#Outreau entre raison d’État et pseudo science, c’est la parole des enfants qu’on enterre

Logo Mediapart13 janv. 2016
Par
marie-christine gryson
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Le blog de marie-christine gryson

Suite à la diffusion ce 10 janvier sur LCP d’un documentaire sur L’affaire d’Outreau, qui ne tient compte ni de l’avis du contradictoire ni des 12 victimes de viols, reconnues comme telles par la justice, il semble utile de présenter une vison plus objective de cet évènement en rappelant certaines analyses et en présentant les écrits d’un grand pédopsychiatre belge sur cette affaire.

Jean-Yves Hayez est Psychiatre infanto-juvénile, Docteur en psychologie, Professeur émérite à la Faculté de Médecine de l’Université Catholique de Louvain. Il fait autorité sur le sujet de la parole de l’enfant,1 c’est pourquoi le Ministère de la Justice y fait référence dans le Guide relatif à la prise en charge des mineurs victimes publié en Septembre 2015 par la Direction des affaires criminelles et des Grâces. C’est également en référence à ses travaux et mon expérience de plus de mille expertises d’enfants victimes avérées que j’ai pu lors de mon audition en tant qu’expert au procès de Rennes (Outreau III), expliquer qu’un enfant ne se trompe pas d’agresseur dans les conditions que j’ai déterminées.

Le Professeur Jean Yves Hayez m’a fait l’honneur de préfacer mon ouvrage « L’enfant agressé et le Conte créatif »2. En voici un extrait qui nous donne une explication édifiante sur les mécanismes relatifs à la raison d’État et aux idéologies qui dénient l’expertise des spécialistes en matière d’agressions sexuelles en lien avec l’affaire d’Outreau.

« Le plus consternant à propos de nombre d’agressions perpétrées par des adultes, des individus et sociétés, c’est notre aveuglement, notre besoin de les dénier, et les moyens parfois malhonnêtes et pervers que nous utilisons pour y parvenir !

Quand nous agissons de la sorte, nous assassinons définitivement l’espérance des enfants victimes : en leur refusant l’aide à laquelle ils croyaient avoir droit, en en faisant des fabulateurs déséquilibrés mentaux, des non-fiables à jeter éventuellement en pâture à la presse, alors qu’ils ont pris le risque de parler, c’est nous qui leur portons le coup de grâce, là où leurs agresseurs directs les avaient « simplement » déchirés. Et beaucoup d’enfants ont l’intuition de cette lâcheté ou de cette impuissance ; c’est une des raisons pour lesquelles ils s’emmurent prudemment dans le silence pour supporter, seuls, d’interminables agressions.

Au-delà des cocoricos officiels, sommes-nous si sûrs que nos lendemains seront plus courageux ? Dans son ouvrage, Marie-Christine Gryson expose à plusieurs reprises deux mécanismes toujours à l’œuvre par lesquels les sociétés se protègent pour ne pas remplir leur devoir d’aide. À plusieurs reprises, parce qu’elle aussi a été blessée, traumatisée au plus profond de son âme et de son honneur par le jeu de ces mécanismes parfois injustes. Prise pour cible avec d’autres experts de renom (mais très contestés par les spécialistes en victimologie) dans la tourmente d’Outreau et réduite à l’impuissance – provisoirement rassurez-vous -, elle a vu partir à la dérive, vers d’horribles gueules dévoratrices, un certain nombre d’enfants qu’elle aurait tant voulu aider. Alors elle se remet debout et dénonce, et elle a mille fois raison de la faire !

Quels sont ces ceux mécanismes ? Le premier, c’est la raison d’État, la préséance absolue accordée à la raison D’État. L’État ici, ce peut être le principe organisateur d’une grande nation comme la France, mais, au sens large du terme, ce peut être aussi le cœur des grandes institutions comme les Églises, l’Armée, l’Éducation nationale, etc. Il y a quelques années, au nom de la raison d’État, la France, pour donner d’elle l’image d’une nation courageuse et juste, la France donc, a diabolisé et crucifié les enfants d’Outreau et ceux qui les avaient crus. Elle a jeté alors le bébé avec l’eau du bain. Mais au-delà, et plus inconsciemment, l’État a-t-il voulu aussi intimider tous les enfants susceptibles d’être de futures victimes, surtout les petits marginaux, quand ils osent par leurs révélations déstabiliser l’ordre établi ? C’est loin d’être impossible… Les Églises et toutes les autres grandes institutions ont également pratiqué et pratiquent sans doute encore le mensonge, le rejet des victimes ou l’achat de leur silence à coup de dollars pour garder une bonne image d’eux-mêmes. Pour les catholiques, les scandales ont été tels qu’il paraît que c’est fini. Wait and see ! Quelques curés de campagne vont sans doute tomber, mais j’attends de pied ferme la dénonciation et l’incarcération d’un cardinal de la curie romaine que son passé aurait rattrapé…

L’autre mécanisme, c’est le mésusage de la science pour condamner la parole des enfants. Mécanisme au moins aussi redoutable, parce qu’il émane dans un certain nombre de cas de professionnels de bonne foi, mais qui n’ont pas assez d’expériences de rencontres avec des enfants traumatisés, qu’ils sont trop insécurisés par leurs révélations, et qu’ils préfèrent alors penser qu’il ne s’agit que de confusions imaginaires, de fabulations et autres projections liées à l’âge œdipien. A côté des ignorants qui ne peuvent pas se représenter le nombre ni l’horreur des agressions physiques et sexuelles subies par des enfants, il existe malheureusement aussi, en France comme en Belgique, l’un ou l’autre « scientifique » militant au service rigide de l’ordre adulte, qui défend une idéologie sans plus rien écouter. Leurs déclarations se révèlent extrêmement intéressantes pour l’ordre établi qui leur apporte honneur et reconnaissance ; ils passent même pour être des experts internationalement reconnus, mais leurs propos font des dégâts irréparables ! »

Il semble également utile de rappeler que la parole des journalistes n’était pas d’évangile à l’instar des interventions de Florence Aubenas, la représentante la plus emblématique des médias mainstream. Un magistrat très respecté, ancien Président d’assises avec qui j’ai longuement travaillé, a répertorié les multiples mensonges et déformations de la réalité existant  dans son livre « La méprise » publié avant le procès en appel à Paris. Notons qu’étant le mieux placé pour juger de mon travail d’expert il en rappelle le sérieux  dans cet article, sachant pertinemment que les stratégies classiques de la défense consistent à discréditer l’expert pour discréditer la parole de  l’enfant qu’il a validée.

http://www.village-justice.com/articles/MEPRISE-Les-mensonges-Florence,19584.html

Si l’on veut vraiment avoir les éléments du contradictoire qui permettent de se faire son propre jugement, on pourra regarder le documentaire du journaliste Serge Garde « Outreau l’autre vérité » 2013 qui a accepté sa diffusion sur You tube après son passage à la télévision nationale Suisse (diffusé au cinéma en France car les télévisions l’ont refusé) :

https://www.youtube.com/watch?v=6yM4n5fnHiM#t=19

Il comporte en bibliographie l’ouvrage « Outreau la vérité abusée »3 publié en 2009 et  réédité en 2015 en e.book édition revue et augmentée. J’y décrypte les dysfonctionnements des procès rélé-réalité et les phénomènes psychosociologiques ayant conduit à une véritable mystification présentée comme telle – entre autres – en 2011 à l’Institut de Criminologie à Paris II Assas-Panthéon,4 colloque co-organisé avec Gérard Lopez psychiatre expert, Président de l’Institut de Victimologie.Tandis que les processus pervers5 qui ont sous-tendu le traitement de cette affaire étaient présentés au Colloque du REPPEA6 en Avril 2015.

C’est cette réédition juste avant le procès de Rennes et la publication sur « Village de la Justice » d’un article qui remet en cause le recours à l’hypothèse virtuelle des faux souvenirs, théorie anti-victimaire, 7 pour ne pas donner droit aux victimes, qui m’ont valu de ne pas être ré-inscrite sur la liste des experts permanents pour « manquement à l’obligation de réserve », mais je peux toujours faire des expertises en prêtant serment.

https://blogs.mediapart.fr/jacques-cuvillier/blog/011215/outreau-entre-lethique-et-lobligation-de-reserve-lexperte-choisi-lethique

Et enfin si l’on souhaite avoir une documentation complète sur tous les dossiers officiels complémentaires, on peut par exemple explorer le site : « l’affaire d’Outreau pour les chercheurs de vérité » : http://demystifier-outreau.nerim.net/

NB J’étais la plus exposée aux stratégies de discrédit de la défense étant la seule a avoir expertisé au plus près des faits tous enfants d’Outreau. Les 7 autres experts qui ont expertisé 1 ou 2 d’entre eux, et qui ont confirmé mes conclusions les ont examinés plus tardivement. Les 34 expertises sont allées dans le même sens. Et c’est en reprenant sans pédagogie les contre-vérités de la défense relayées par les médias, que viennent hurler avec les loups aussi bien les défenseurs de la doxa que des personnes sincères qui n’ont connaissance ni du dossier (il fait 30.000 pages), ni des livres qui relatent ce qu’il s’est réellement passé dans ces procès téléréalité.8 Quelques professionnels sont également réactifs quand ils n’ont pas pris en considération les méthodologies des expertises alliant les acquis de la recherche scientifique et l’expérience pour utiliser à bon escient les 47 critères d’investigation qui ont été appliqués (publiés dans « L’enfant agressé et le Conte créatif »).

Par ailleurs et malheureusement, le rapport de la Commission Parlementaire qui est une référence journalistique, comporte de grossières erreurs9 : je n’ai pas été récusée et je n’étais pas en conflit d’intérêt (stratégie de la défense) comme l’a montré le rapport d’enquête de l’Inspection des Générale des Services Judiciaires. Pour éviter les polémiques stériles et potentiellement trompeuses pour les lecteurs non avertis, je ferme les commentaires de cet article.

1 « La Parole de l’enfant en souffrance » avec E. De Becker Dunod 2013, etc.

2 C’ est avec cette méthodologie qu’un conte thérapeutique a été proposé aux enfants des victimes des attentats du 13 novembre et pour tous les enfants traumatisés.

3 http://la-verite-abusee.pagesperso-orange.fr/

4 http://la-verite-abusee.pagesperso-orange.fr/articles.html Les actes du Colloque ont été publiés chez Dalloz Volume 10 en 2012

5 Voir : http://www.village-justice.com/articles/affaire-Outreau-ses-processus,19614.html

6 http://www.reppea.org/-propos Les actes du colloques seront publiés chez DUNOD sous la Direction de Eugénie Izard et Hélène Romano en Avril 2016

7 Gérard Lopez « Enfants violés et violentés, le scandale ingoré » DUNOD 2013

8 « Je suis debout » Chérif Delay au Cherche Midi 2011

9 Voir la lettre de PH. Houillon, rapporteur de la Commission Parlementaire sur l’Affaire d’Outreau

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Interview de Julien Mignot – Sept à Huit, sur TF1 – l’affaire « Mannechez » père incestueur

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[Interview] Sept à Huit, sur TF1, revient sur l’incroyable affaire de Gisors, dans l’Eure

L’émission Sept à Huit, sur TF1, revient sur l’affaire « Mannechez », dimanche 3 janvier 2016. Une incroyable histoire d’inceste, puis de double meurtre, dans l’Eure. Interview.

Mise à jour : 03/01/2016 à 19:55 par Briac Trébert

Mardi 7 octobre 2014, fin de journée, dans l’Eure, à Gisors. Un homme tire sur un garagiste, qui s’effondre, touché mortellement au poumon. Puis, il trouve son employée. Elle meurt sur le coup après avoir reçu une balle dans la tempe, et une dans l’épaule. Il vient de tuer sa propre fille, et retourne l’arme contre lui. Héliporté au Centre hospitalier universitaire de Rouen (Seine-Maritime), Denis Mannechez, 52 ans, à l’époque, est toujours dans un état désespéré, en 2015. Il n’a pas supporté que Virginie, 33 ans, le quitte. Car le père et la fille étaient en couple depuis plusieurs années. Ils avaient même eu un enfant ensemble.
La relation incestueuse – ce n’est pas une relation, elle n’était pas consentante, mais sous emprise – s’était nouée dans les années 1990, au sein d’une vaste demeure près de Compiègne (Oise). Denis Mannechez, cadre supérieur, y a élevé, avec sa femme, Laurence, leurs enfants. En 2002, sur dénonciation d’une des deux sœurs Mannechez, une enquête sera ouverte. Elle mettra au jour le dysfonctionnement de cette « famille ». Les deux adolescentes ont des rapports sexuels réguliers avec leur père. Le tout sous le regard de la mère. Une fille expliquera être tombée enceinte trois fois, deux grossesses ayant été interrompues et la troisième s’étant soldée par une fausse couche. Sa sœur, Virginie, elle, gardera l’enfant. En 2011, devant la cour d’assises de l’Oise, puis en 2012, en appel, devant la cour d’assises de la Somme, les deux filles Mannechez se porteront partie civile. Elles ont finalement soutenu leur père…
Condamné en appel à cinq ans d’emprisonnement dont trois avec sursis à Amiens (Somme) en 2012, pour viols et agressions sexuelles sur ses deux filles, Denis Mannechez, qui avait déjà purgé sa peine en détention provisoire, sortira libre du tribunal. Puis, le père et sa fille aînée éleveront leur fils, également petit-fils et demi-frère, ensemble. Jusqu’à ce que Virginie décide de quitter le domicile familial à la fin septembre 2014 avec son enfant, alors âgé de 13 ans. Elle se réfugiera chez ce garagiste, Frédéric Piard, 31 ans. Denis Mannechez le tuera aussi avant de tenter de se suicider.

Normandie-actu. Julien Mignot, vous avez travaillé sur « l’affaire Mannechez » pendant plusieurs mois. Votre long reportage sera diffusé dans l’émission Sept à Huit, sur TF1, dimanche 3 janvier 2016. Comment avez-vous découvert cette affaire, comment la résumer ?
J’ai découvert l’affaire Mannechez, en octobre 2014, lors du dernier drame. En faisant ma revue de presse, tout simplement. Je commence par lire cette affaire comme un drame passionnel classique (l’homme qui tue celui qu’il croit être l’amant de sa femme, sa femme, avant de tenter de se suicider sur les lieux du drame). Sauf que là, l’homme et la femme ne peuvent pas être un couple puisqu’ils sont père et fille. À partir de là, c’est un vertige. Comment cela est-il possible dans notre société ? Surtout que la société et la justice se sont plongées dans cette affaire, pour, au final, rendre une décision assez « illisible »: cinq ans de prison pour le père, dont trois ans avec sursis. Sa peine ferme étant déjà effectuée par la détention préventive. Avec un confrère, nous avons immédiatement senti qu’il y avait forcément beaucoup de choses à découvrir sur la société (face à l’inceste) et sur cette famille, apparemment bien sous tous rapports…

« Une famille bien sous tous rapports »

Normandie-actu. Comment décrire cette famille, justement ? Le papa était inséré, gagnait bien sa vie…
Quand on parle d’une affaire d’inceste, on pense naturellement à une famille isolée des autres, fonctionnant en autarcie. Une famille « paupérisée », une famille où il y a déjà des « problèmes », voire un certain suivi des services sociaux. Or là, pas du tout, c’est une famille « bien sous tous rapports », de l’extérieur, ce qui renforcera notre intérêt. Un père, ingénieur et cadre commercial, considéré comme un excellent professionnel et qui gagne très bien sa vie (100 000 euros/an). Une femme qui ne travaille pas, mais élève une grande famille de cinq enfants, tous très beaux. La mère était très présente au niveau scolaire : elle donnait des vêtements, participait aux activités extérieures… La famille « idéale » pour les services sociaux. Extérieurement, les parents faisaient tout pour coller à leur modèle : la famille Kennedy. Mais une fois les portes fermées, l’ambiance était tout sauf normale : la famille ne mangeait, par exemple, jamais ensemble à table (sauf une fois par an, à Noël). Plus grave, les enfants vivaient un véritable enfer fait de brimades et de punitions disproportionnées. Une emprise totale orchestrée par le père et acceptée par la mère. Ce qui a permis de franchir le pas supplémentaire de l’inceste avec les deux grandes filles. Une famille totalement sous emprise où règnent le silence et la peur. Un modèle très destructeur.

« La grossesse a été menée discrètement »

Normandie-actu. Il y a eu d’incroyables ratés dans cette affaire, non ? Deux procès en 2011 et 2012, puis un double meurtre en octobre 2014, à Gisors, dans l’Eure…
La société ne veut pas voir l’inceste, car c’est difficilement imaginable. Nous ne sommes sans doute pas assez armés pour repérer ce genre de famille. Ce n’est pas forcément des ratés, c’est une succession d’occasions manquées pour que la vérité voit le jour. Chaque fois qu’il y a eu des suspicions à l’école, la mère, Laurence, intervenait pour donner le change. Betty, la cadette, présente beaucoup de bleus, c’est un « garçon manqué » qui se bat et qui se cogne partout, argumente la maman… À plusieurs reprises, les deux filles ont fait des fausses couches, voire des IVG, à chaque fois le « discours » à donner aux médecins et au psy de l’hôpital était préparé et appris. Et on changeait d’hôpital à chaque fois, histoire de brouiller les cartes si besoin. Quand Virginie, l’aînée, est tombée enceinte à 19 ans, et que, cette fois, l’enfant était voulu et attendu par le patriarche, la grossesse a été menée discrètement (il ne fallait surtout pas faire de caryotype du bébé, les médecins se seraient aperçus de la consanguinité)… Par contre, une fois que Betty la cadette a tout dénoncé en 2002, la justice s’est penchée sur cette affaire, elle avait alors toutes les preuves, le dossier était « béton »… Il a suffi que les enfants, manipulés par le père, soient poussés à revenir sur leurs déclarations les plus graves pour que la peine infligée aux parents soit dérisoire. Nous avons rencontré, ou eu par téléphone, plusieurs témoins de ces deux procès à huis clos, dont des magistrats. Tous s’accordent pour parler d’un raté judiciaire. Comme Denis Mannechez ressortait libre, main dans la main avec sa fille Virginie, c’est un peu comme si la société lui donnait le droit de vivre cette relation totalement déséquilibrée. D’où sans doute ce drame à Gisors, dans l’Eure, deux ans plus tard.

Normandie-actu. Vous avez rencontré longuement la fille cadette, qui a tout « balancé »… Que retenez-vous de ces entretiens ?
Nous avons rencontré la fille cadette de la famille, Betty. Elle est la personne centrale de toute cette affaire. Elle a été victime des violences et des abus du père, entre l’âge de 8 ans et sa majorité. Une fois adulte, c’est la seule qui a eu le courage de dénoncer la première tout ce qui se passait au sein de cette famille. En dénonçant, elle était persuadée de libérer tout le monde et surtout sa sœur, Virginie, de l’emprise paternelle. Elle se l’était promise quand elles étaient adolescentes et complices. Sauf, qu’entre temps, Virginie a eu un enfant, avec son père. Et que cet enfant a été placé temporairement à ce moment-là. Betty rencontre Virginie, elle s’attend à être félicitée (il faut beaucoup de courage pour oser dénoncer sa famille), or, elle retrouve une grande sœur, qui refuse maintenant d’être sauvée, comme la victime d’une secte (qui pratique le même type d’emprise). Elle est résolue ou résignée à être la femme de son père. Donc Virginie supplie Betty de revenir sur ses aveux ou elle ne lui parlera plus jamais. Betty, en femme de cœur, va accepter de se parjurer, de mentir pour sauver le semblant de famille auquel elle est attachée : sa sœur aînée. Pendant les 10 années qui séparent la dénonciation des procès (et cette durée est une erreur de la justice), il y a d’incroyables tractations et manipulations familiales pour que toutes les versions collent à celle du père. Rencontrer Betty est et restera un des grands moments de notre vie de journaliste. Elle a mis longtemps à nous faire confiance, mais une fois en confiance, elle s’est livrée. Et on a pu vérifier et confirmer tout ce qu’elle nous a dit avec tous les témoins que nous avons contactés. Son histoire est incroyable et elle nous interroge, nous, société, face à ces familles murées dans le silence qui vivent l’inceste. Comment éviter de tels drames ?

Normandie-actu. Justement, depuis plusieurs années, des associations essaient de faire rentrer le délit d’inceste comme un délit en soi…
Je ne suis pas spécialiste du problème de l’inceste, mais l’histoire Mannechez illustre parfaitement ce que défendent toutes ces associations qui veulent faire rentrer l’inceste dans le Code pénal. Un enfant n’est jamais consentant. En tout cas, Betty et Virginie, à 8-10 ans et après ne l’étaient pas du tout. C’est une certitude.

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