Un chercheur français s’intéresse aux cerveaux des pédophiles

Logo-L'obs-rue-89Nolwenn Le Blevennec | Journaliste Rue89

18/06/2015

Serge Stoléru a utilisé la neuro-imagerie pour étudier les cerveaux de 40 patients pédophiles. Il voudrait que cette population, dont « une partie souffre authentiquement », intéresse plus les pouvoirs publics.

En septembre 2014, Rue89 publiait l’article « Se découvrir pédophile à 15 ans et tout faire pour en rester là ».

Alphonse et Bastien, les deux jeunes hommes que nous avions rencontrés, racontaient leurs fantasmes et leur solitude. Ils se posaient aussi des questions sur l’origine de leur pédophilie.

Bastien pensait à un traumatisme psychologique :

« Je n’ai pas le souvenir d’avoir été abusé sexuellement. Mais je me dis que j’ai probablement vécu un traumatisme qui m’a rendu aussi timide et qui m’a perturbé sexuellement […]. J’ai appris récemment qu’un membre de ma famille proche avait subi des attouchements sexuels. J’ai le souvenir d’avoir assisté à l’une de ces agressions, quand j’étais à la maternelle. Sans l’avoir vraiment compris. Je ne sais pas si tout ça peut être relié à ma sexualité aujourd’hui. »

Tandis qu’Alphonse se demandait si sa pédophilie n’était pas le fait d’un traumatisme crânien, avec perte de connaissance, qui avait eu lieu dans son enfance.

Tous les deux auront peut-être des éléments de réponses d’ici la fin de l’année.

Serge Stoléru, chercheur de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui travaille sur les désirs sexuels, vient de terminer la collecte des données d’une étude sur les cerveaux de personnes pédophiles (grâce à des techniques de neuro-imagerie fonctionnelle). D’ici la fin de l’année, il devrait communiquer les résultats de son travail. En attendant, il nous présente son travail.

Comment en êtes-vous venu à travailler sur le désir sexuel ?

Ce qui m’intéressait – et ce qui m’intéresse toujours – c’est l’abord psychanalytique, mais j’ai découvert l’existence de deux techniques de neuro-imagerie fonctionnelle (la tomographie par émission de positons et l’IRM fonctionnelle). Ces techniques m’ont paru capables de mettre un peu à l’épreuve la théorie psychanalytique et de comprendre quels étaient les corrélats cérébraux du désir et de l’excitation sexuelle.

Avec quelques collègues et le Cermep de Lyon (centre d’imagerie), nous avons d’abord exploré des volontaires sains, sans problèmes cliniques. Puis, nous nous sommes intéressés à des problèmes de baisse du désir. Enfin, nous avons voulu travailler sur la pédophilie avec le Cermep et le Cenir [centre de neuro-imagerie, ndlr] à l’hôpital de la Salpêtrière…

Pourquoi avez-vous voulu travailler sur cette population ?

Pour moi, il y avait deux raisons. La première, c’est que je suis de formation psychiatrique, avec une spécialité « psychiatrie de l’enfant ». Le fait de m’intéresser aux pédophiles était une façon de prévenir le passage à l’acte et donc la pathologie et la souffrance mentale chez l’enfant victime d’actes pédophiles puis chez la personne qu’il devient.

On sait très bien aujourd’hui, grâce à des études sur des jumeaux notamment, que le fait d’avoir subi une ou des agressions sexuelles dans l’enfance est un facteur de risque de troubles psychologiques chez l’adulte… Les problèmes d’addiction, de dépression, d’anxiété, de troubles de la prise alimentaire, tout cela est multiplié par trois ou par quatre.

La deuxième raison, c’est le fait qu’une partie des personnes qui présentent une pédophilie souffre authentiquement. Donc pour moi, ce sujet de recherche me permettait de faire coup double.

Avez-vous déjà observé la souffrance mentale liée à un abus sexuel ?

Cela m’est arrivé de recevoir en consultation un gamin qui avait été abusé et qui était dans un état de choc traumatique. Complètement perdu. Il faisait des cauchemars et il dessinait des dinosaures avec de grandes queues. Vous voyez les conséquences d’un abus dans les semaines qui suivent ou des années plus tard. Il y a des adultes qui souffrent à distance. Et il y a certainement des cas où il n’y a pas de conséquences dommageables. Cela dépend de la vulnérabilité de chacun, de ce qu’on appelle la résilience.

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