18 août 2003
Camille s’avouait que sa passion inconvenante pour Georg la dévorait. Inconvenante parce qu’elle était vieille de vingt ans, parce qu’elle en avait épousé un autre, parce qu’étaient nées les filles, parce que le passé est le passé. Elle savait qu’elle n’avait pu quitter Georg qu’au prix du renoncement d’elle-même, elle avait entretenu son désespoir et restait enferrée dans le piège posé vingt ans auparavant par cet amour impossible. Luttant encore contre les normes féroces imposées par la mère de Georg, l’entourage de Georg, le travail de Georg et pour finir, entérinées par Georg lui-même, il restait le dicton de Madame Louise-Marie de France, fille de Louis XV : « Souffrir passe, avoir souffert ne passe pas. » Camille était régie par la quête inaccessible de l’authentique plaisir à être aux côtés de Georg. Le bonheur que lui donnait son amour était réel et le bonheur voulait continuer d’être, alors elle portait la nostalgie de cette époque où elle était heureuse.
Le cancer était comme une épée qu’elle s’était plantée dans le cœur, une estafilade à la poitrine et, une pointe à la manière de Proust, qui la tuerait si elle se l’enlevait. L’héroïne qu’elle était en ayant quitté l’homme qu’elle aimait et qui ne l’aimait plus devait enlever sa perfusion. Georg était son soleil, qui brûle, bien sûr et de cette manière lui tenait chaud. Il l’éclairait, mais il la tuait dans l’anonymat d’un meurtrier sans méchanceté. Camille était sa victime et le cancer n’était qu’un moyen naturel de mourir. Il n’y avait pas de haine entre eux. Comme Georg avait omis de lui exposer sa vision de leur avenir, Camille l’excusait en se persuadant qu’il n’y avait pas pensé parce que sa vision, obstruée de parasitages, comme sa mère, l’empêchait de penser. Georg, intellectuel reconnu par ses pairs, lui prouvait qu’il ne suffit pas de réfléchir pour trouver la force de comprendre et d’agir. Il n’avait pas vu qu’Hexe continuait à gérer sa vie si bien qu’il laissait Camille somatiser son abandon et ses infidélités. Il n’y avait pas d’avenir, puisqu’elle l’avait éconduit lors de sa demande en mariage qui n’en était pas une. Elle savait que c’était grave. Georg avait voulu continuer de plaire à sa mère et n’en avait pas mesuré les conséquences.
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