Hervé Platel « Art-thérapie et démences : apports de la neuropsychologie », Revue de neuropsychologie 4/2011 (Volume 3), p. 205-206.
Soigner par l’Art. Soigner le corps et l’esprit par la pratique ou l’exposition aux productions artistiques, l’idée n’est pas nouvelle et la philosophie antique est souvent citée comme source. Ainsi, Jamblique (242-323), philosophe néo-platonicien, écrivait à propos de l’enseignement de Pythagore : « Il faisait commencer l’éducation par la musique, au moyen de certaines mélodies et de certains rythmes, grâce auxquels il produisait des guérisons dans les traits de caractère et les passions des hommes, ramenait l’harmonie entre les facultés de l’âme ». Cependant, la pratique psychothérapeutique d’Art Thérapie est assez récente, elle émerge au début du XXe siècle aux États-Unis et en Angleterre sous l’impulsion d’éducateurs ou de psychanalystes comme Margaret Naumburg (1890-1983). L’Art Thérapie correspond aujourd’hui majoritairement à des pratiques psychothérapeutiques d’orientations dynamiques ; mais si le corps du patient est bien convoqué dans ces pratiques (en particulier lors d’ateliers se fondant sur la réalisation artistique), le cerveau et son fonctionnement ne sont généralement pas considérés. Curieusement, on assiste depuis quelques années à un intérêt croissant des pratiques d’Art Thérapie auprès de patients cérébrolésés, et en particulier auprès de ceux atteints de maladie neurodégénérative en institution, où de plus en plus d’ateliers « peinture » ou « musique » sont proposés. Cet engouement pour des méthodes « thérapeutiques » fondées sur l’utilisation de supports artistiques s’exprime très officiellement par les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) dans un document datant de 2008. Dans le chapitre concernant la prise en charge des troubles du comportement des patients Alzheimer, la musicothérapie est le premier exemple proposé. De même, dans un document de février 2009 de l’ANESM (Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux), musique et danse font partie des premiers exemples de « thérapeutiques non médicamenteuses ». Il y a certainement une ambiguïté fondamentale à utiliser le terme de thérapeutique dans le contexte des maladies neurodégénératives, même si chacun sait que les objectifs affichés sont d’aider à la diminution des troubles du comportement. Cependant, même en le délimitant à ce dernier objectif, que savons-nous des effets spécifiques des pratiques d’Art Thérapie sur la diminution des troubles du comportement ? Comment expliquer, d’un point de vue neuropsychologique, que la perception de la musique, la pratique instrumentale ou le chant, ou encore la réalisation de peintures, par des patients Alzheimer produisent un éveil cognitif incontestable, une satisfaction et un plaisir palpables, et une augmentation de la qualité relationnelle ? De notre point de vue, les liens particuliers et peut-être privilégiés qu’entretiennent les arts et le cerveau ont été dans ces questions trop souvent et trop longtemps négligés.
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