Le modèle du Kindling ou théorie de l’embrasement par Damien Fouques

JDP_273_L204[1]Nouvelles approches psychologiques et psychothérapeutiques
par Damien Fouques
Psychologue clinicien
Psychothérapeute
Maître de conférences en psychologie clinique, laboratoire evaclipsy, université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
…/…
Les études épidémiologiques ont pendant longtemps montré une accélération dans la fréquence des cycles à mesure que la maladie évolue. Cependant, A. C. Swann et al. (1990) montrent que les épisodes dépressifs le plus en lien avec des facteurs environnementaux seraient les premiers épisodes. E. Frank, B. Anderson, C. F. Reynolds, A. Ritenour et D. J. Kupfer (1994) retrouvent plus d’événements de vie stressants avant les dépressions unipolaires. En revanche, G. H. Brown, T. O. Harris et C. Hepworth (1994) ont montré que l’impact des événements de vie était moins important dans les premiers épisodes mélancoliques que sur les suivants.

R. Post a appliqué le modèle du « Kindling », observé chez le rat, aux troubles bipolaires. Chez l’animal, la stimulation électrique de l’amygdale, en fonction d’un seuil d’activité électrique, provoque une crise d’épilepsie. La reproduction de la même expérience chez le même animal montre que la crise d’épilepsie va survenir avec des seuils d’intensité électrique plus faibles, jusqu’à se déclencher spontanément. Il s’agit d’un phénomène de sensibilisation (sensitization) que R. Post applique aux patients bipolaires. Il postule qu’il existe, au départ, des stimuli pouvant provoquer des épisodes thymiques, puis, par phénomène de sensibilisation, la survenue d’un stress moindre pourra déclencher un épisode. Cela explique l’augmentation de la fréquence des cycles (embrasement) et leur déclenchement de plus en plus indépendant des facteurs environnementaux, à mesure que la maladie évolue.

Cette hypothèse heuristique est encore aujourd’hui très étudiée, mais ne semble pas décrire l’évolution de tous les patients bipolaires, comme le montrent certaines études de vulnérabilité génétique (Kendler, Gardner et Prescott, 2002 ; Kendler, Thornton et Gardner, 2001).

Le sommeil et les facteurs de stress qui le perturbent (psychotropes, mode de vie, décalage horaire, etc.) ont été très étudiés. En effet, le rôle du sommeil est très important dans la stabilité thymique.

Les événements de vie pouvant perturber le sommeil sont donc à considérer avec attention. Nuits blanches, décalage horaire… sont des facteurs de risque de décompensation thymique chez les patients bipolaires. En général, les événements stressants ayant un impact sur les rythmes sociaux (pas uniquement sur le sommeil) sont connus comme facteurs de risque de déclenchement d’un épisode, le plus souvent maniaque (changement de rythme de travail jour-nuit, par exemple). Ces constats ont donné naissance à un modèle psychothérapeutique qui sera développé plus loin : l’Interpersonal and Social Rhythm Therapy (Ipsrt).

Par ailleurs, conjugopathie, maltraitance dans l’enfance, comorbidités dont la présence de troubles anxieux précoces et maladies somatiques, ont un impact sur les événements de vie, lesquels, pour la plupart, ne sont pas dus au hasard et sont autant d’éléments qui complexifient la notion d’« événement ». Il convient de s’intéresser aussi au vécu de stress subjectif de tel ou tel événement (Chahraoui et al., 1999). En effet, comme le dit P. Gorwood (2005) : « Un divorce est source de nombreux stress, mais aussi souvent de “nouveau départ” dont les effets sont parfois plus bénéfiques que délétères. » (Ibid., p. 190.) Ainsi, s’il est aujourd’hui démontré que des événements de vie influencent le cours de la maladie maniaco-dépressive, certains « événements » et leurs potentialités stressantes sont à étudier non pas sous l’angle d’un fait totalement extérieur au sujet comme cela peut l’être parfois, mais comme la conséquence de son histoire. Cela nécessite alors de bien différencier événements récents et anciens. Par exemple, l’étude des antécédents de traumatismes dans l’enfance (Hammersley et al., 2003 ; Étain, Mathieu et al., 2006 ; Étain, Bellivier et al., 2006) montre, chez les patients bipolaires qui en ont été victimes, un nombre accru d’épisodes avec plus souvent des symptômes psychotiques durant les épisodes.

L’audition du mineur : la forme du discours par Marc Passamar

INPSY_8610_L204L’information psychiatrique

Volume 86, 2010/10

        Actualités en pédopsychiatrie    

L’audition du mineur : la forme du discours
Bernard Vilamot
Jean-Michel Breton
Joseph De Conti
Arnaud Pollet
Marc Passamar
Olivier Tellier
Logo Cairn.InfoNotre communication aurait pu s’intituler « Approche criminologique de l’audition du mineur ». Nous avons spécifié ce qui fonde notre intime conviction, en dégageant des arguments qui peuvent devenir ainsi, des points susceptibles d’être discutés. Ce travail repose sur une élaboration en commun menée entre officier de police judiciaire (OPJ) et experts psychiatres. Il est fondé sur plusieurs centaines d’auditions pour les OPJ, débutées en 1998 pour les experts psychiatres du Tarn (Loi du 17 juin 1998 : article 706-52 du Code de procédure pénale).
Nous centrerons aujourd’hui notre exposé sur les modalités pratiques de l’audition du mineur victime et l’analyse de la forme du discours.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, quelques remarques d’ordre général.
Si l’incarcération à tort d’un individu est scandaleuse, il ne faut pas oublier que l’essentiel des affaires de mœurs sur mineurs sont le plus souvent classées [1]. Ces classements ne soulèvent cependant pas autant de passion. Certaines équipes avaient pu même renoncer à faire des signalements, tant le traitement « par-dessus la jambe » de ces affaires était délétère pour la victime. En l’état actuel de nos connaissances, aucune logique ne saurait recommander des entretiens uniquement sous forme de questions-réponses, des enquêtes sans préparation fondées sur la parole de l’un et de l’autre, argumentées de façon pseudo-scientifique par des expertises. Ces enquêtes sont difficiles, longues, mal reconnues, spécifiques.