Fernando Bayro-Corrochano
psychanalyste-sculpteur, Chargé d’enseignement et coresponsable pédagogique du D.U. Art et Médiations Thérapeutiques de l’Université Paris VII, 6 Quai des Celestins 75004 Paris.
Champ psy
2001/3 (no 23)
Pages : 170
ISBN : 9782913062542
DOI : 10.3917/cpsy.023.0117
Éditeur : L’Esprit du temps
Dans l’entre-deux de la rencontre du sujet et du psychothérapeute, nous plaçons les arts plastiques là où la parole fait défaut. Non seulement dans le cas des psychoses, là où le sujet bute sur l’impossible à dire, mais également dans les structures symptomatiques où l’écart entre l’univers sensoriel et le langage est trop grand. Le ressenti du corps s’accentue là où l’angoisse reste irreprésentable dans l’impossibilité d’être signifiée. L’expression plastique permettra de dire autrement ce qui est dit en souffrance.
Il s’agira enfin de faire advenir une demande thérapeutique là où il n’y en a pas. Cette utilisation thérapeutique des arts plastiques peut être faite aussi bien en situation de groupe qu’en situation individuelle.
Notre propos sera d’interroger l’interaction de la Psychanalyse et des Arts plastiques. Nous souhaitons également insister sur la pertinence de l’utilisation de ces derniers en tant que médiateurs thérapeutiques. Cette interaction permet en effet la circulation du réel, du corps pulsionnel, du plus intime dans le discours du sujet qui créé alors une œuvre plastique dans un lien transférentiel. Cet univers de l’intime est lié au fantasme inconscient. Le travail thérapeutique, avec le support des arts plastiques, consistera en une réappropriation de cet intime.
Plus qu’une interrogation sur une « psychanalyse appliquée » ou un savoir psychanalytique calqué sur un champ de la culture, notre intérêt sera de préciser, à partir de l’expérience clinique, quelques principes de l’utilisation des arts plastiques, comme la peinture, le dessin et le modelage, dans la psychothérapie.
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Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »
Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »
décembre 1998
« Je me suis intéressée à l’art-thérapie suite à un traitement que j’ai suivi pour guérir d’un cancer du sein. Durant ma convalescence, dans l’espoir d’expulser définitivement la tristesse qui m’habitait, j’ai fréquenté un stage de thérapie par le modelage. J’ai vécu mon expérience la plus forte lorsqu’il m’a été demandé de façonner dans l’argile, les yeux bandés, un personnage me représentant. Le résultat final m’a horrifiée et m’a fait fondre en larmes. Maigre, le corps marqué de trous, la tête partagée en deux, cette représentation sentait les métastases et la souffrance. J’étais persuadée que cela présageait une mort prochaine. L’art-thérapeute m’a alors écoutée vider toutes les peurs que j’avais accumulées en moi.
Sa recommandation ? “Mets cette statue dans un chiffon mouillé et emmène-la chez toi pour lui donner l’allure que tu souhaites.” J’ai ainsi retravaillé durant six semaines. A mon rythme, j’ai bouché les trous, lissé les surfaces… Masser cette poupée de terre était une façon détournée de prendre soin de moi. Mais le plus agréable à mes yeux était cette joie qui me gagnait au fur et à mesure du rétablissement de mon personnage, de ce prolongement de moi. »
Indication
Evidemment, l’art-thérapie est particulièrement indiquée pour les enfants chez lesquels l’introspection est souvent difficile, comme pour les adolescents, souvent réfractaires à l’approche psychothérapeutique classique. Chez les adultes, outre le fait qu’elle permette dans tous les cas d’accéder à une meilleure connaissance de soi, la méthode se révèle très bénéfique pour les personnes éprouvant des difficultés à fouiller leur problématique par la parole ou qui, au contraire, parlent facilement d’eux sans jamais progresser.
L’art-thérapie donne aussi d’excellents résultats avec les grands malades qui expriment alors leurs douleurs, avec les toxicomanes, les détenus ou les marginaux pour qui la création d’une œuvre induit une revalorisation d’eux-mêmes, mais aussi les personnes âgées dont la création répond, entre autres, à un besoin de reconstruction par la rétrospective de leur vie avant de mourir.
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Salima
Salima, 32 ans, souhaite renouer avec ses émotions et sa créativité. Ariane Walker, thérapeute, l’y a aidé (Atelier Le fil d’Ariane. Rens. : 01.48.59.44.98.)
Première séance :
« Il y a six pièces, explique Salima, et on est six enfants… — Moi, j’en compte sept, répond la thérapeute, il y a celle où tu as signé. — C’est vrai. Nous étions sept. Un frère est mort avant ma naissance. On ne parle jamais de lui… »
Deuxième séance :
Salima décrit ce dessin comme un visage alors qu’il est fragmenté, en vrac. Un trait noir et épais entoure chaque élément mais ne contient ni ne délimite aucun visage.
Troisième séance :
« C’est le mal/mâle qui pleure », commente Salima. Une structuration du visage apparaît mais toujours pas de contenant. Les émotions surgissent. « Mon père ne voulait pas qu’on pleure, il nous a élevées comme des garçons. »
Sixième et dernière séance :
Pour la première fois, le visage se reconstruit. Le trait, allégé, le contient et le limite en le rattachant, d’un seul geste, à une ébauche de corps. « Je suis endormie, il faut que je me réveille », dira-t-elle.