que j’ai dit à ma cancérologue. Tant que je peux !

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

D’emblée, il me fallait laisser place à la violence. Mais avant, je devais donner une forme à cette douleur, montrer comment je la perçois, par exemple des cailloux, des pierres que je reçois et qui me blessent.
Aujourd’hui, je la percevais comme des flèches qui transpercent mon corps. La sudation qui m’envahit est tellement violente que cela confirme bien ce que je ressens. La situation de violence ne résonne pas assez dans ma tête, je n’ai pas les mots, c’est pour cela que j’ai besoin de le retranscrire en une forme sur ma feuille. C’est déjà un début pour acheminer et continuer sur le chemin des formes et couleurs.
Je commence donc par dessiner le corps dans un mouvement qui part en arrière propulsé par la force des flèches qui impacte tout l’ensemble. Quand je dessinais, je sentais cette force dans mon corps, mais dans mon cerveau cela ne s’associait pas.
J’avais l’impression que ce que sentait Béatrice, était comme un langage inconnu. Quand je vis cela, je me demande quels mots je pourrais trouver, inventer. Ce n’est pas la première fois que je réfléchis à cela.
Que de fois il m’est impossible de parler de cette douleur, parce que je n’ai pas les mots, ou que l’on m’a tellement interdit de me plaindre, de la reconnaître, que mon cerveau a été conditionné à faire comme si elle n’existait pas, et de ce fait, les mots sont perdus. C’est une véritable interdiction. Alors faute de mots, dessiner permet au moins de retrouver un apaisement partiel, mais c’est déjà ça de gagné. Car ensuite l’angoisse et la peur sont moins violentes.
Mon esquisse est terminée. Je me lance à déposer mes premières couleurs avec comme médium mes crayons de couleurs peau, sans oublier la couleur rouge qui elle fait parler l’impact de cette violence qui se propage dans mon corps à grande vitesse.
Cela peut paraître un peu fou de penser que dessiner permet de plaquer cette douleur à l’extérieur de moi, sur une feuille. Mais c’est un réel moment d’accalmie.  C’est comme si ce cancer, et les effets secondaires liés au traitement, n’existaient plus. Un moment que je vis comme si une plume toute douce effleurait ma peau. Enfin une pause. En fait dessiner quand quelque chose nous tracasse ou autre ce n’est pas un délire ! C’est un pansement de douceur !

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Une création conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médiums : un crayon HB pour mon esquisse des crayons pincils de couleurs peau et un crayon rouge.

Que ressentez-vous face à votre création ?

Je regarde ma production, et je me dis cette douleur ne m’aura pas. Mais je sens que je n’ai pas réussi entièrement à dire ce que je voulais. Ce que j’ai écrit ne tient pas vraiment la route. Mais ma production représente du positif. Il est important de ne pas tourner en rond avec cette douleur.

BMP – Danseuse assise en tutu en collage

BMP – Danseuse assise en tutu en collage
La minutie dans le geste du collage.
En ce moment, travailler la minutie, en particulier dans le collage est indispensable, compte tenu des effets secondaires des traitements divers que je dois prendre. Je constate que je me mets à trembler aussi ! Mais je ne baisse pas les bras ! Ce geste de minutie est important pour moi, car il m’arrive d’avoir spontanément une idée qui arrive comme cela. Pour la faire naître, il me faut travailler avec minutie sur une composition qui prend naissance. Je dois donc concilier le mouvement de faire naître, le mouvement de l’art avec ma spontanéité et bien sûr, sur cette idée qui a surgi d’un coup dans ma tête.
A chaque fois, je me demande s’il n’y a pas un message qui veut se faire entendre. Mon idée était de travailler cette minutie grâce à un collage avec du papier d’argent très fin, mais en utilisant plusieurs couleurs de ce type de papier, ce qui nécessite d’utiliser une pince.

Comment avez-vous concrétisé votre ébauche ?

Je voulais dessiner une danseuse assise avec un tutu, et c’est à partir de cette forme, que je devais travailler avec minutie. Ce sera un collage qui recouvrira le tutu et qui accompagnera le mouvement. Par la suite, je rajouterais un autre médium qui sera la peinture aquarelle pour terminer le manteau de ma composition.
Je m’installe donc derrière ma table à dessiner et je me lance en constatant un certain apaisement ce qui du coup, me pousse à me poser des questions. Ceci m’étonne car ce n’est pas mon habitude, mais le fait de travailler ma minutie m’est très important. En effet, je trouve que depuis un certain temps mes finitions laissent à désirer. Je ne supporte pas cela car pour moi, l’art-thérapie est très importante pour respirer, donc pour me sentir vivante et si un mouvement commence à partir en vrille je me sens pas vraiment en vie, car ce morceau qui part en vrille me semble mort ou perdue à jamais. je ne sais pas.
Je continue donc à dessiner ma danseuse, qui commençait à prendre son mouvement sur ma feuille. C’est cela qui me plaît et qui m’importe : donner cette vie sans violence, souffrance et pleurs.
Mon esquisse terminée, je me lance à mon collage avec toutes ces feuilles colorées, très très fines et légères, aussi légères que quand la danseuse se met à nous faire virevolter grâce à sa légèreté de ses gestes et du mouvement de son corps.
Ces feuilles sont également friables, je devais donc faire encore plus attention, il ne fallait pas que ce tutu ait l’air d’être mal repassé. Une danseuse doit se montrer impeccable.
Je me sens émue, car le souvenir, quand j’étais danseuse à pointe, est là. L’équilibre était là, cet équilibre que je perds de plus en plus, mais j’essaie de retranscrire dans mes créations à travers les couleurs, les formes, mais surtout par ce mouvement de vie, de faire naître. Cela fait du bien.
Mon collage étant fini, j’en oublie mes difficultés, et je passe à déposer les divers tons avec mon pinceau et la peinture aquarelle. Je prends plaisir, le soleil est là, que demander de mieux ? Rien. J’en oublie même mon état de santé !
Pour terminer ma création j’y rajoute un peu de finitions, mais pas trop, car je souhaitais garder la spontanéité et cette minutie.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Création conçue sur une feuille de format de 36 x 46 cm. Comme médium : de la peinture aquarelle, des feuilles d’argent de diverses couleurs très fines. Un crayon HB pour mon esquisse.

Que ressentez-vous quand vous êtes devant votre création ?

Ma danseuse est prête à nous faire danser, il suffit juste de se laisser aller par la grâce de ses mouvements. Elle vit. Dans ma tête, je me sens bien dans cet instant présent.