C’est parce que j’ai parlé du trauma avec mon psychiatre que m’est venue cette idée.
Je trouve qu’après avoir abordé un sujet complexe, il est nécessaire par le mouvement du dessin, de pouvoir passer des mots à la création. Une manière de solidifier notre regard.
Mes traumatismes graves et divers ont créé chez moi de très importantes « cicatrices psychologiques » qui m’empêchent de mener une vie pleine et heureuse tout le temps. J’ai des reviviscences, des cauchemars, des troubles du sommeil et des problèmes de mémoire et de concentration sans oublier les troubles alimentaires du jour au lendemain. De plus le moindre rappel d’événements qui évoquent le passé, peut m’entraîner une reviviscence terrifiante de mon « expérience » traumatique. Je peux également ressentir de la culpabilité, de la honte, de la nervosité, de l’épuisement et des sentiments d’engourdissements ou de déconnexion des autres.
Certains symptômes se montrent un peu moins fort par moment quand j’arrive à ne pas trop me dissocier par le fait d’avoir travaillé dessus.
Mes traumatismes ne sont pas quelque chose dont je peux simplement « me remettre ». Par contre, comme je l’écris souvent, je peux essayer de les digérer et cela, ça doit se travailler encore et encore afin de pouvoir les mettre dans mon bocal dans mon cerveau.
Voici une production que j’avais faite à ce sujet :
Pour certaines personnes, le traumatisme peut durer quelques semaines ou quelques mois, mais pour d’autres, comme moi les symptômes peuvent durer toute la vie et être associés à des sentiments d’impuissance, d’isolement, de dépression. Sans oublier aussi que je peux devenir extrêmement réactive et dépassée par des choses sans importance. C’est l’angoisse qui prend le dessus et la peur. Tout comme les ruminations et croyances négatives.
Mon entourage a beau me dire que ce n’est rien, de ne pas y prêter attention, ces phrases n’ont aucun effet sur moi, car je ne peux plus contrôler mes réactions, mes pensées, car je suis comme partie dans un autre monde. En fait tout devient compliqué à comprendre etc.
Pour faire barrage aux sensations terrifiantes, le cortex préfrontal médian, là où siège ma conscience se met en veille. Dans ces moments-là, je ne sais plus ce que je ressens. Il m’est difficile d’être consciente de ce qui est bon ou mauvais pour moi, ou de prendre une décision en toute lucidité. Je ne perçois même pas le danger. Je ne sais sais plus rien, j’ai disparu du temps présent, je suis loin dans l’univers du passé et qui ne doit pas venir se mélanger dans le temps présent.
Quand je suis dissociée, je suis complètement déconnectée du présent. C’est une de mes parties émotionnelles qui prend alors la relève. Dans ces moments-là, je ne me rappelle de rien du tout. Quand je reviens à moi, cela ressemble à un grand trou dans le présent, que j’ai besoin de remplir pour faire fuir mes frayeurs, mes peurs et mes angoisses. J’ai l’impression de tout réapprendre à chaque fois.
L’adulte que je suis, revient à chaque fois doucement dans le temps présent. J’y crois toujours, même si par moment j’ai cette frayeur qu’elle reste coincée et qu’elle disparaisse.
Un jour, j’avais posé la question à mon psy, il n’a pas su me répondre avec certitude. Personne ne le sait en fait, si je ne vais pas rester coincée dans ce passé terrifiant.
Il est certain que comprendre pourquoi et comment, c’est sécurisant pour moi et cette sécurité m’aide à mieux digérer les événements dramatiques. Je me sens parfois plus forte dans ma tête et dans mon cerveau. C’est cela qui est important pour moi, cette force ! Je ne perds jamais de vue de faire un pas de plus chaque jour.
Pour accompagner mon écrit, je vais par une première production montrer comment je perçois mon cerveau avec tout ce passé que est de l’ordre de l’indicible.
Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?
Par moment, j’ai l’impression que mon cerveau porte en lui une grande ouverture qui s’enfonce très profondément. Cette ouverture commence en haut de ma tête et va jusqu’en bas. Par moment il y a du sang qui remonte. Ce sang se répand dans des vaisseaux au-dessus du cerveau. Mais il ne touche pas complétement tous les vaisseaux. Les autres, qui ne sont pas encore touchés, me permettent de rester dans le mouvement d’une vie et de respirer.
Cette ouverture sur mon cerveau n’est jamais fermée, les souvenirs violents en ressortent, de même que les violentes dissociations. Pour finir mon esquisse, j’ai dessiné ce médecin qui essaie de trouver comment refermer mon cerveau à jamais, en le délivrant de ces souffrances extrêmes et de cet indicible. Mais par contre je ne veux pas qu’on m’enlève cet « amour » de pouvoir dessiner, ce mouvement de l’art-thérapie. Voilà je me dis qu’un jour on trouvera comment aider et même si moi je ne le verrai peut-être pas, cela se fera pour d’autres. La science évolue à petits pas, mais elle évolue. L’espoir !
Voilà mon esquisse étant terminée, je commence à y déposer mes couleurs, en passant par le rouge rose, du noir, en passant par le bleu, le gris et le marron. Quelques finitions ont été faites aux feutres rouge, bleu, gris et noir.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. J’ai utilisé un crayon à papier HB, comme médium de la peinture aquarelle et des feutres à pointes fines pour les finitions.
Que ressentez-vous face à votre production ?
En regardant ma production, ma première réaction a été que je dois arriver à fermer ce cerveau. Mon cœur tape fort en moi, j’ai l’impression que là, il grossit et qu’il prend plus de place. Je ne me sens pas si mal dans ma tête. Quant à mon cerveau, je ne le sens pas. Il faut se battre !