page 138Une réaction de stress sévère ou prolongée provoque une production importante de corticoïdes par les glandes surrénales. Leur effet toxique sur l’hippocampe entraîne l’atrophie de nombreux neurones, altérant la mémoire autobiographique (ou explicite), celle qui enregistre le contexte. Les souvenirs traumatiques ne pouvant être intégrés sont alors constitués d’images, de sensations et d’émotions intenses et fragmentaires, rarement associées à un contenu verbal, narratif qui est alors généralement assez pauvre.
Ceci semble traduire l’échec de la mémoire explicite à faire son travail d’intégration de l’événement traumatique.La mémoire implicite reste fonctionnelle. C’est elle qui enregistre les émotions, les sensations et les réactions du corps lors de l’événement traumatique l. Si bien que plus tard, dans certaines situations, la victime pourra ressentir des émotions, des sensations et avoir certains comportements, mais être incapable d’en comprendre les raisons.Les études faites chez des individus ayant vécu un traumatisme montrent qu’aucun d’entre eux ne se rappelle avoir pu en faire un récit cohérent, tout de suite après. Mais tous, quel que soit leur âge au moment du traumatisme, s’en souviennent au début sous la forme de flash-back émotionnels et sensoriels (images, sons, odeurs, sensations corporelles). C’est lorsque ces intrusions sont à leur maximum et que toutes les sensations apparaissent que le souvenir sous forme d’un récit peut enfin commencer à émerger.Malheureusement, malgré le développement d’un récit de l’expérience traumatique, la plupart des victimes continuent d’en souffrir même après de nombreuses années 2En d’autres termes, les victimes ne peuvent pas relier tous les éléments du souvenir pour les intégrer dans un ensemble cohérent, unifié, évolutif, comme c’est le cas lors d’un souvenir non traumatique.D’où trois conséquences, confirmées par les observations cliniques :• Tenter d’accéder au souvenir traumatique, en faisant appel à la mémoire autobiographique pour créer un récit cohérent de ce qui a été vécu, ne sera pas très efficace.• Certaines sensations, identiques à celles qui ont été mémorisées lors du traumatisme, pourront permettre l’accès au souvenir : par exemple, l’odeur d’un parfum peut réactiver le souvenir d’un viol des années plus tard.• Enfin, ces souvenirs traumatiques pourront être plus facilement accessibles dans un état hypnotique, puisque l’induction hypnotique provoque un état de dissociation.
1. Van der Kolk B.A., «The body keeps the score: memory and the evolving psychobiology of posttraumatic stress», Harvard Review of Psychiatry, 1994, 1 : 253-265.
2. Van der Kolk B. A., Fisler R., «Dissociation and the fragmentary nature of traumatic memories : overview and exploratory study», Journal of Traumatic Stress, 1995, 8 (4) : 505-525.
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