J’aimerais aborder un sujet que j’ai observé autour de moi, en prenant le bus, ou bien même en allant faire des courses, quelque chose qui a attiré mon attention, mais dont je ne suis pas certaine. Je veux dire que quand je prends le bus, je me rends compte que les visages sont de plus en plus fuyants, que les bonjours se font rares. Il me semble qu’il y a comme une souffrance silencieuse qui n’arrive pas à s’exprimer par les mots.
Il y a de la tristesse sur les traits de ces visages, mais aussi un agacement, un air sévère, un peu comme une nostalgie du temps d’avant. Je ne sais pas si c’est une façon de se protéger, ou si cela se fait de manière complètement inconsciente.
J’écris inconsciente, car il arrive que mon visage laisse lire une émotion alors que je ne le voulais pas. C’est dans les petits mouvements du visage, qui apparaissent.
Certes, je peux comprendre toutes les inquiétudes, les questionnements et le fait de se protéger, car on subit tous cette crise sanitaire.
Je ne sais ce que vivent les gens, en particulier qu’ils sont confrontés à la maladie et au décès. Mais quand même, je me demande pourquoi cela nous empêche de nous dire bonjour, d’adresser un petit sourire, même derrière un masque. Je crois que c’est cette sorte de repli qui m’a interpellée.
La communication corporelle est importante, je suis très sensible à l’expression d’un regard, aux rides du front, aux mouvements de la bouche. C’est un indicateur pour moi, qui me permet d’être rassurée et moins aux aguets.
Mais peut-être que mon observation est fausse. Que ce que je vois n’est pas la réalité. Tout comme je me répète je ne suis pas dans la tête des personnes.
Alors j’ai décidé de dessiner cela pour prendre un peu de recul.
Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?
Pour ce dessin, je voulais faire apparaître deux visages. Avec sur l’un des deux, l’expression de la tristesse que je ressens en observant les visages autour de moi, une tristesse liée à l’impuissance.
Mais derrière ma tristesse, je garde un regard attentif, un regard qui reste vivant, parce que c’est de cela dont nous avons besoin encore plus en ce moment. Sur l’autre, rien, ce qui permettra à celui ou à celle qui regarde de déposer l’expression qu’elle aimerait exprimer sur le moment. Un peu comme pour déposer un événement trop lourd à porter. Le déposer permet de prendre un peu de recul.
Pour les couleurs, je souhaitais y déposer des couleurs vives, qui devaient se mélanger entre elles, comme pour faire apparaître ce que j’ai observé, mais tout en cachant pour ne pas perturber le regard des autres. En peignant je pensais à une protection : ne choquer personne avec mon constat qui pouvait être erroné. Mais un changement est là.
Je ne perds jamais de vue cette bienveillance que j’ai et qui ne doit pas se perdre, car celle-ci est très importante et c’est ce dont nous avons besoin toutes et tous en ce moment.
Pour les finitions, je les ai faites aux gros feutres de couleur, pour que les couleurs ne dépassent pas les limites fixées.
Quels matériaux avez-vous utilisés ?
Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, 3B, peinture aquarelle. Feutres de couleur.
Que ressentez-vous en regardant votre production ?
J’observe mon dessin, et je continue à me poser des questions. Des expressions des visages m’ont marquée, mais je me dis que les personnes ont leurs raisons ou pas, mais cela m’inquiète. Rester neutre m’est difficile, ils m’inquiètent… Il y a quelque chose qui cloche.
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