Violences sexuelles : parler, oui, mais dans de bonnes conditions


Violences sexuelles : parler, oui, mais dans de bonnes conditions
13.03.2018
Par Solène Cordier
Mettre en doute ou minimiser la parole des femmes victimes peut être dévastateur, préviennent les associations.
Les associations sont unanimes. Pour une victime de violences sexuelles, parler est un premier pas vers la reconstruction, même si les conséquences, en particulier lors de prises de parole publiques, peuvent se révéler douloureuses. Encore faut-il que ces témoignages, qui peinent souvent à être formulés, soient reçus avec les égards nécessaires. Pour « déposer leur parole », les victimes ont besoin d’un climat d’empathie, de ne pas se sentir jugées, elles qui éprouvent déjà si souvent une forme de culpabilité. C’est cette qualité d’écoute à laquelle sont formés les bénévoles et les salariés dans les permanences téléphoniques d’urgence ou dans les centres d’accueil spécialisés.
Quand les confidences se font ailleurs, lors d’échanges avec des proches ou encore dans un commissariat lors d’un dépôt de plainte, le témoignage peut se transformer en calvaire. La parole des victimes est parfois questionnée, mise en doute, ce qui constitue souvent un nouveau traumatisme, en particulier quand il s’agit d’un premier récit. Certaines femmes ayant témoigné sur les réseaux sociaux de leurs agressions, dans le sillage de l’affaire Weinstein, l’ont appris à leurs dépens en recevant des réponses très agressives, à mille lieues de la bienveillance prônée par les associations.

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Les neurosciences au secours des victimes de viol ?

Les neurosciences au secours des victimes de viol ?
18/01/2018
par Jason Wiels
VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES
Souvenirs flous, pertes de repère, chronologies confuses… Les victimes de viols ont souvent du mal à raconter leur agression. L’explication est à chercher du côté de notre cerveau, explique une neurologue auditionnée jeudi par les députés. Et, grâce au progrès de la médecine, leur traumatisme pourrait à l’avenir être plus facilement reconnu. Explications.
Les victimes de viol subissent une double peine : en plus de l’agression elle-même, elles ont du mal à reconstituer le récit précis des événements, voire à parler tout court. C’est le résultat de ce que les spécialistes appellent un stress post-traumatique, recensé également chez les victimes d’attentats ou les soldats envoyés sur les terrains de conflits.

Auditionnée jeudi par la mission d’information sur le viol de l’Assemblée nationale, la neurologue Carole Azuar apporte un éclairage précieux sur « une pathologie bien plus vaste que ce qu’on pouvait imaginer au départ ».

Sidération et oubli

L’apport des neurosciences est utile pour comprendre les conséquences de l’agression. « Quand la victime est sous l’emprise d’un stress aigu, elle ne va plus pouvoir prendre de décision », explique la scientifique. En clair, « le système de décision, situé dans le lobe frontal du cerveau », va être « sidéré », empêchant toute réaction rationnelle, comme prendre la fuite.
Sous le choc de l’agression, le « système émotionnel des victimes va être modifié ». Résultat ? « Quand la victime raconte ce qui lui est arrivé, elle n’aura pas forcément les émotions ‘attendues' », explique Carole Azuar.
La mémorisation de l’agression elle-même ne va pas se faire de façon normale, ajoute la neurologue :

« Au lieu d’être enregistré dans l’hippocampe, le souvenir va être enregistré au sein de l’amygdale qui est une structure émotionnelle. [La victime] va enregistrer les couleurs, les odeurs, les sensations de manière très violente, mais elle ne va pas enregistrer le caractère temps-espace de manière précise »

Carole Azuar, neurologue, 18 janvier 2018

Par conséquent, les souvenirs « seront peu précis », insiste la spécialiste.
La neurologue a notamment traité le cas de Flavie Flament, qui affirme avoir été violée pendant son adolescence mais qui dit n’avoir retrouvé le souvenir de son viol qu’en 2009, soit vingt-deux ans après les faits : « Flavie Flament avait une atrophie de l’hippocampe très visible, je ne m’attendais pas à trouver ça à l’échelle d’un individu », note la neurologue.

Vers un « faisceau de preuves » ?

Cette atrophie de l’hippocampe constitue-t-il pour autant des preuves qui pourront aider les victimes en justice ? Oui et non, explique Carole Azuar, alors que les députés s’interrogent sur l’opportunité d’allonger la prescription des crimes sexuels sur mineurs à trente ans après leur majorité (contre vingt ans aujourd’hui).
Bonne nouvelle en tout cas : plusieurs marqueurs neurologiques peuvent désormais être mobilisés pour prouver la réalité d’un stress post-traumatique. « Probablement, la médecine va avancer et on va pouvoir aller vers un faisceau de preuves », imagine Carole Azuar. Reste que les enquêteurs auront toujours à faire « le lien avec la cause de ce stress », qui pourrait être d’un tout autre ordre…

Dans ces conditions, on comprend mieux la difficulté pour une victime de livrer un premier témoignage suivant le viol. D’autant que les policiers ou gendarmes ont encore une grosse marge de progression dans l’accueil des victimes, ont reconnu leur hiérarchie à la fin de l’année dernière.

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