La dissociation vue par une non-dissociée (quoi que ?!)

Afin de mieux comprendre et participer aux échanges de ce blog, je me suis procuré le livre sur la gestion de la dissociation traumatique. Je viens de lire la première partie et je trouve qu’il est d’une grande clarté, même s’il reste sans doute un peu compliqué pour les personnes qui ne sont pas familières avec les théories et terminologies psy ? Pour dissiper ce doute, je me suis dit que ce pourrait être intéressant de participer au blog en essayant de résumer le plus simplement ce livre et que cela me permettrait aussi de faire passer ce message à ceux et celles qui souffrent de dissociation : fédérer différentes tendances de sa personnalité pour construire son identité c’est notre lot à tous, et même si la dissociation vous handicape, vous pouvez arriver à la même stabilité que nous. Ok, le voyage est certainement plus long, ou bien vous vous perdez plus facilement ou plus souvent que nous en route, mais l’essentiel n’est-il pas d’arriver ?

Cela va peut-être vous choquer, mais ce n’est pas tant le type d’événement qui créé le traumatisme (même si certains événements sont objectivement durs à vivre) mais notre capacité à les intégrer dans notre parcours : pourquoi cela m’est-il arrivé ? Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un tel sort ? Est-ce que je suis condamné(e) à traîner ce poids toute ma vie ?… etc. Quand une tuile nous tombe dessus (deuil ou rupture, accident, agression…), notre corps et notre esprit se mettent en mode défensif en réagissant instinctivement par la fuite ou l’affrontement. Quand on n’a pas le dessus physiquement ou émotionnellement parce qu’on est trop jeune ou moins fort que ce/celui qui nous attaque par surprise, mieux vaut pouvoir fuir, mais là encore ce n’est pas toujours possible… Dans ce cas le corps et l’esprit ont deux options complémentaires :

  • être hyper vigilants pour anticiper les dangers et trouver la brèche dans laquelle s’engouffrer pour fuir dès que possible
  • se couper du moment présent en faisant le mort comme certains animaux : on ne ressent plus rien, ni sensations ni émotions, dans l’espoir que ça détourne l’attention de ce qui nous agresse

Plus on a reçu de tuiles sur la tête – et plus encore si cela a commencé très tôt dans notre vie – plus notre corps et notre esprit développent une vision « parano » de la vie. A force de ruminer ou subir la hantise des mauvaises expériences, ils finissent par croire que le monde leur est particulièrement hostile et que personne ne peut rien pour nous. En effet, dans ce scénario catastrophe auquel on croit dur comme fer, les autres sont soit des agresseurs potentiels (parfois déguisés en amis), soit d’autres victimes potentielles (nous aimer les met en danger). A la question : « alors qu’est-ce qu’on fait ? », le corps et l’esprit trouvent une réponse apparemment géniale : on se dissocie ! C’est-à-dire que désormais, les différentes parties de la personnalité vont se répartir les tâches du quotidien (elles deviennent des PAN (1)) ou garder les souvenirs traumatisants (elles deviennent des PE(2)). Le hic, c’est qu’en faisant cela les parties de la personnalité ne communiquent plus entre elles, et du coup chacune vit sa petite vie comme si elle était seule, ce qui perturbe les copines !
C’est ce que représente le défi suivant, proposé par Béatrice sur la brouette de grenouilles (3) :
brouilletêtedegrenouilles
Comme vous pouvez le voir, j’ai fait de la brouette aux grenouilles une « brouille-tête de grenouilles ». A l’intérieur de la tête se trouvent des parties de personnalités particulièrement indisciplinées. Chacune se fait son petit cinéma dans son coin, sans réaliser que d’autres ont aussi des besoins d’expression, des difficultés, et que si elles partageaient leurs expériences elles pourraient chanter ensemble plutôt que de se gêner au quotidien. La grenouille de dos c’est le chef d’orchestre dont la fonction est de transformer la cacophonie en chorale.
Quand le chef d’orchestre parvient à faire chanter tout le monde ensemble avec une telle fluidité qu’on ne sait plus qui fait quoi à quel moment, la personnalité est harmonisée.
Quand les grenouilles sont invisibles les unes pour les autres ou se bagarrent jusqu’à prendre le pouvoir à tour de rôle, la personnalité souffre de troubles dissociatifs.
Comment procéder pour discipliner les grenouilles ? C’est ce dont nous discuterons dans les prochains textes, au fur et à mesure de la lecture du livre sur la gestion de la dissociation traumatique.


(1) PAN : parties apparemment normales
(2) PE : parties émotionnelles
(3) Voir le lien vers le texte et dessin de Béatrice : http://artherapievirtus.org/RAIVVI/bd-la-brouette-a-grenouilles-mes-personnalites-de-moi/

7 réflexions au sujet de « La dissociation vue par une non-dissociée (quoi que ?!) »

  1. Analyse intéressante, mais bien sûr il y a les grenouilles, mais sont elles indisciplinées ? Je crois que quand quelqu’un vit des choses incompréhensibles (pas la capacité intellectuelle de comprendre ce qui se passe) et que le corps vit quelque chose qui est de l’ordre de la torture (agressions) alors le seul moyen de ne pas mourir, même si on souhaite profondément (que ça s’arrête) c’est effectivement de se dissocier. En d’autres termes de dissocier est un moyen de moins souffrir. Le problème c’est qu’il se crée en soi une partie qui correspond à un âge donné avec des mécanismes de pensée de cet âge-là, qui effectivement, en quelque sorte, s’enkyste et qui se manifeste quand des conditions extérieures à un moment donné rappellent l’environnement qui existait au moment du traumatisme. Des tuiles nous en vivons tous, des abus sexuels ou des abus psychologiques (interdiction de penser, de dire d’exister) cela n’est pas le lot commun.
    Un auteur : Téo Van der Veele, dit que les personnes abusées ont leur langage, leur manière d’être et que nous les accompagnants qui n’avons pas vécu cela, nous sommes à l’extérieur, on peut un peu comprendre, mais on ne parle pas le même langage et c’est important de reconnaitre que parfois (même souvent) on ne comprend pas.
    Ceci pour dire que dans ma petite expérience, c’est très souvent la colère (qui n’a jamais eu le droit de s’exprimer) qui provoque une dissociation et que parfois c’est le seul moyen d’exprimer ce que l’on ressent. Le parler phonétique (tel que Béatrice l’utilise) renvoie certainement à une partie d’elle qui parlait mal, une partie très petite, mais qui même si elle ne parlait pas avait des pensées et ce sont ses pensées ou des mots entendus qui nous reviennent, mais déformés, ce qui en soi est une sauvegarde.
    Je crois que chaque partie doit être entendue, écoutée et surtout aimée d’une part par celui qui accompagne, mais petit à petit par les autres PE (et là effectivement c’est important que chaque PE soit reconnue avec ses qualités et ses défauts sans jugement) et que c’est cela qui permettra l’intégration.
    Il ne s’agit pas d’indiscipline, mais d’un besoin d’exister enfin et d’être entendue dans sa souffrance.
    Mais je vais relire ce premier chapitre. Merci à Muriel pour ce travail.
    Emmanuelle avait proposé la lecture du livre de Richard Schawartz : Système familial intérieur : blessures et guérison qui m’avait beaucoup intéressée. Considérer les PE comme constituant une famille, ce qui permet de conserver des imagos parentaux, ce qui me parait important.

    1. (interdiction de penser, de dire d’exister) cela n’est pas le lot commun.

      C’est une situation qui ne met pas venue en tête, car en moi sa se faisait automatiquement de ne pas « penser et de exister » la trouille mon corps je me demande si lui n’avait pas un radar et qu’il me mettait des barrières pour justement que mon cerveau ne pense pas à effectuer ces actions.

      C’est très souvent la colère (qui n’a jamais eu le droit de s’exprimer) qui provoque une dissociation

      La colère m’effraie toujours autant, et cela dans les deux sens, les voix fortes me provoquent des frissons et me font fuir et là c’est bien Béatrice qui est là, je trouve une excuse, c’est la frayeur qui me fait fuir.

      « mais déformés, ce qui en soi est une sauvegarde. »

      Qu’appelez-vous « déformer » Catherine une situation mal interprétée par les pensées de la petite ?

      « mais petit à petit par les autres PE (et la effectivement c’est important que chaque PE soit reconnue avec ses qualités et ses défauts sans jugement) et que c’est cela qui permettra l’intégration. »

      Pour faire cela il faut qu’elles se connaissent non avant ? Mais comment ? Le docteur n’a pas encore trouvé avec moi et la petite etc. Pour que je puisse l’entendre en moi, la sentir réagir, apparaitre le problème j’essaie mais je ne ressents pas et quand elle apparait je be me rappelle pas non plus, j’ai l’impression de tourner en rond !

      « mais d’un besoin d’exister enfin et d’être entendue dans sa souffrance. »

      Oui sûrement, d’où le problème coté violent chez Béa par exemple.

      1. je reprends votre question: « Qu’appelez-vous « déformer » Catherine une situation mal interprétée par les pensées de la petite ? »

        Oui, il y a le fait que l’enfant qui entend ou vit certaines choses les comprend avec les capacités qui sont les siennes, et que du coup il va toujours pour donner un sens se sentir responsable (coupable) de ce qui lui arrive alors ce ce qui se passe, est commis par des adultes (qui eux savent que ce qu’ils font est mauvais et souvent interdit par la loi), qui sont donc responsables et coupables.

        Il y a aussi lors de violences dans la famille, des mots ou des phrases qui peuvent être entendues comme s’adressant à l’enfant, alors qu’elles s’adressent à l’un des membres du couple, mais cela terrorise l’enfant. Je pense à ces phrases qui revenaient si si souvent: salope, je vais te tuer. Peut être que cela s’adressait à votre mère et pas à vous, mais vous les avez intégrées comme vous concernant. C’est une hypothèse bien sur.

        Je crois que le fait que le Docteur L puisse parler avec la petite est une bonne chose, parce qu’il fait figure de parent protecteur (la petite a le droit de parler, de dire, d’exister) et que du coup si elle a ce droit d’exister elle sera moins comme une « puce ». Et l’important aussi est qu’il puisse vous en parler pour que vous appreniez à la connaître et donc à tenir compte d’elle(un peu comme une maman). C’est certain que ne pas ressentir que la dissociation est en train d’apparaître doit être très pénible, peut être que la petite si justement elle se sent en sécurité, à sa manière à elle, pourra vous donner des indices. Je maintiens que la colère si minime soit elle, est un facteur qui favorise la dissociation. Peut être qu’il en va de même avec la tristesse. Je ne sais pas.

        1. Le docteur ne me dit pas tout car c’est trop lourd à entendre peut-être. Je ne sais pas trop. Il dit que psychologiquement je ne suis pas assez forte pour l’instant, il pense aux réactions que je pourrais avoir en dehors de son cabinet. Je reste parfois une bombe à retardement.
          Me concernant je voudrais savoir, mais une autre partie se dit que si c’est pour mettre en l’air le beau travail fait avec l’aide de ce blog et avec tous ça serait plus que dommage et je ne m’en remettrais pas non plus. Donc restons raisonnable en avançant doucement.

          Je maintiens que la colère si minime soit elle, est un facteur qui favorise la dissociation. Peut être qu’il en va de même avec la tristesse. Je ne sais pas.

          Peut-être.

    2. Bonjour Catherine,
      Le but de ce texte était juste d’essayer de synthétiser le propos du livre que lit Béatrice parce qu’elle dit souvent que c’est compliqué ; je pensais parler dans d’autres billets des points que vous abordez, toujours dans une optique pédagogique pour ceux et celles qui avec ou sans le livre voudraient appliquer ce que préconisent les auteurs. Je ne doute pas que ce ne soit pas votre intention mais j’avoue qu’à vous lire je ne peux m’empêcher d’avoir l’impression que vous corrigez ma copie et cela m’ennuie, d’autant que je n’en vois pas l’intérêt pour le lectorat du blog qui vient avant tout pour du soutien, pas du débat d’idées ou des leçons de psychologie. Je ne viens pas sur ce blog en tant que psy, encore moins pour donner des leçons aux personnes ayant vécu des traumatismes qui ne sont pas les miens ou me positionner en patiente. Ceci étant dit je ne suis ni fâchée ni fermée aux rebonds sur mes billets mais j’ai parfois l’impression qu’il n’est pas si évident de sortir d’une place d’observatrice dans un espace où des liens et modalités relationnelles sont ancrés depuis longtemps. Et j’avais besoin par respect tant des autres que de ma sensibilité de le souligner. Bonne fin de journée à tous-toutes.

  2. « même s’il reste sans doute un peu compliqué pour les personnes qui ne sont pas familières avec les théories et terminologies psy ? »

    Effectivement.

    « fédérer »

    J’ai regardé la définition car ce mot m’était inconnu et après je devais faire un lien avec le texte.
    Je retiendrais ces mots : unir, rassembler, et je rajouterais symbiose.

    « la fuite »

    Parfois aide à survivre comme pour toute agression etc. Je pense que c’est cela qui m’a sauvée, je ne sais pas si celles-ci ont été volontaires car sinon je demandais la mort.

    « à la même stabilité que nous »

    Je doute là, je dirais un mieux plutôt.

    « stabilisation »

    Le mot pour moi en ce moment est trop fort.
    J’ai du mal à trouver ma place dans ce monde, je ne dis pas que celui-ci est hostile mais je le vois comme une jungle.

    « c’est qu’en faisant cela les parties de la personnalité ne communiquent plus entre elles »

    le docteur L. ne sait pas encore si mes parties se connaissent, il sait juste que la petite beatrisse n’aime pas la grande. Elle veut la tuer et moi je ne sais pas ce qui est difficile.

    « « brouille-tête de grenouilles ». »

    C’est bien cela pour plus tard faudra changer le nom 🙂
    Pour l’instant mes grenouilles chantent faux et vivent chacune de son coté.
    Dans mon dessin mettre la grenouille principale, je n’ai pas pu, votre dessin reste original :))) et je suis beaucoup dans l’hyper vigilance.
    1) PAN : parties apparemment normales
    2) PE : parties émotionnelles
    merci pour le rappel !

    1. Bonjour à tous-toutes,
      merci Béatrice pour ce retour sur le texte.
      Pour la stabilité, je persiste à penser que c’est une question de temps, pour tout le monde. Encore une fois, chacun fait comme il peut. Le prochain texte parlera des différentes parties et de leurs fonctions, ce qui pourra peut-être vous aider avec vos différentes grenouilles ! En tous cas, c’est ce que je vous souhaite.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.