17 août 2003
Le cancer lui fermait la porte sur une mort accidentelle elle avait l’impression de le porter en elle. Même si cette mort naturelle serait violente. Dès le jour de l’annonce de sa présence, elle ne pouvait plus se cacher que la situation était perdue. Il ne s’agissait plus de vivre dans l’espoir et les subterfuges. La sagesse lui semblait venir davantage du temps qu’il lui restait à vivre plutôt que de celui qu’elle avait déjà vécu. Le cancer était le chemin de l’acceptation de son humanité et elle penchait pour soustraire ce mal qui était le sien à la manipulation humaine. Une réflexion pour avancer aux côtés du cancer lui paraissait inévitable en voulant bien apprécier juste pour cette fois Friedrich Nietzsche lorsqu’il écrivait dans le Crépuscule des idoles que « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
Pour le coup, sans qu’elle l’ait souhaité, s’établissait un lien, pour le meilleur et pour le pire. Camille n’avait pas dit oui, même si elle ne pouvait dire non. Une fois encore, elle n’avait pas le choix.
Tout en elle allait vers une conscience intellectuelle de la maladie et éludait le retranchement dans un système de soin. À ses yeux, le silence, les non-réponses étaient la source du cancer. Il était la conséquence visible du travail de sape du cortège de sentiments de culpabilité. Le viol en était une cause sans doute : elle l’avait tortillé dans tous les sens en restant bien certaine que son grand Amour l’avait relevé de la destruction qu’il ne pouvait demeurer responsable de la maladie. Le souci à présent était que le viol ne l’avait pas détruite. Il lui avait même donné une force et une grande maturité, mais la trahison ne passait pas. La distance oubliait de s’imposer. Le silence, leur mutisme, celui de Georg et le sien aussi, la pause qu’elle s’infligeait, la paix qu’il lui imposait, s’étaient changés en instrument de torture qui se retournait contre elle.
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