BMP – Submergée par les émotions – La peur

BMP – Submergée par les émotions – La peur
En ce moment j’ai du mal à gérer mes émotions, ça fait un sac de nœuds dans mon cerveau, sac dans lequel personne ne pourrait trouver son chemin, ni se dépêtrer des nœuds.
Comme je l’ai écrit en titre il y a cette peur qui est là, qui se faufile dans mon cœur et qui fait réagir mon cerveau et donc le “Moi Béatrice » dans le présent. Et là j’ai ce besoin d’être rassurée parce que c’est tellement fort que je me noie dedans, je dirais que je me noie dans mon cœur. Dans ces moments-là, je ne sais pas quoi faire de cette force qui m’entraîne et qui fait, par moments, des ravages.
Je suis comme une hystérique avec tous les symptômes qui vont avec, comme par exemple les poils qui se hérissent, ma peau qui se couvre de sueur, je tremble, j’ai une boule dans la gorge, j’ai le pouls qui explose sous ma peau.
Par moment j’ai cette impression que c’était l’adrénaline qui prend le contrôle dans mon cerveau et me paralyse, que je me traîne derrière elle pour pourvoir respirer d’une façon normale. Mon esprit est tourmenté et donc je ne suis pas vraiment présente dans ce que je fais, je rentre dans des espèces de phobies qui n’arrangent rien à mon état…
Rien à voir avec les dissociations, je suis dans le présent. Donc en ce moment c’est ainsi, il y a une peur qui s’est installée pour un oui et pour un non.
Parfois il m’arrive de pouvoir intervenir un peu avant que cette peur n’apparaisse mais la plupart du temps celle-ci surgit violemment, me prend dans ses filets et me recouvre de son poids.
Il m’arrive de faire des exercices du livre “Gérer la dissociation d’origine traumatique”, pour essayer de rétrécir cet état mais ça ne fonctionne pas toujours et par moment je reste figée dans ma tête pour trouver d’autres solutions. Je veux dire que je n’arrive pas à penser ; il y a ce brouillard qui envahit tout le système de ma réflexion, de ma compréhension et de ma logique. C’est figé.
Mon travail est donc de créer une forme qui exprimera cette peur et le fait que je sois submergée. Cette peur ce n’est pas envers moi, c’est envers tous. Je n’en vois pas la limite, la peur pour les autres personnes. La peur de tous ces morts, on dirait que le monde s’éteint peu à peu. C’est tout une boule de feu dans ma tête.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Avec du recul,  je me sens donc noyée dans mon cœur et je vais traduire cette idée.
Je vais dessiner un cœur, puisque c’est le lieu des émotions, y compris la peur. Dans ce cœur, je rajouterais un corps qui se noie dedans. Je délimiterais l’eau pour bien expliquer que je me noie dans ces moments de crises importantes.
J’ai donc fait apparaître en premier le cœur puis le corps assis dans le bas de celui-ci.
Ce n’est qu’après que j’ai commencé à y déposer les couleurs. Je me suis servie d’encre de chine, noire et bleue, et de divers crayons.
Mon idée était de faire apparaître plein de détails avec des petits motifs de toutes formes.
Même si je souffre de cette peur, je voulais faire apparaître quelque chose de positif et donc de l’esthétique dans ma production. J’avais envie de faire apparaître un mouvement de patience également et ça je l’ai retranscrit en dessinant toutes ces formes diverses.
J’avais besoin de mettre le plus de détails possibles dans cette composition, comme pour étouffer cette peur, pour qu’elle cesse d’exister. Mon rêve…
Pour finaliser mon travail, j’ai fait apparaître un léger bleu pour exprimer le fait que je me noie dans mes émotions, émotions dont le départ est dans ce cœur.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Gravure conçue sur une feuille blanche de format 36 x 48 cm de couleur blanche.
Crayons metallic de couleur grise, encre de Chine noire, et bleue. Feutre. Crayons Pentel, et crayon Pitt Artist pens black (B,M) gros feutre noir. Pinceau, eau.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Je me sens sans réaction dans ma tête, je ne sais pas si c’est bien. Je ne sais pas si tout est bloqué. L’avenir des autres me préoccupe. C’est comme un monde de petits cœurs dans l’espace ou l’on voit la circulation du sang se faire dans chacun et chacune mais qui peine à se faire.

BMP – L’art et toi : transformer la peur

BMP – L'art et toi : transformer la peur

L’art et toi : transformer la peur par Chantal Nahas

Tout d’abord je dois dire que je n’ai jamais fait de vidéo, mais quand cela m’a été demandé :

Je me suis dit que cela valait la peine d’essayer et que cela soutiendrait Emmanuelle dans sa démarche d’aider en ce moment les personnels soignants etc. mais aussi aider les personnes pendant cette période de confinement.
Si on parle du coronavirus, je dois dire que je me sens un peu concernée, puisque je retrouve la démarche du bénévolat pour porter assistance aux personnes vulnérables ou qui disposent de peu de moyens.
Mais dans ma tête je ne sens pas d’inquiétude franche envers moi, mais plus une inquiétude envers les autres personnes. J’en reviens à ce qui renvoie à la mort avec cette maladie, perdre une personne, être impuissant devant la maladie, être confronté au vide.
C’est surtout cela qui me touche devant la situation actuelle.

Cependant, aujourd’hui, en ce lundi, je me suis plus chancelante dans ce que je ressens ; c’est chaotique, accompagné d’incompréhension, mais aussi avec une colère enfouie.
Je dois dire aussi que le fait que mes repères soient aussi changés, comme par exemple les RDV avec mon psy, les ateliers annulés, etc. cela me perturbe pas mal et me renvoie à mon sentiment d’inutilité. Mon psy m’a expliqué que c’était important que je continue mes journées comme d’habitude, m’habiller, faire un peu d’exercice chez moi etc. et que je ne dois pas rester au fond de mon lit surtout. Sauf que les journées je les cherche. Il y en a plus et que je me demande pourquoi je dois me lever. Ça ne me parle plus dans ma tête.

Pour en revenir à cette vidéo, le but était de prendre un peu de recul devant mes ressentis et sensations diverses, qui par moment se bousculent dans ma tête. Comprendre un peu mieux les symptômes que je peux également sentir dans le moment présent.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

La première forme : j’ai commencé à faire apparaître sur ma feuille, le rond accompagné des mots qui me préoccupaient. J’ai écrit les premiers mots comme mort, intubation, inquiétude, peur, hygiène, colère…
L’étape suivante a été de déposer des couleurs dans tous les trous de mon esquisse, comme pour faire naître une nouvelle partition d’émotions moins fortes, moins envahissante dans ma tête, et diminuer les symptômes physiques de mon ressenti du moment.
J’ai déposé les premières couleurs dans le centre du rond, au milieu de ma feuille.

Qu’avez-vous ressenti tout au long de l’évolution de votre création ?

Quand j’ai fait apparaître le rond accompagné des mots, je me suis rendu compte que finalement j’étais plus touchée par la situation que je voulais le reconnaître. Car sur le coup, je me suis dit que l’arrêt des ateliers seraient des vacances, sauf que cela me pousse à me mettre en boule et à y rester.
Mais voilà quand j’ai écrit les premiers mots, je me suis rendu compte que ce n’était pas des événements que je devais prendre à la légère. Ce qui montre bien que le fait d’écrire des mots n’est pas anodin et que parfois ça nous ramène à la réalité du moment présent.
Après ma réaction a été de savoir ce que j’allais faire avec tout cela, parce que je commençais à me dissocier. Mais, cela je ne le percevais pas, je me sentais comme embrumée, mal réveillée. Par contre la personne qui prenait la vidéo le percevait.
• Ma première réaction a été l’idée que déposer de la couleur après sur cette forme que je fais naître, allait me permettre de prendre du recul. Car je pars du principe que mettre des couleurs aide beaucoup à observer les situations du moment qui sont perturbantes.
• Ma deuxième réaction a été de me mettre en boule et de dire je n’y arrive pas : fuir…
Mais voilà même si je voulais exploser, je suis restée.
L’étape suivante a été de décrire ce que j’ai entendu mais aussi ressenti atour de moi. Cela a été pour moi comme un soulagement : je déposais sur ma feuille, dans la forme de mon esquisse ce qui m’avait par moments touchée, lors de mes échanges et observation, ce vendredi où j’étais venue aider dans cette association où je fais d’habitude un atelier peinture.
Plus j’avançais dans mon esquisse et plus je me sentais plus légère, mais il y avait cette espèce de colère qui montait en moi, quand je pensais aux personnes qui sortent pour rien qui ne respectent pas les normes de sécurité.
Ici, nous appliquons, nous les bénévoles toutes ces normes de sécurité, normes très contraignantes et dehors il y a des personnes qui jouent avec le feu, qui ne se rendent pas compte de la gravité de cette crise sanitaire.
Cette colère est arrivée d’un coup et je la sentais mauvaise. Je n’aime pas me sentir ainsi.
Mon esquisse était terminée et avec le recul je me dis que cet exercice a été le bienvenu.
Quand j’ai déposé les premières couleurs, d’office je sentais que je devais déposer sur ma feuille de la gaité comme pour me dire : « voilà tu ressens ceci, ou tu te dis cela, mais maintenant c’est à toi d’en d’en faire quelque chose de productif, de constructif mais aussi d’apaisant. »
Ce que j’ai alors fait, c’est qu’à chaque fois je déposais une nouvelle couleur j’essayais de prendre du recul, mais sans ignorer mes sensations que je pouvais ressentir. J’essayais de respirer calmement et si je me dissociais je recommençais de nouveau cette respiration ; et quand cela devenait trop difficile, je faisais un exercice du livre « Gérer la dissociation d’origine traumatique » pour essayer de rester le présent.
J’essayais aussi de prendre plaisir à déposer mes couleurs et à profiter de cet instant de rencontre entre moi et cet exercice, en laissant baisser la pression et en évitant de tourner en rond dans ma tête. Et ça ce n’est pas rien, car par moment je ne suis plus là ou alors la compréhension n’est plus là mais aussi le fait de me rendre compte que voilà quelque chose ne va plus.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm.
Crayons de papier et gros feutres de couleur DB-TWIN for créative designer marqueur à l’alcool.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Quand j’observe ma production, je me dis que ma partition de couleurs est présente.
Les émotions des autres que j’avais senti en revenant chez moi, sont un peu moins violentes.
Je me sens moins angoissée.
Mais je sens bien que tout cela reste fragile, comme une danseuse qui est sur son fil à faire de l’acrobatie et qui fait tout pour ne pas tomber. Mais faire ce dessin m’a aidée à ne pas ruminer, à sortir de mon lit. J’ai aussi fait quelque chose de constructif et qui aide, et peut-être que cet exemple va pouvoir aider les autres personnes. J’aurais voulu être plus qu’une aide-soignante.
Après je suis consciente que toutes ces situations vont bouger mais comment ? Seul les jours à venir me le diront. Je sais que nous sommes toutes et tous concernés, et touchés devant cette crise sanitaire et que c’est difficile.