Par Pierre Lemarquis, publié le 30/11/2013
Malgré la morosité ambiante, les Français aspirent à une nouvelle sagesse. L’Express a recueilli les pistes proposées par Pierre Lemarquis, neurologue, pour lutter contre la sinistrose.
Les musées n’ont jamais été aussi fréquentés. L’art nous serait-il indispensable ?
C’est un formidable antidépresseur. Les neurosciences le montrent : la contemplation d’une oeuvre active certaines zones de notre cerveau. Si elle nous plaît, les circuits de la récompense et du plaisir s’allument, comme lorsqu’on se trouve dans une situation de séduction.
Nous sécrétons alors des substances chimiques positives : la dopamine, neuromédiateur du désir, les endomorphines, qui calment la douleur, ou encore la sérotonine, aux effets anxiolytiques. La visite d’une exposition, donc, déstresse, stimule. Et nous permet en même temps d’échapper au quotidien.
C’est comme un voyage hors du temps et de l’espace, qui repousse nos limites habituelles car le dialogue entamé avec un artiste élargit notre champ de vision. En résumé, l’art est une bouffée d’oxygène, dont l’être humain a besoin. Encore plus dans des périodes difficiles.
L’art possède-t-il d’autres vertus ?
En mobilisant les émotions, il réactive aussi la mémoire. Les oeuvres qu’on aime semblent en effet souvent familières. Mais, si elles nous attirent, c’est parce qu’elles sont liées à des souvenirs plus ou moins diffus, à des sensations remontant aux premières empreintes de notre existence et qui, encapsulées dans notre cerveau, rejaillissent brusquement, à la manière de la madeleine de Proust.
D’où le trouble qu’on ressent devant les lignes serpentines des tableaux de la Renaissance : elles évoquent le sein maternel ou la sensualité féminine, nous rassurent. Ce n’est pas un hasard si l’art est utilisé dans les hôpitaux, pour ses vertus thérapeutiques. On peut se sentir happé dans les profondeurs d’un tableau de Rothko, apaisé devant un monochrome bleu d’Yves Klein ou irradié par les jaunes solaires de Van Gogh.
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