Procès Cottrez : « Le bébé est venu. Je l’ai mis sur mon ventre. Je l’ai étranglé »

obsPar Elsa Vigoureux
Publié le 27-06-2015 à 12h30

Accusée pour un octuple infanticide, Dominique Cottrez a fait le récit de la mort du premier des bébés. Son mari dit n’avoir rien remarqué. De notre envoyée spéciale.

Ce vendredi, la présidente, Anne Segond, avait une petite demi-heure à tuer, entre deux experts. Elle s’est penchée vers Dominique Cottrez : « Maintenant, vous allez prendre la parole ». La petite dame de 1,55 mètre s’est levée. La cour lui a demandé de s’expliquer sur le premier des huit bébés qu’elle a achevés, après les naissances de ses deux filles. Comment elle s’y est prise, « la façon dont vous vous êtes préparée, madame ».

L’accusée a placé sa voix ni trop haut ni trop bas dans le micro, et elle a déroulé son récit lentement et d’un trait :

Alors, ma troisième grossesse… Je m’aperçois vite que je n’ai pas mes règles. J’espère, j’espère toujours qu’elles vont arriver. Puis, je commence à sentir les mouvements. Je suis enceinte. Et je me dis c’est pas possible, c’est pas possible. Alors je fais autre chose, pour ne pas y penser. Quand j’ai ressenti les contractions, je me suis mis dans la tête que je devais accoucher de ce bébé. J’ai fait garder Emeline et Virginie à mes parents, en leur disant que je me sentais pas bien. Je me suis allongée sur le lit, chez moi, et puis j’ai eu envie de pousser. Après, je l’ai mis dans un sac pour pouvoir le mettre dans la garde-robe. Quand mon mari est rentré, je lui ai dit que je me sentais pas bien. Il a fait à manger. Je suis descendue, je me suis mise dans le fauteuil. Je les ai regardés manger ; j’avais placé le bébé dans la garde-robe ».

« Je pensais qu’il pouvait être de mon père »

Pendant que la grossesse se déroule, Dominique Cottrez n’envisage rien, elle a peur des médecins. « Vous n’avez pas réfléchi à avorter seule ? », demande Anne Segond. « Comme avant, on faisait avec une aiguille à tricoter ? Non, ça aurait pu entraîner, quelque chose de grave pour moi, une septicémie ». Et Dominique Cottrez ne veut pas se mettre en danger. Elle dit que pour elle « agir, c’était trop difficile ». Elle était dépassée. Et quand le bébé s’est retrouvé sur son ventre, quand elle a vu que c’était un garçon, quand elle l’a entendu « se moucher, cracher », elle l’a enroulé dans une serviette, et elle a serré « autour de son cou » avec ses deux mains :

J’arrête quand il ne bouge plus, et de temps en temps, je relâche un peu… pour voir, et je resserre. Après je le repose sur moi, le temps que le placenta sorte ».

Elle dit qu’elle l’a ensuite rangé dans son armoire. Comme les serviettes, et tout le reste. La cour se demande pourquoi Dominique Cottrez a tué son enfant ? « Je n’avais pas d’autre solution ». Mais y avait-il seulement un problème ? « Je ne sais pas, c’était insupportable, ce troisième bébé ». Et surtout : « Je pensais qu’il pouvait être de mon père », lâche-t-elle. « C’est vraiment pour cette raison ?, interroge la présidente dubitative. Parce que pour Virginie, vous étiez dans le même doute, et elle a vécu, votre fille… » En effet. Le test génétique a confirmé que Virginie est bien la fille de l’époux de l’accusée, Pierre-Marie Cottrez, en 2011.

Il y avait une odeur, oui…

Alors, l’avocat Frank Berton ose : « Dites nous, vous avez pris du plaisir à tuer cet enfant ? » Sa cliente baisse la tête : « Non ». Mais « qu’est ce qu’il aurait fallu pour que vous le gardiez alors ? », poursuit-il. Dominique Cottrez a répondu : « Que quelqu’un arrive ». Dans cet instant où elle est « une autre femme », qu’on l’interrompe. Ce qu’aurait peut-être pu faire Pierre-Marie. S’il avait su pour les grossesses. S’il avait senti les odeurs. S’il avait entendu les accouchements.

Toute la journée, l’homme à la ligne sèche, avec ses cheveux gris coupés courts, son teint violacé par l’alcool, a enduré les questions des magistrats, des avocats : comment a-t-il pu ne rien remarquer ? Il dit : « On ne parlait pas », ou « je ne me suis vraiment rendu compte de rien », « je n’ai jamais fait attention au contenu des sacs ». On le secoue, on lui demande s’il se moque du monde. Il raconte toujours la même chose : un quotidien sans échange, elle partait au travail quand il rentrait, elle faisait tout, il ne gérait rien, même s’il mettait la main à la pâte pour la vaisselle et pour le dîner parfois.

Les crédits revolving qu’elle a contractés, il n’en savait rien jusqu’ici. Ils faisaient l’amour deux à trois fois par semaine, mais n’en parlaient jamais. Il se lavait le mercredi et le samedi dans la douche. Le reste du temps, c’était la toilette au lavabo. Il n’a jamais vu les sacs contenant les bébés dans le panier à linge, non. Il y avait une odeur, oui… Ses pieds, il pense. Le matelas était souillé, c’est vrai. Mais il faut dire qu’il lui arrivait de « pisser au lit ». L’avocat Yves Crespin, qui représente l’association l’Enfant bleu, demande : « Comment expliquez vous n’avoir rien vu du tout alors ? » Pierre-Marie Cottrez, 49 ans, est désolé :

Je sais pas, moi, je dois être bête… Je pense que ça peut arriver à tout le monde ».

Un monde de silences

Pierre-Marie Cottrez ne ment pas. Qu’aurait-il pu remarquer de « particulier », d’ »anormal » chez sa femme. Elle cachait un état, celui des grossesses, qui était en réalité quasi permanent : Dominique Cottrez a été enceinte au moins dix fois entre 1986 et 2000, soit près d’une fois par an. Les sacs empilés dans le coin de la chambre, à côté du lit, pourquoi attireraient-ils l’attention des autres membres de la famille ? Ils sont posés là depuis si longtemps, ils font partie du décor. Quant aux allées et venues de Dominique la nuit aux toilettes, c’était presque une habitude.

Dans le huis-clos familial des Cottrez, les secrets de Dominique se sont nichés sans bruit dans les plis du quotidien. La norme à la maison, c’est elle qui la fixe, avec les silences pour repère, l’absence d’échange pour langage, le manque d’attention pour tendresse. C’est le monde à l’envers d’une mère qui couve ses secrets comme les cadavres de ses enfants

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Outreau et le journal Le Monde : « Comme d’habitude » revu par les soins de Jacques Thomet

Logo Un journalisme d'investigation6 juin 2015 | Auteur
Je vous livre mon adaptation satirique du tube de Claude François, dédiée à Florence Aubenas et Lucie Soullier après leur article « Outreau : trois semaines dans l’ombre des révisionnistes » dans le Monde de ce samedi.
Vous devez savoir que j’étais à Rennes de lundi à jeudi soir et que j’ai suivi toutes les audiences intégralement.
Vous devez surtout apprendre qu’aucune des deux journalistes du quotidien n’est venue me parler, à aucun moment, avant ou après les audiences, ou pendant les suspensions de séance, pour me demander mon avis, avant de me mettre en cause dans leur papier écrit à quatre mains. C’est le contraire de ce que j’apprenais aux futurs journalistes quand je donnais des cours à l’IPJ ou à Sciences Po…
Voici ce « Comme d’habitude » abrégé, et revu à ma manière :
Je me lève, et je vous bouscule
Vous ne bougez pas
Comme d’habitude
Soullier, et toi Aubenas
Aux yeux n’avez pas froid
Comme d’habitude
Ma main caresse mon clavier
Vous n’me lisez pas
Comme d’habitude
Mais vous, changez mes propos
Comme d’habitude
Vous me taillez un costard
Bien trop grand pour moi
Comme d’habitude
A deux, vous m’abominez
Sans m’avoir parlé
Comme d’habitude
Sans bruit, la raison vous quitte
Plus de cellules grises
Comme d’habitude
Gare à, l’effet Rosenthal
Comme d’habitude
Comme d’habitude, dans tous vos papiers
Vous occultez la vérité
Comme d’habitude, je vais sourire
Comme d’habitude, je vais même rire
Comme d’habitude, vous me faites vomir
Comme d’habitude
Et puis le jour s’en viendra
De vos repentirs
Comme d’habitude
Soullier, Aubenas
Vous trouverez la voie
Comme d’habitude
Toutes seules, vous découvrirez
L’objectivité
Comme d’habitude
Vos calomnies, j’essuierai
Comme d’habitude
(…)

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