Entrer en amitié avec soi-même

J’avais conclu mon précédent billet sur cette question : comment procéder pour coordonner (1) les différentes grenouilles qui s’agitent dans nos brouille-têtes ?

Avant de répondre concrètement à cette question, je voudrais vous parler d’un autre défi entrepris avec Béatrice et dont le thème était « représenter l’amitié ». Voici mon dessin :

Amitié

Comme vous pouvez le voir, pour moi l’amitié est un puzzle. Peu importe qu’il représente au final un tableau abstrait ou figuratif, l’essentiel c’est que les pièces uniques qui le composent se soutiennent suffisamment pour que l’ensemble soit solide et agréable à regarder. Telle est selon moi la magie de l’amitié : rendre belles dès qu’on les met ensemble des pièces qu’on pouvait trouver banales, nulles ou moches prises séparément.

Quand j’ai terminé ce dessin, je me suis dit : « si cela fonctionne dans un groupe d’humains, pourquoi pas dans une personnalité fragmentée ? ». En d’autres termes si l’amitié entre des individus rend la vie plus facile et leur permet de dépasser leurs différences, peut-être que l’amitié entre nos différentes parties de personnalités pourrait générer le même miracle ? Tel est le message de fond du livre référence évoqué sur ce blog (2).

Le plus dur pour entrer en amitié soi-même, c’est de dépasser ses croyances négatives sur ses différentes parties de personnalités pour découvrir leurs qualités. En effet, qui peut, dissocié ou non, prétendre aimer TOUTES les parties de sa personnalité sans que son nez ne s’allonge ?

Généralement, nous n’aimons pas ce qui nous fait peur, or ce qui nous fait peur c’est souvent ce que nous ne comprenons pas parce que nous ne le connaissons pas (vous suivez toujours ?). Afin d’aider les personnes dissociées, les auteurs du manuel « Gérer la dissociation d’origine traumatique » ont listé les principales catégories de parties qui composent une personnalité fragmentée :

  1. Les PAN

Elles servent à fonctionner correctement dans les relations et activités quotidiennes, c’est-à-dire à accomplir des tâches avec plus ou moins la même facilité que les personnes non dissociées. Elles vivent dans le présent, dans l’Ici et le maintenant, c’est pourquoi elles n’apprécient pas les PE qui viennent parasiter leur train-train en rejouant les vieilles histoires traumatiques…

  1. Les PE

Ce sont les parties qui gardent la mémoire des traumatismes sous forme de souvenirs psycho-corporels (les faits, les émotions, les croyances, les sensations physiques…etc). C’est comme un tatouage sur leur peau qui les rend prisonnières du passé en leur faisant croire que c’est le présent. Si toutes sont emprisonnées dans l’espace-temps traumatique, leur nature et fonction varie :

  1. les parties jeunes

Elles sont porteuses de :

  • sentiments non résolus de désir/solitude/dépendance
  • besoins de réconfort/aide/sécurité
  • sentiment de méfiance/peur du rejet/crainte de l’abandon
  • souvenirs traumatiques qu’elles gardent
  • émotions/sensations de douleur et tristesse
  • quelques fois d’émotions positives

Elles sont très actives chez les personnes ayant été précocement abusées ou négligées, ce qui peut agacer d’autres parties de la personnalité, surtout si celles-ci ont été brimées dans l’expression de ces mêmes affects ou besoins ; elles préfèreront alors n’avoir aucun besoin, ce qui crée un conflit avec les parties jeunes

  1. les parties aidantes

Cette catégorie n’existe pas toujours, mais lorsqu’elle est présente elle aide les autres en prenant soin d’elles et peut les inspirer pour développer de l’empathie ou réguler les émotions.

  1. les parties imitant l’agresseur

Elles gardent les sentiments de honte /culpabilité /colère /fureur / impuissance, afin de soulager les autres parties qui ne pourraient en supporter l’intensité. Même si elles « copient » les mots ou conduites d’agresseurs réels, elles ne les représentent pas, ce ne sont pas « eux » à l’intérieur de la personne. Protectrices, elles se manifestent pour empêcher les autres parties d’être exposées à la souffrance qu’elles gardent. Cela peut les conduire à exprimer de la colère envers les autres si elles sentent qu’ils pourraient libérer le souvenir traumatique.

  1. les parties agressives

Comme les parties imitant l’agresseur, elles se croient généralement intouchables – elles ne croient pas avoir été maltraitées ou abusées – et elles défendent la personne dissociée contre les menaces internes ou externes (libération du souvenir traumatisant). Elles peuvent réagir violemment et/ou intensément lorsqu’elles se sentent menacées ou que leur autorité leur semble remise en question. Elles sont souvent représentées dans l’imaginaire des personnes dissociées par des personnages masculins jeunes et forts.

  1. les parties honteuses

La honte entretient les dissociations. Ces parties gardent des conduites supposées honteuses par les autres parties, ce qui leur vaut souvent d’être insultées ou évitées par elles.

Maintenant que nous savons quel type de parties de personnalités nous allons rencontrer, nous pouvons nous préparer à la prise de contact. C’est ce que nous aborderons dans le prochain billet.

(1) j’avais parlé de « discipliner » mais après réflexion suite au commentaire de Catherine, je me suis dit qu’en effet le terme n’était peut-être pas le plus approprié pour traduire l’idée d’une organisation basée sur une collaboration des différentes parties de la personnalité.
(2) Pour rappel « Gérer la dissociation d’origine traumatique » de K.Seele, S.Boon, O.van der Hart

6 réflexions au sujet de « Entrer en amitié avec soi-même »

    1. Je viens de regarder, c’est très intéressant, merci.
      Et du coup je ne peux m’empêcher de me demander ceci : à qui s’adresse ce lien et pourquoi ? De qui aimeriez-vous être comprise, et que voudriez-vous que ces personnes comprennent et fassent ?

      1. Bonjour Muriel,
        Cette vidéo est pour nous. Je la trouve intéressante et même complémentaire.
        Elle contient des informations importantes sur les troubles dissociatifs, cette vidéo nous fait ressortir des ressemblances à des tortures. Les séquelles restent très nombreuses.
        Béatrice vous devez secréter beaucoup de Kétamine et de morphine à cause de vos troubles dissociatifs réguliers. À la longue ça peut devenir dangereux. Y a-t-il une solution ?

  1. Le plus dur pour entrer en amitié avec soi-même, c’est de dépasser ses croyances négatives sur ses différentes parties de personnalités pour découvrir leurs qualités

    Cela c’est compliqué faut développer. Merci Muriel ! Je ne ressens pas mes parties :((
    ces parties je l’ai lu dans le troisième chapitre page 71 72 73… moi je copie le deuxième.
    Pas de rouge et de noir ça alors, donc pas de colère ou autre toujours d’accord ? Ça me turlupine.

    1. « Pas de rouge et de noir ça alors, donc pas de colère ou autre toujours d’accord ? Ça me turlupine. »

      Vous voulez parler du dessin que j’ai intégré dans l’article ? Si oui, l’absence de ces couleurs est un pur hasard d’autant que le dessin représente l’amitié en général, pas spécialement vos parties. Cela dit cela pourrait être amusant de peindre vos parties telles que je les perçois à vous lire.

    2. Qu’est-ce que vous faites dans le troisième chapitre ? Relisez plus attentivement les textes que vous envoyés pour reprendre ce qui cloche et ça vous occupera le temps que vous passez à courir trop vite. On arrête la fuite et l’hypervigilance.

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