BMP – Le cri du corps !

BMP – Le cri du corps !
Je souhaitais faire une production qui parlerait d’elle-même, où les mots ne seraient pas nécessaires pour l’expliquer : Cri du corps… Ceci veut dire douleur. Cette sensation pénible, anormale, désagréable. Cette douleur peut apparaît de façon aiguë ou chronique, dans une partie du corps, mais par moment tout le corps en est saisi, quand elle est trop diffuse c’est donc à ce moment-là que les terminaisons nerveuses envoient un signal à notre cerveau par les cellules du système nerveux. À nous donc ensuite de trouver un moyen d’apaisement. Pour ma part, tout d’abord c’est les pinceaux ! J’écrirais que cette douleur peut être ou non, associée à des lésions réelles ou potentielles, visibles ou invisibles. La cause n’en n’est pas toujours connue, même si on peut la montrer du doigt cette douleur sur notre corps ! Il m’arrive d’être totalement déstabilisée devant ce mal. Je remercie je ne sais combien de fois d’avoir mes pinceaux. Cette douleur c’est comme un vers qui se faufile qui peut aller très loin dans son intensité, cette algie peut être aiguë, brutale, mais elle peut aussi être chronique comme dans la fibromyalgie. Il n’y a pas une douleur, mais des douleurs.
Il y a également cette autre souffrance, qui est la souffrance psychique, mais celle-là, je la mettrai dans une autre « case » car pour moi, elle est différente. C’est de la souffrance et non une douleur. Je veux dire que ce n’est pas une douleur d’origine somatique, mais nous souffrons émotionnellement et psychiquement et cette souffrance peut être aussi forte que la douleur physique, même dangereuse, car elle est tellement insupportable qu’elle donne envie de se supprimer. Mais il faut lutter !

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Aujourd’hui, je ne parlerai que de la douleur du corps. D’emblée le titre de ma production en dit déjà long. J’aurai pu aussi proposer comme titre : « Corps foudroyé par une douleur ».
Par moment quand je peins, et que la douleur est violente, je me dis que finalement, c’est le mouvement de celle-ci qui se trouve donc dans le corps qui saisit mon pinceau. Mon poignet lui ne fait que le suivre. C’est ce que j’ai senti pour cette création au tout début. Je n’avais pas à réfléchir, le mouvement se faisait tout seul. C’est pour cela que j’écris par moment que les mots sont remplacés par la forme de mes productions et par les couleurs. Ma composition une fois finie par moment fait apparaître une émotion tellement violente que les mots ne sont pas nécessaires. C’était comme si je déposais sur ma feuille cette survie que cette douleur me faire sentir quand elle devient intolérable et qu’elle me fait me tordre dans tous les sens pour finir comme recroquevillée, comme une boule. C’est cela ce que ma production a fait parler quand elle a été terminée. En fait une partie de Béatrice n’existe plus beaucoup, c’est plus la partie de la petite artiste en ce moment qui a pris la relève et qui préfère jouer avec les formes etc, qu’avec les mots ! pour elle ça lui parle plus dans sa tête. Car il y a aussi des moments où Béatrice n’a pas envie de dire ou d’expliquer. Juste peindre, et avoir ce RDV avec le pinceau.

Quels matériaux avez-vous utilisé ?

Création conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. Comme médium, j’ai utilisé la peinture aquarelle, un crayon HB pour mon esquisse et les finitions

Que ressentez-vous face à votre production ?

Dans ma tête, je me sens moins emprisonnée par mon cerveau. Moins comme une proie, car parfois j’ai cette sensation que la douleur physique est une proie pour mon cerveau. Quand je peins je me sens normale, je me sens moins morte ! Moins en survie, moins comme une proie. Même si j’ai de plus en plus de mal à prendre mes pinceaux en ce moment et que je colère dans ma tête car par moment je ne me reconnais plus, je ne lâcherais rien ! Je ne veux pas être bouffée !

BMP – Corps recroquevillé en formes cubistes

BMP – Corps recroquevillé en formes cubistes
Parfois les traitements lourds deviennent compliqués à supporter. Il m’arrive de vouloir rester en boule, parce que c’est dans cette position que j’ai moins mal. Bien sûr j’essaye de garder le sourire, et de faire au mieux pour continuer à faire du bénévolat. Mais j’ai voulu, comme je le fais souvent, essayer de donner une forme, dans une émotion apaisante envers cette douleur, à mes angoisses entre autres qui m’accompagnent.

Comment avez-vous concrétiser votre esquisse ?

J’apprécie bien cette forme cubiste, parce que ça montre que mon corps est certes en morceaux mais que ces morceaux restent malgré tout attachés les uns aux autres. Cela permet aussi de penser qu’on pourrait changer ces morceaux de place, par exemple mettre une partie qui me fait moins mal à côté d’une partie qui me fait plus mal. Comme si la symbiose des deux morceaux allait faire diminuer la douleur ou autre.
Cette souffrance me met en colère oui et grandement par moment. Parfois je me demande quand cela va cesser. En colère contre ce passé, en colère contre les administrations diverses etc. J’ai aussi beaucoup de colère envers moi-même…
Le passé ne peut être changé. Le cerveau reste marqué et j’en passe. Par contre la colère ça se travaille, pour être rangé dans le coin de notre cerveau. C’est ce que je travaille encore, mais en attendant je continue à me montrer comme une battante. J’essaie.
Alors j’ai dessiné, sur ma feuille, ce corps en position recroquevillée, cette position où le corps me fait moins mal. Sauf que me relever après reste bien complexe.
Je suis en boule, mon MP3 sur les oreilles, et j’écoute les musiques que mon psychiatre avait téléchargées pour moi, il y a quelques années.
Je sens parfois une larme qui coule toute seule. Je n’ai pas à avoir honte de cette larme. J’ai le droit de pleurer ; c’est ce que mon psy m’avait expliqué pour me rassurer, pour me faire comprendre que je n’avais pas à me sentir honteuse si je n’avais plus la force de me montrer encore plus forte. Parce que chaque fois que je laisse  échapper une larme cela me rappelle ce que fut mon enfance avec l’interdiction de pleurer, mais aussi d’exister. Ces larmes qui m’appartenaient c’était un tout petit moyen de me sentir un peu vivante. Pleurer m’angoisse fortement encore. Mais cela m’effraie beaucoup moins.
Même si j’ai le droit de pleurer aujourd’hui, cela n’apparaîtra pas dans ma production, parce que ce sont les couleurs que je vais déposer qui permettront l’existence de ce corps. C’est beaucoup plus dans le positif. Car les couleurs me donneront l’impression d’apporter de la douceur afin de faire diminuer ce qui me fait souffrir ce corps, je parle de ces traitements qui se succèdent entre autre.
Une personne que j’apprécie beaucoup m’avait écrit il n’y a pas longtemps qu’avec ce que nous avons vécu et subi, nous aurions dû être mortes depuis longtemps. Je pense souvent à cette phrase, je la trouve très forte ! le courage se fait entendre.
Me concernant, je suis là : je tombe, je me relève, je tombe, je me relève… beaucoup plus souvent en ce moment. Même si se relever est de plus en plus difficile, quand j’y arrive, c’est la pulsion de vie qui a gagné et je me sens plus forte. Ce positif est pour moi un petit plus, comme quand je dessine ce qui est une autre force beaucoup plus posée.
Ce corps ayant pris forme sur ma feuille, j’ai donc mis des couleurs gaies pour le recouvrir, comme pour l’habiller d’un manteau de force.
J’ai choisi du jaune, du bleu, du vert, du violet, du rose, du marron, du noir et des dégradés de gris. J’essayais de prendre plaisir à déposer ces couleurs sur ce corps. Une manière de me dire : « allez il n’y a plus de négatif, le négatif s’est envolé ». Parfois ça aide à digérer et à mettre un peu de côté dans notre cerveau. C’est pour cela que j’aime bien prendre mon pinceau.
Quelques finitions ont été faites au feutre noir mais pas toutes. Je ne voulais surtout rien de carré et d’impeccable.

Quels matériaux avez-vous utilisé ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon à papier HB pour concrétiser l’esquisse, de la peinture aquarelle, crayon feutre noir.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Quand je regarde ma création sur le grand chevalet j’ai l’impression que ce corps ne souffre plus.
J’essaie de faire abstraction de ce que me dit mon cerveau parce que je voudrais rester sur une note positive.
Je suis consciente aussi que quand les traitements me rendent malade à m’en broyer les boyaux, j’aurais tendance à baisser les bras. j’ai besoin de me rassurer là-dessus, parce qu’il y a une partie de moi qui serait prête à le faire. Les dissociations augmentent et c’est épuisant ce qui ne n’aide pas toujours.
Est-ce lié aux traitements ? je ne le sais pas et je n’ai pas envie de le savoir. Parce que de toute façon je n’ai pas le choix c’est ainsi.
Je veux juste m’en sortir.
En attendant j’ai passé un moment agréable à habiller ce corps, de son doux manteau.
Il y a quelque chose qui me rassure même si je reste très fatiguée, comme en ce moment, c’est de laisser toujours mes pinceaux à portée de vue. Ils me rappellent que je dois rester les pieds sur terre. Et que vous qui êtes derrière votre ordinateur à attendre la naissance d’une nouvelle création et ça c’est une sacré force que vous m’offrez là.🎨✍😉

Un grand Merci 🙏🙏 😉💪