Psychothérapie d’enfants victimes de maltraitance au sein de la famille

Psychothérapie d’enfants victimes de maltraitance au sein de la famille et travail du secret
Par Tiphany Perpete
07/08/2015
Dans la pratique psychothérapique auprès d’enfants victimes de maltraitances, le thérapeute se voit régulièrement confronté à la question du secret. Conflit de loyauté, emprise parentale…

L’alliance dans la néoréalité

Différents acteurs du champ médico-social traitent ces notions. De son côté, l’alliance dans la néoréalité impliquée par le rapport déviant à la loi ne s’arrête pas aux murs du domicile parental. Elle ne s’arrête pas non plus aux relations des uns avec les autres ni à ce que l’enfant pourra, lui-même, proposer à ses pairs lorsqu’il les rencontrera. L’alliance s’enkyste au plus profond des liens familiaux. Elle vient définir l’histoire en elle-même. Les naissances et le développement des enfants prennent place et s’élaborent au milieu de tissus dont on ignore toujours la consistance exacte.

Le secret y est fondamental

Or, à l’heure des « bonnes pratiques » recommandées par la Haute Autorité de santé autour des révélations de maltraitances [1 ] où se trouve la réflexion quant à leur impact sur l’enfant ?
Que deviennent les mots prononcés par l’enfant ?
Dans une société où les mots prennent et perdent leur sens à l’instant même où ils sont prononcés, quelle valeur a le dire de l’enfant dans la durée ?
Celui de l’adulte ?
Par ailleurs, dans quel cadre sommes-nous invités à tout dire ?
Enfin, sommes-nous bien certains d’être au moins un peu « au clair avec ça » ?
Ainsi, et c’est là l’objet de ce texte, il importe de s’intéresser aux bénéfices du « dire le secret » pour un enfant intégré à un dispositif de soin psychothérapique, mais aussi de s’inquiéter des conséquences probables de la libération de la parole, notamment sur la place de l’enfant dans sa famille.


[1] Haute Autorité de santé (has), « Maltraitance chez l’enfant :…,
Perpete, T. (2015). Psychothérapie d’enfants victimes de maltraitance au sein de la famille et travail du secret. Dialogue, 209(3), 109-120. doi:10.3917/dia.209.0109.

Pour joindre l’article, cliquez sur le logo de cairn info

Yann Moix, le révisionnisme familial face à la maltraitance

Yann Moix, ou l’exemple remarquable du révisionnisme familial face à la maltraitance
Les blogs
27/08/2019
Ce que les débats actuels autour du témoignage de Yann Moix révèlent c’est cette incapacité de notre société à penser la réalité de la maltraitance des enfants.
Par Hélène Romano
Docteur en psychopathologie au CHU Henri Mondor à Créteil

Ma pratique clinique s’inscrit en lien avec des activités de recherche et des partages de connaissances : conférences, enseignements dans différentes universités, colloques scientifiques, publications de près de trente livres et parution de plus de 300 articles dans des revues scientifiques référencées et des journaux grand public.

Le père et le frère dénoncent des allégations mensongères

La publication récente du dernier ouvrage de Yann Moix relatant les violences qu’il aurait subies dans son enfance. Cela a immédiatement conduit son père puis son frère à s’insurger. Ils dénoncent des allégations mensongères. Il n’aurait rien subi de grave. Il aurait tout inventé et ce serait lui qui aurait commis des violences de toutes sortes sur son frère ; son père n’ayant pas eu d’autres solutions que d’être “sévère” à son égard.
Les exemples des sévices cités par Yann Moix sont tellement impensables qu’ils nous confrontent à l’indicible et qu’il est bien plus supportable, psychiquement, de se dire qu’ils n’ont pas été commis. De victime, il devient donc “menteur”, “affabulateur”, “enfant ingrat face à des parents qui expliquent l’avoir assisté financièrement pendant des années”, etc.

Pourtant…

La prise en charge des enfants maltraités nous permet de savoir combien ce type de violences existe. Si souvent aucun professionnel n’intervient par banalisation, crainte de représailles, difficultés à croire que des parents qui paraissent si adaptés puissent dans le huis-clos de leur famille devenir de véritables bourreaux. Ces enfants grandissent donc comme ils le peuvent et dans un isolement total. Certaines fois en agissant sur leur fratrie ou sur leurs pairs des violences pour se dégager de l’impact traumatique des violences subies. Que Yann Moix soit accusé par son frère de violences n’est donc pas si surprenant s’il subissait des maltraitances parentales. Ces actes ne seraient qu’un symptôme réactionnel à ce qu’il subissait.

Le retournement de la culpabilité

Ce qui est significatif dans les débats actuels c’est ce retournement de la culpabilité sur celui qui révèle. Il devient désormais le mauvais objet, celui qui ose dire la vérité et qui va payer très cher pour cela.
Combien d’enfants malmenés, maltraités voire abusés dans des familles “bien sous tout rapport”, se retrouvent à l’âge adulte totalement rejetés par leur famille. Ils sont réduits à l’état d’objet expiatoire de proches incapables de la moindre remise en cause ?

Le révisionnisme familial conduit les parents à ne jamais se remettre en cause.

Ils affirment que leur enfant est un menteur, qu’il “exagère”. Ils prétendent qu’il a de faux souvenirs voire affirment qu’il présente des troubles psychiatriques. Stratégie identique relevée chez les auteurs et chez les avocats de personnes mises en cause dans des violences faites aux enfants.
Ce que les débats actuels autour du témoignage de Yann Moix révèlent c’est cette incapacité de notre société à penser la réalité de la maltraitance des enfants. Derrière les beaux discours politiques et les innombrables campagnes dites de prévention menées, la réalité sur le terrain reste la même. Elle est celle d’enfants sacrifiés au déni sociétal, d’adultes maltraités, d’enfants condamnés au silence et d’auteurs impunis.

Cette réalité dérange.

Elle conduit tant d’enfants et d’adultes maltraités à se taire, se mettre en danger, se faire souffrir par des conduites addictives de toutes sortes.
Yann Moix a survécu, à quel prix ? Seul lui le sait. Mais tant d’autres n’ont pas eu cette force. Ils ont terminé entre quatre planches de sapin par désespoir d’être rejetés, incompris. Ils sont irrémédiablement étrangers à ce monde qui ne veut pas entendre réellement leur souffrance. Combien d’enfants sacrifiés faudra-t-il encore pour que notre société prenne enfin soin des enfants maltraités ?
Révisionnisme familial face à la maltraitance

Pour aller sur l’article, cliquez sur le logo du huffingtonpost