» Donc aujourd’hui, vous êtes plutôt en avance. Pour demain, vous prendrez un petit calepin pour faire un petit dessin de cette salle sans fenêtre ».
La salle d’attente en neurologie
Les couleurs de cette salle sont peut-être jolies, mais il n’y a pas de fenêtres et par moments j’ai l’impression d’étouffer, de me sentir serrée dans l’espace, de me sentir à l’étroit. Ce service de neurologie se trouve au deuxième sous-sol.
Dans cette salle grande salle d’attente, il y a plusieurs petites salles d’attente comme celle où moi j’attends, séparées par des murs.
Hier j’ai attendu pas mal de temps dans cette pièce sans fenêtre, il y avait un peu de retard. Quand je me retrouve seule dans cette pièce, il y a cette solitude qui m’envahit, et quand la douleur est trop présente dans mon corps, j’ai envie de pleurer. Mais je me dis que je n’en n’ai pas le droit, je dois me montrer forte, et puis, je ne veux qu’on puisse dire de moi que je me plains toujours.
Hier ma belle-mère est venue me hanter et ce sont des images fortes et déstabilisantes qui ont pointé leur nez.
Sa voix sec et moquante était dans cette pièce, comme elle l’était avec moi dans son attitude.
Cette espèce d’odeur de bois chaud qui ressortait de ces vêtements, ainsi que l’humidité était dans ma narine.
Et je ne savais pas trop non plus où était passé le chauffeur de taxi qui m’avait laissée.
J’ai ressenti dans ma tête une grande insécurité, ce qui a provoqué une grosse crise d’angoisse.
Alors pour aujourd’hui, pour limiter l’angoisse, Emmanuelle a eu la bonne idée de me suggérer de dessiner la salle où je dois attendre.
J’avais donc emmené avec moi mon cahier de dessin dans mon sac et hop je me suis mise à dessiner.
L’esquisse était faite sur place, et j’ai fait le manteau de mon dessin chez moi. J’avais marqué sur mon esquisse les couleurs au crayon à papier pour ne pas les oublier.
Dessiner a permis à ma concentration de ne pas s’évader trop vite, mais aussi trop loin avec ce passé. J’ai aussi pu ainsi surmonter cette envie de pleurer car la souffrance dans mon corps était devenue insupportable pour moi, de même que la souffrance dans ma tête.
Et quand la douleur vous envahit, en général, on fait n’importe quoi pour la “tuer”, en utilisant une autre douleur moins forte qui remplacera cette douleur qui vous tue à petit feu.
Mais j’avais mon dessin à finir et je pense que c’est cela qui m’a sauvée pour ne pas péter les plombs dans les wc. Ce dessin m’a permis de rester concentrée, concentrée sur quelque chose d’utile et de positif.
Mais j’avais toujours tendance à regarder en la direction de la sortie, s’il y avait rien qui pouvait arriver d’imprévu et de pas logique.
Matériaux utilisés
Dessin conçu sur feuille de format de 36 × 48 cm
Crayons aquarelles + Eau
Qu’avez vous ressenti ?
• Au début de ce travail, de mon dessin ma belle-mère était présente en moi, j’ai même senti son odeur. Et cela est très angoissant.
• Ensuite, je me suis détestée parce que je n’arrivais pas à supporter la douleur qui était en moi.
• Je me suis sentie plus vraiment dans mon corps. Ressentir mes membres a été difficile. J’ai dû me pincer, je voulais voir si j’étais bien là, car je ne savais plus où j’étais et ça c’est plus que compliqué.
• J’ai ressenti de l’insécurité dans la pièce, mais aussi dans ma tête
• J’ai ressenti ce silence quand on attend pour un diagnostique, j’ai ressenti dans ma tête ce silence de frayeur lors des consultations de ma belle-mère.
• J’ai ressenti cette envie de courir très loin.
• J’ai eu des moments ou j’essayais de retrouver le fil du moment.
Que ressentez-vous face à ce dessin ?
Je me suis dit que cette salle d’attente avait des couleurs bien plus jolies que celle du service de neurologie de Tours.
Je voulais savoir l’heure, j’avais besoin de me rassurer, mais je ne ressentais pas d’angoisse à ce moment là.