Le Journal des psychologues
2007/4 (n° 247)
Pages : 80
DOI : 10.3917/jdp.247.0058
Éditeur : Martin Média
La construction de l’identité professionnelle de l’art thérapeute
par Dominique Sens
Psychologue clinicien
Art thérapeute
Chargé de cours université Paris-V
Si l’intitulé Art thérapeute est explicite, l’on s’interrogera plus spontanément sur la situation psychothérapique de l’art thérapeute vis-à-vis des autres disciplines existantes. En effet, il existe une diversité de définitions de l’Art-Thérapie qui renvoient à différents modèles théoriques (psychanalytique, systémique, cognitivo-comportemental, etc.). En ce sens, l’évidence du devenir du métier d’art thérapeute est mise à l’épreuve.
L’art thérapie est actuellement en pleine extension. Elle fait l’objet d’une visibilité institutionnelle par son utilisation de plus en plus courante dans les secteurs psychiatrique, médico-éducatif, du handicap mental, de la gériatrie et par sa diffusion tant sur le plan de la formation universitaire (DU, master) qu’extra-universitaire (diplômes privés, certificats de formation). Phénomène de moins en moins marginal, l’art thérapie se déploie également en tant que pratique psychothérapique en cabinet libéral. Ainsi, l’idée d’un traitement psychothérapique par l’Art-Thérapie fait son chemin actuellement, mais il n’existe pas encore un véritable statut comme en Angleterre, encadré par une formation de niveau « master », l’obligation d’être enregistré régulièrement auprès d’un organisme officiel pour pouvoir exercer et la nécessité d’un contrôle (supervision) pour le clinicien, surtout si celui-ci reçoit des enfants.
Par ailleurs, la question de la psychothérapie soulève un débat important et pose l’interrogation – comme pour toutes les psychothérapies – de la qualification et de la formation du praticien. Les questions sont nombreuses et sujettes à polémiques. Par exemple, y a-t-il une pertinence à distinguer art thérapie/psychothérapie à médiation artistique ? Une telle distinction correspond-elle à des pratiques différentes et ordonne-t-elle une certaine position psychothérapique ou bien relève-t-elle d’une séparation arbitraire liée à des enjeux autres que cliniques ? Peut-on parler de dispositif d’art thérapie analytique et à quelle condition ? Et, dans ce cas, faut-il être psychanalyste ? Un psychologue clinicien formé à l’art thérapie et bénéficiant d’un contrôle par un analyste peut-il s’autoriser à : « inventer d’autres dispositifs praticiens compatibles avec la théorie psychanalytique » ? (Vacheret C., Duez B., 2004, p. 194.)
Je me propose d’aborder la problématique de l’identité professionnelle de l’art thérapeute en termes de construction, c’est-à-dire en considérant qu’il s’agit là d’un processus où l’individu construit son identité dans la similitude et la différence à autrui, dans une appartenance à un groupe et en lien avec une pratique sociale. L’art thérapeute est donc pris entre une recherche de stabilité au travers de repères qui sont autant d’éléments partageables, fondateurs de son identité professionnelle, et la nécessaire singularité d’une pratique qui en fait un sujet autonome.
La construction de l’identité de l’art thérapeute est une question complexe qui va s’articuler autour de différents niveaux de compréhension. Un niveau individuel, relatif au désir d’être du sujet et du projet personnel qui le porte. Un niveau groupal qui renvoie à la question de l’affiliation à un groupe d’appartenance revendiquant une certaine place dans le champ de la pratique de l’art thérapie. Enfin, un troisième niveau, sociétal, pourrait-on dire, en référence à la position qu’occupe cette pratique de l’art thérapie, produit d’une histoire et pratique sociale évolutive, elle-même tributaire de représentations sociales structurées par des normes, des règles, une idéologie véhiculée par la société libérale postindustrielle.
Le niveau individuel
Un premier niveau, individuel, concerne donc l’engagement du sujet à devenir art thérapeute, porté par son désir et son projet. Comment devient-on art thérapeute ? Question qui renvoie aux idéaux, aux aspirations et aux compétences qui vont soutenir chacun à s’engager dans cette voie. Elle interroge ce qui fonde l’idéal du moi professionnel de l’art thérapeute, dans cette tension entre un « narcissisme professionnel » qui s’éprouve dans l’image de soi-même en artiste et thérapeute, en thérapeute-artiste, en thérapeute et artiste, et l’identification à des idéaux collectifs relatifs à la santé, la maladie, le développement de soi, la créativité, l’art. Elle ouvre, évidemment, à la question individuelle du désir d’être, du manque à être et à la part d’imaginaire qui nourrit l’engagement dans cette voie.
L’intime du désir, sa complexité, son éventuelle opacité, participent à la fondation du projet. Celui-ci est lié à l’évolution personnelle et professionnelle de la personne, au sens qu’il souhaite donner à sa vie personnelle et professionnelle. Ce projet débouchera-t-il sur un métier, dans un contexte social de précarisation des statuts ? Il y a quelque chose de troublant, dans l’engouement pour la pratique de l’art thérapie nouant l’artistique et le psychothérapique dans un moment où le statut de l’artiste (l’intermittent du spectacle) et celui du psychothérapeute sont fortement questionnés.
Le niveau groupal
S’engager dans l’activité d’art thérapie relève donc d’un désir et d’un projet personnel qui inscrit l’art thérapeute dans un lien d’affiliation aux organismes qui prétendent à la formation à ce métier et à un collectif plus ou moins organisé de professionnels (un regroupement associatif d’art thérapeutes, une fédération, etc.).
En France, une personne désireuse de se former à l’art thérapie peut s’adresser à plus d’une soixantaine de centres de formation qui propose une qualification d’art thérapeute, répertoriant des médiations artistiques telles que la peinture, la sculpture, le modelage, la musique, l’écriture, le théâtre, le cirque, la danse, les marionnettes, les masques et bien d’autres arts. Il n’est pas toujours facile de se repérer dans cette offre entre différentes formations.
De ce choix d’orientation découlera, pour l’art thérapeute en formation, un sentiment d’appartenance à un collectif organisé autour de valeurs et d’un référentiel théorique spécifique. Ayant choisi un lieu de formation, l’art thérapeute va faire siens les modèles théoriques et les pratiques qui lui sont proposés. Dès lors, il s’engage dans un effort d’appropriation, puis – il faut le lui souhaiter –, ultérieurement, va s’en distancier aussi, dans un acte d’assimilation différenciateur pour accéder à sa propre vérité sur sa pratique.
Il s’agit là d’un processus d’assimilation/différenciation dans le cadre d’un enseignement transmis par une instance instituante, externe au sujet, et qui revendique une certaine autorité en la matière. La question, bien évidemment, portera alors sur la légitimité de cette autorité instituante. C’est une importante difficulté dans le cheminement identitaire de l’art thérapeute qui l’oblige à s’interroger sur les modèles et les conceptions qui lui sont soumis.
Or, une pluralité de définitions de l’art thérapie existe en référence aux différents modèles théoriques (psychanalytique, systémique, cognitivo-comportemental, rogerien, etc.). Pour autant, il me semble que la ligne de partage entre ces diverses conceptions correspond, grosso modo, à deux visions distinctes de l’activité artistique sur laquelle s’appuie le praticien.
La première approche considère que toute création artistique est thérapeutique, car porteuse de changements et de transformations. C’est un espace de création personnelle qui est proposé au patient, l’art thérapeute assurant une fonction de maintenance et de protection afin que l’individu puisse s’exprimer librement. Au fond, par son désir de changement, le sujet souffrant se guérit par l’acte même de la création. Ainsi, l’art recèle sui generis une possibilité de transformation vers un mieux-être. Les artistes formés à l’art thérapie me paraissent très sensibles à cette approche insistant sur l’acte artistique et la production d’une œuvre. Il existerait une sorte d’analogie ou d’homothétie entre les défis de base de la création artistique et les défis de base de la vie (Franklin M., 1992). Par l’art, une métamorphose de soi est obtenue. Une telle vision téléologique de l’art me paraît très idéaliste et contredite dans les faits. Jamais l’art n’a soigné personne, mais au mieux soulagé temporairement une souffrance.
Une deuxième conception repose sur l’idée que ce n’est pas l’art en soi, mais l’activité relationnelle mettant en jeu un patient, un thérapeute et un objet ou une matière à travailler, qui est porteuse d’amélioration psychique pour le patient. Comme l’écrivait Colette Duflot (2003) avec humour : « Quand l’art est là, la psychothérapie s’en va. » L’insistance sur l’aspect psychothérapique par le biais de la verbalisation, mettant au second plan la médiation – considérée comme moyen plutôt que finalité – a porté certains auteurs à préférer le terme de « psychothérapies médiatisées » à celui d’« art thérapie » (Granier, Auby, Gentil et Pezous, 1992). Certains professionnels utilisant des médiations artistiques récusent le terme même d’« art thérapeute ». « Maïeute-psychanalyste » est-elle vraiment une appellation plus convaincante ?
Peut-être cette conception de l’art thérapie est-elle plus familière pour les personnes qui, dans l’exercice de leur activité de psychothérapeute ou d’analyste, introduisent une activité artistique comme un moyen d’engager un soin pour des patients réputés « difficiles » (états-limites, psychotiques, sujets gravement carencés ou traumatisés, handicapés mentaux, etc.), là où la seule médiation par la parole en situation d’intersubjectivité s’avère trop précaire. Cependant, l’infléchissement d’une telle position est de mettre de côté l’importance de la matérialité du médium et la spécificité des processus psychiques de création. L’activité de création se réduirait à n’être qu’un support à un travail de verbalisation dans le cadre d’une relation thérapeutique.
Les modèles courants en art thérapie
C’est au cours de leur formation que les arts thérapeutes font l’acquisition de différents modèles et c’est à eux qu’ils ont recours explicitement ou implicitement dans leur activité. En se calquant sur les distinctions habituelles des psychothérapies (Frisch S., 2002), on peut considérer qu’il existe quatre modèles – applicables en situation groupale ou individuelle – auxquels se réfèrent les art thérapeutes :
- Le modèle cathartique : le patient est poussé à s’exprimer par une technique artistique afin d’expulser, se débarrasser de sa souffrance (« s’exprimer soulage, ça fait du bien »). Le thérapeute sollicite le désir, stimule le besoin d’expression, favorise l’acte de communication. Il prend acte de cette souffrance, l’accueille mais n’engage pas forcément le patient vers une voie d’élaboration des conflits sous-jacents. Dans l’atelier, il favorise la décharge émotionnelle qui va purger le patient de son angoisse.
- Le modèle réparateur : le thérapeute pense aider le patient en lui apportant son soutien, sa compréhension, afin d’effacer le préjudice qu’a subi le patient ou pour combler un manque interne. Il s’implique dans la relation soignant/soigné en instaurant un climat de confiance et de convivialité. Dans l’atelier, il va chercher à restaurer le narcissisme défaillant du sujet, augmenter l’estime de soi du patient en introduisant des gratifications narcissiques.
- Le modèle éducatif : le thérapeute est dans une position de guide. Il indique au patient les procédures à effectuer, les chemins à prendre, la direction à suivre. Il assure une fonction de conseil dans le dessein d’aider le patient à effectuer des choix plus pertinents. Il a un rôle d’éducateur ou de ré-éducateur. Il vise à favoriser une meilleure adaptation du patient et propose des modèles à appliquer. Dans l’atelier, il va prendre une position de figure parentale qui transmet un savoir-faire, une connaissance pour permettre de développer les potentialités créatrices du patient qui seraient transférables à l’extérieur de l’atelier ayant servi de lieu de ressources.
- Le modèle analytique : Il repose sur l’idée que, dans la séance, ce qui sera privilégié, c’est le processus et non le résultat. C’est, de mon point de vue, le modèle le plus pertinent, mais le plus complexe à mettre en œuvre. En effet, la prise en compte de la théorie psychanalytique veut qu’on s’interroge sur la méthode psychothérapeutique analytique adoptée en art thérapie. En situation individuelle ou groupale, l’offre d’une médiation artistique est-elle une variance, une alternative ou un détournement du dispositif princeps de la cure-type ? (Vacheret C., Duez B., op. cit.) On conçoit combien il importe de clarifier un certain nombre de points à propos de la clinique médiatisée : l’indication de thérapie individuelle ou groupale, les règles qui structurent la séance, la question de l’interprétation, le rôle de l’objet de médiation dans le cadre de la relation transférentielle et contre-transférentielle, la dynamique et le processus thérapeutique à l’œuvre en lien avec les notions de sublimation, de création et la place accordée à la verbalisation dans le processus thérapeutique.
Par ailleurs, l’intérêt de ce modèle est qu’il peut être rattaché à une perspective historique et s’étayer sur un corpus théorique cohérent. En effet, la clinique médiatisée trouve son origine dans la psychanalyse d’enfant avec Anna Freud, Mélanie Klein, Sophie Morgenstern, D. W. Winnicott, Marion Milner, Gisela Pankow (Brun A., 2006). Il existe donc une « tradition » construite progressivement à partir de l’introduction du dessin en thérapie d’enfant vers une théorie de la transitionnalité et l’usage d’un médium « malléable » (MIilner M., 1976 ; Roussillon R., 1991) ayant fonction de matière à symbolisation (Chouvier B., 1998). Il existe un corpus de concepts opératoires fondés sur la clinique, applicables à ce qu’il conviendrait d’appeler l’art thérapie analytique.
L’attachement à un modèle ou sa prévalence sur d’autres renvoie au propre système de valeurs de l’art thérapeute, à ses convictions quant à l’efficacité de telle méthode, au tri qu’il a lui-même effectué lors de sa formation, à son histoire personnelle, au public accueilli, à l’institution dans laquelle il intervient et, bien sûr, à la position professionnelle qu’il occupe, selon qu’il est psychiatre, psychologue clinicien(ienne), psychomotricien(ienne), infirmier(e), éducateur(-trice) spécialisé(e), etc. En réalité, si chaque art thérapeute va privilégier un modèle, il s’autorise souvent à combiner ces modèles selon les circonstances déterminées par le cadre de son action. Ce qui n’est pas sans risque de confusion et peut menacer un dispositif de soin en raison de la précarité du dispositif théorico-clinique.
En outre, le constat actuel, en ce qui concerne la pratique institutionnelle, comme le précisent Lorenzetti & Russo (2003), c’est plutôt l’extrême parcellisation dans le domaine des groupes thérapeutiques à médiation artistique. Ces deux auteurs soulignent, à propos des ateliers d’art thérapie, que l’intervention est souvent au service de l’instrument et non l’inverse. Ainsi, l’instrument est considéré comme le dispositif thérapeutique. Ce qui, bien sûr, conduit parfois à une profusion de termes associant l’instrument ou le support avec le mot « thérapie ». Exemple : hippothérapie, la théâtrothérapie, olfactothérapie, la floro-thérapie, culino-thérapie, etc. C’est, je crois, le résultat d’un gauchissement de la notion de thérapie institutionnelle, celle-ci étant à l’origine fondée sur l’idée que chacun, en raison de sa fonction et selon sa place, participait à la thérapie dans l’institution soignante. Dans les groupes d’art thérapie, la production du groupe est souvent mise en avant au détriment des processus de groupe, par méconnaissance de la spécificité du fonctionnement psychique des groupes à médiation.
Là encore, il se peut que les modèles de type cathartique, réparateur, éducatif ou analytique, traversent l’institution de façon implicite ou explicite et mettent à l’épreuve l’identité de l’art thérapeute. Quel est le degré de liberté de celui-ci dans l’exercice de son activité ? Quels sont les rôles choisis ou prescrits auxquels l’art thérapeute doit répondre au sein des institutions ? En effet, il peut être perçu comme un chaman, un soigneur, un thérapeute, un animateur, un artiste… et, parfois, tout ça à la fois !
Un troisième niveau, sociétal
J’ai mentionné, plus haut, ce qu’il y a de surprenant dans l’intérêt actuel pour la pratique de l’art thérapie. On peut supposer que nous sommes dans un moment où l’art thérapie, comme pratique sociale nouvelle, tente de s’institutionnaliser. Il y a également une curiosité grandissante du public à propos de l’art à l’hôpital, des ateliers thérapeutiques, de l’art asilaire, etc. En témoignent les nombreuses expositions, catalogues, articles de journaux. Enfin, l’art, en tant que moyen d’expression de la singularité de la personne, se propose, au travers des stages dits de « développement personnel », des ateliers socio-thérapeutiques, à favoriser la confiance en soi, restaurer l’estime de soi, « narcissiser » le sujet.
D’où l’interrogation suivante : En quoi l’art thérapie, dans sa pratique comme dans les représentations qui s’y rapportent, peut-elle être sous l’influence de normes édictées socialement ? Autrement dit, la question subjective de la construction de l’identité de l’art thérapeute relève également d’une dimension collective en référence à des représentations sociales ancrées dans des pratiques et des institutions traversées par les conceptions actuelles de la culture, de l’art et de la santé mentale.
Comme l’a montré le sociologue A. Ehrenberg (ibid.), l’initiative personnelle représente aujourd’hui le modèle du comportement adapté et le nouveau mode de pouvoir. La personne n’est plus agie par un ordre extérieur, selon des règles d’autorité aujourd’hui considérées comme obsolètes, mais doit agir sur un ordre personnel. De façon de plus en plus insistante, la norme sociale exige de l’individu contemporain autonomie et initiative personnelle. L’individu est sommé d’être l’entrepreneur de sa vie. L’idéologie de la performance et de la réussite nécessite pour chacun d’être l’auteur de sa vie, nécessairement responsable, souple, actif et créatif. L’injonction de réussite en tant que modèle normatif qui implique l’initiative et la prise de risque individuelle s’est substituée à la norme traditionnelle du respect de l’autorité et des interdits. L’individu se conçoit comme un potentiel à exploiter. Fatigue, inhibition, insomnie, anxiété, aboulie, dépression, hyperactivité, addiction… autant de symptômes qui traduisent, selon Ehrenberg, le déficit du sujet à répondre aux exigences sociales de l’individualisme de masse. Les dépressions et les pathologies narcissiques auxquelles les cliniciens sont très largement confrontés témoigneraient de ce qu’Ehrenberg appelle « un sentiment d’insuffisance » (Ehrenberg A., op. cit.). La montée de l’individualisme a pour corollaire l’incertitude de la réussite et la fragilité identitaire. On attend du médicament qu’il rebooste le patient et de la psychothérapie qu’elle pallie l’insécurité identitaire.
Dès lors, on peut s’interroger sur ce qui se diffuse de la norme au travers de l’art thérapie dans et hors du contexte de l’institution soignante. D’un côté, l’usage des antidépresseurs, anxiolytiques et autres médicaments agissant sur l’humeur du sujet, de l’autre la mise en place d’ateliers de groupe ou de psychothérapies individuelles favorisant les capacités d’initiative et de créativité du patient. L’atelier d’art thérapie serait-il l’inverse symétrique et complémentaire des techniques chimiothérapiques qui visent, elles, à intervenir au niveau biologique sur l’humeur du sujet ? L’activité artistique serait-elle une sorte de stimulant de la personne confrontée à son propre vide et sa « fatigue d’être soi » (Ehrenberg A., op. cit.), dans le cadre d’une médecine visant à réhabiliter le sujet aux normes de réussite et de créativité ?
On s’interrogera donc sur une pratique thérapeutique qui peut être comprise comme une « médecine » douce, axée sur la question de la créativité, dans le cadre d’une psychopathologie de la vie quotidienne qui a érigé la triade dépression/anxiété/addiction en une pathologie de l’individualité. Comme le souligne Alain Ehrenberg (1999) : « Les médicaments ne sont qu’un aspect d’un développement généralisé de technologies identitaires, d’industries de l’estime de soi, de marchés de l’équilibre intérieur tout à fait hétéroclites (des renouveaux religieux aux nouvelles molécules en passant par l’hypnose ou le cri primal). Ils sont promis à un bel avenir. » Est-ce aussi celui de l’art thérapie ? ?
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