Je ne voulais pas réfléchir, du moins essayer de ne pas trop réfléchir, de laisser venir. L’idée de faire apparaître une production avec divers mouvements dans tous les sens. Par ailleurs l’esquisse, que j’avais dessinée la veille, ne me plaisait pas. Elle ne me parlait plus en ce matin quand je l’observais, et dans ces cas là, c’est un peu comme si elle avait perdu sa vie et de ça je n’en veux pas. Cependant, elle devait trouver son manteau de couleur. J’allais donc complètement changer de direction, tout en gardant cette idée de ne pas vouloir réfléchir.
Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
L’esquisse était faite, des courbes et des arrondis donnant diverses formes et mouvements. Cela était bien, mais ce qui ne me disait plus rien c’était d’y déposer de la peinture aquarelle, rentrer dans des petits détails, y compris dans les finitions. Toutes mes articulations étaient endolories et crispées. Mais je sais que dans ces moments-là, il est très important que je les fasse quand même fonctionner pour éviter que le mal qui me ronge ne prenne trop vite place dans mon corps. Peindre pour moi est devenue encore plus fort qu’un médicament. Alors le manteau de cette esquisse allait prendre forme, il le devait, j’ai donc pris un peu de recul pour pouvoir réfléchir à comment j’allais procéder, et c’est à partir de ce moment que les encres ont parlé dans ma tête.
Installée dans mon coin de dessin, j’ai pris et j’ai mis devant moi cette esquisse, qui était devenue une pièce important pour faire fonctionner mes articulations. J’ai pris ensuite un gros pinceau au bout arrondi, plus facile à tenir entre mes doigts, avec un bol d’eau et me voilà partie à mouiller ma feuille à grande eau, à m’éclater. Ensuite sur ce même pinceau. J’ai déposé ma première couleur d’encre qui était le jaune, jaune comme le soleil, symbole de sa force et aussi de sa chaleur. Puis il y a eu du bleu, du rose, du vert. J’avais mal certes, mais je voulais déposer sur cette esquisse des couleurs chaudes, gaies qui partiraient dans tous les sens, oui, car avec le surplus de l’eau sur ma feuille, je me suis amusée à tourner celle-ci dans tous les sens, ce qui permettait aux surplus de couleurs mélangées dans l’eau d’aller dans tous les sens. Je voulais amener du bien être dans ma tête, garder le sourire, je voulais oublier cette douleur, ce mal qui me ronge. Je prenais plaisir à provoquer mes divers mélanges, à amener sur ma feuille cette joie des couleurs et cet instant présent coloré. Mes larmes étaient là, mais c’était des larmes d’apaisement, j’avais pris ce pinceau et je permettais à ce mouvement de s’exprimer dans sa chaleur et sa douceur. En fait ce qui était important pour moi, je mélangeait dans les belles couleurs ce qui va me ronger petit à petit. Mais dans ma tête à ce moment-là précis cette chose n’existait plus. Je ne percevais que des mouvements forts !
Une fois ma création terminée, j’ai saupoudré celle-ci d’un peu de pluie de farine blanche, pour apporté de la couleur blanche. Mais aussi une légèreté dans mes membres et pour le regard envers cette composition.
Voilà comment est née, cette création, avec la vie colorée, la douleur, mais surtout le vouloir de me battre et ce plaisir de faire bouger mon pinceau sur ma feuille.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Cette production a été conçue sur une feuille de 36 x 46 cm. Comme médiums les encres liquides et un crayon HB pour l’esquisse.
Que ressentez-vous face à votre œuvre?
J’observe ma production, dans ma tête ça sourit et c’est cela que je retiens : le plaisir. Maintenant je vous laisse voyager à travers cette création féerique. Pour moi c’est un pas de plus quand je prends mon pinceau et le plaisir est encore plus grand dans mon cerveau, et ça je ferais tout pour que cela ne soit pas recouvert par ce mal.