Agressions sexuelles : trois juges pour la nouvelle affaire Lavier

Logo-Pedopolis

Agressions sexuelles : trois juges pour la nouvelle affaire Lavier

11 juin 2016

L’acquitté d’Outreau Franck Lavier a été mis en examen pour viol et agressions sexuelles sur sa fille de 16 ans.

Franck Lavier n’en a pas fini avec la justice. Cet acquitté d’Outreau, innocenté en 2005 après avoir été emporté par le maelström de ce naufrage judiciaire, est à nouveau en délicate position. Conformément aux réquisitions du parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), le père de famille de 38 ans a été mis en examen vendredi pour viol et agressions sexuelles sur sa fille de 16 ans à l’issue de quarante-huit heures de garde à vue. Placé sous contrôle judiciaire, il a interdiction de rentrer chez lui et d’approcher ses enfants.

La mise en cause de cet homme fruste intervient à l’issue d’une enquête express. Les faits dénoncés par Carla*, sa fille aînée, se seraient produits au début du mois. Des agissements répétés  — plusieurs agressions sexuelles et un viol — mais sur une période très courte. Des attouchements dont l’adolescente se serait plainte dans le cadre scolaire. C’est d’ailleurs à la suite d’un signalement de l’Éducation nationale au parquet que les enquêtes ont été déclenchées il y a quelques jours. Dans ce dossier où aucune preuve matérielle ne peut être déposée, l’enquête s’annonce forcément difficile. Devant les policiers, Franck Lavier a contesté ces accusations. « Il nie farouchement », martèle son avocate, Me Fabienne Roy-Nansion. Il a en revanche souhaité garder le silence lorsqu’il a été présenté au juge lors de son interrogatoire de première comparution.

Le fantôme du fiasco d’Outreau

La justice a en tout cas décidé de prendre toutes les précautions avec ce suspect sensible puisque trois juges d’instruction ont été désignés pour conduire l’enquête. « Deux d’entre eux quittent le tribunal en septembre et seront remplacés par des magistrats sortis d’école. On s’est assuré qu’un magistrat puisse assurer la continuité », relate une source proche du dossier.

Une explication juridiquement sensée mais qui dénote d’une particulière attention. Le fantôme du juge Burgaud, tristement célèbre pour avoir instruit l’affaire d’Outreau alors qu’il occupait son premier poste à la sortie de l’École nationale de la magistrature, n’a pas complètement disparu du tribunal.

Des précautions ont aussi été prises concernant les experts désignés pour évaluer Carla et son père. « Ils seront tous extérieurs à la cour d’appel », annonce une source judiciaire. Lors de l’affaire d’Outreau, le travail de plusieurs d’entre eux avait été mis en cause. « Quand on paye des expertises au tarif d’une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage », avait lancé l’un d’eux au procès, provoquant un scandale.

Un juge des enfants a également été désigné. Carla est placée depuis la révélation de ses accusations. Une mesure d’assistance éducative a en outre été prononcée à l’égard des trois autres enfants du couple. Sandrine, l’épouse de Franck, qui fait elle aussi partie des acquittés d’Outreau, a été entendue dans le cadre de cette enquête mais comme simple témoin. En 2012, les époux Lavier avaient été condamnés à dix et huit mois de prison avec sursis pour des faits de maltraitance sur deux de leurs enfants, dont Carla. Dans cette famille, le cauchemar d’Outreau est décidément sans fin.

* Le prénom à été changé.

Pour lire l’article, cliquez sur le logo de Pédopolis

Outreau 3 (Jour 13) Réactions de Jonathan Delay suite au verdict d’acquittement de Daniel Legrand

Logo-Pedopolis5 juin 2015
Retanscription :
PP : Jonathan, bonjour
Jonathan : Bonjour
PP : Nous sortons des 3 semaines de procès de Daniel Legrand, il vient d’être acquitté. Déjà, comment vous sentez-vous ?
Jonathan : J’ai pris une claque, après qu’on nous ait annoncé le verdict. Un verdict que je n’ai pas compris mais que j’accepte, parce que je n’ai pas d’autre choix que de l’accepter. Ce que je trouve regrettable c’est qu’on ne nous ait pas lu les conclusions des jurés, le pourquoi ils ont décidé de l’acquitter. Je me suis renseigné auprès de mon avocat, et la conclusion apparemment fait 3 pages où il n’y a quasiment rien. Donc ils l’ont acquitté sur le doute, parce qu’il y avait des éléments mais pas assez pour pouvoir le condamner.
Dondevamos : Tu te sens un petit peu seul ? Tu t’es senti un petit peu soutenu dans tout ce combat ?
Jonathan : Oui j’avais énormément de monde qui était là pour me soutenir. J’ai reçu énormément de messages. Je pense avoir répondu à plus de 10.000 messages de soutien. A force j’ai fait des messages groupés parce que bon, je ne peux pas répondre personnellement à tous les messages un par un c’est pas possible. Mais oui il y avait beaucoup beaucoup beaucoup de personnes qui étaient là. Et même les personnes qui n’étaient pas présentes relayaient les informations et m’envoyaient des messages de soutien et pour moi c’est très important. Ils m’ont accompagné dans cette épreuve qui a duré 3 semaines, et voilà j’en suis très content.
PP : Est-ce que vous pensez que le procès s’est déroulé dans de bonnes conditions ?
Jonathan : De mon point de vue personnel oui dans de très bonnes conditions, parce que ça m’a permis d’être entendu, et comme je l’avais expliqué déjà dans d’autres interviews, ça m’a permis de déposer un poids, un poids que je traîne depuis maintenant presque10 ans, voir 15 ans, et j’ai déposé ce poids à la barre, et je suis reparti sans, je suis reparti libre, et ça c’était très très important.

Et en deuxième point, ce qui est malheureux c’est que je suis venu chercher mon statut de victime. Un statut qu’on ne m’a jamais donné, qui a été reconnu judiciairement mais par le déroulement des 2 anciens procès, un à Saint-Omer et un à Paris, qui ne m’a jamais été donné ; et ce que je trouve malheureux c’est que j’ai du moi-même venir le chercher, parce qu’il n’y a personne qui me l’aurai donné, c’est ça qui est malheureux. Donc je suis venu le récupérer moi.
Dondevamos/PP : Est-ce qu’il a des choses qui t’ont semblé anormales pendant le procès ?
Jonathan : En premier point, sur la plaidoirie de l’avocat général, je regrette vraiment et je trouve ça honteux de sa part, sa plaidoirie je la trouve honteuse, notamment parce que depuis le début du procès, il n’a posé aucune question à charge contre Daniel Legrand, et aucune question qui est en faveur de la partie civile. Donc de mon point de vue personnel je savais déjà qu’il était là pour l’acquittement, et d’ailleurs je ne suis pas la seule personne qui l’a remarqué. Il nous a manqué de respect, à moi-même personnellement, à mes frères, en caricaturant la parole de mes frères, en osant prétendre et en s’excusant publiquement devant Daniel Legrand, en lui disant qu’il ne comprend pas comment Chérif a pu dire que lui-même a été victime de son propre père ; son père est décédé mais à la rigueur ça c’est pas le problème, mais moi je trouve ça honteux. Et il a manqué de respect à toutes les personnes qui m’ont soutenu, à toutes les personnes qui travaillent dans des associations pour la protection de l’enfance, à toutes les victimes qui ont pu regarder le procès et qui ont pu suivre ça de prêt mais qui jusqu’à maintenant n’ont jamais trouvé la force de pouvoir parler, et ça je trouve ça vraiment honteux de sa part. Vraiment.
PP : On a vu un « expert » québécois qui a remis sur le tapis la théorie des faux souvenirs. Qu’est ce que tu penses de tous ses arguments, de faux souvenirs, de souvenirs reconstruits, d’erreurs en fait ?
Jonathan : Je trouve sa théorie complètement minable, minable parce qu’en règle générale il n’était pas là. Nous ce qu’on a pu raconter c’est impossible de l’inventer, et ce qui est intéressant c’est que le tribunal nous avait accordé de diffuser mes auditions quand j’étais plus jeune. Je pense que ça a pu contrecarrer les propos de cet expert ; et je ne comprends pas comment il peut faire part de sa théorie, d’ailleurs une théorie qui n’a jamais été trouvée. Il a soi disant fait une thèse on ne sait pas où elle est ; et on ne connaît pas ses sources, On ne sait pas sur quoi il s’appuie, on ne connaît rien de lui …
Dondevamos : D’après toi c’est une théorie qui sert à discréditer les victimes seulement ? Toi en tant que victime tu trouves que c’est vraiment aberrant ou qu’il y a peut-être un fond de vérité dans ce qu’a raconté cet expert ?
Jonathan : Non c’est minable ce qu’il raconte. Et moi d’ailleurs ça m’a mis un peu sur le cul, parce qu’on ne peux pas se permettre d’émettre de tels propos alors que personnellement il ne nous connait pas, personnellement il ne nous a jamais expertisé, personnellement il ne connaît pas notre histoire, et c’est un manque de respect aussi par rapport à tous les experts qui nous ont vus, tous les médecins qui nous ont vus, ça remet limite en question notre statut de victime, et ça c’est aberrant. C’est aberrant, de sa part c’est aberrant.
PP : Un argument qui revient très souvent dans la bouche de la défense c’est que tu es manipulé par ton entourage. Qu’est-ce que tu as à répondre à ça ?
Jonathan : c’est un peu gros. En précisant que la plupart des gens qui me soutiennent, bien sûr n’étaient pas là au moment des faits. Ils ont suivi l’histoire comme tout le monde et je ne me sens pas manipulé pour ma part, je ne me sens pas manipulé. Et qu’on puisse prétendre que … Je ne vois pas. Je ne vois pas comment on peux me manipuler, je suis quelqu’un qui est très méfiant de base, et je me laisse difficilement approcher, et moi-même je le sais parce que c’est ma façon de fonctionner mais… C’est basé sur aucun fondement, aucun.
PP : Est-ce que tu aurais quelques conseils à donner ou quelque chose de particulier pour les victimes qui hésitent à aller en justice, à se déclarer, à porter plainte ?
Jonathan : Je l’ai déjà fait dans de précédentes interviews ; laisser un message et un encouragement peut-être. Moi je l’ai fait il y a très longtemps, et je peux comprendre que c’est dur. Et si ils arrivent un jour à essayer de crever l’abcès qui pourra leur permettre de pouvoir balancer les choses, moi je l’ai fait et ça fait un bien fou. Après il y a tout ce système de déni ; c’est dramatique. Je pense qu’ils ne se rendent pas compte sur le moment mais ça viendra un jour, et je les incite vraiment à le faire parce qu’il faut extérioriser tout ça, c’est un soulagement, c’est une délivrance, mais bon pour le moment ils n’en sont pas à ce stade mais je les encourage vraiment à le faire, parce que ça fait un bien fou.
PP : Est-ce qu’il y a quelque chose d’autre d’important que tu veux nous dire ? Quelque chose qu’on ne t’a pas demandé, ou que tu veux ajouter ?
Dondevamos : Quelque chose sur le procès ? Qu’est que tu as envie de dire, pour toi, pour tes frères, pour la justice, pour ce pays ?
Jonathan : Je suis très content d’avoir partagé ces 3 semaines de procès, notamment parce que c’était un devoir, c’est un combat, et je suis très content d’avoir pu déposer à la barre, je suis très content que Dimitri ai eu la force de le faire, je suis très content que Chérif ai pu le faire ; j’ai été ému par leurs dépositions, et je pense qu’il y a certaines personnes qui ne réalisent pas ce que ça fait de se retrouver à la barre 10 ans après. Nous on nous pose des questions, mais ils n’ont pas l’impact que ça a de creuser dans sa mémoire après tant d’années. Voilà, j’ai pu partager certains moments avec mes frères, j’ai pu discuter avec eux, j’ai pu retrouver Chérif après 2 ans et demi d’absence, j’ai pu retrouver Dimitri après 2 ans d’absence. Et aujourd’hui ça va… ce procès est terminé, je l’ai malheureusement perdu mais, je l’ai perdu aux yeux de la justice mais je l’ai gagné par mon courage, par celui de mes frères, et aujourd’hui ça va nous permettre de nous rassembler. On a passé notre temps à se déchirer, parce qu’on ne se connaissait pas. Ça fait peut-être 2 ou 3 ans qu’on essaye de se découvrir, qu’on essaye de se connaître, parce qu’on s’est toujours connu dans un contexte de violence, de maltraitance, de beaucoup de choses, et j’espère qu’on pourra continuer d’avancer loin de tout ça et essayer de tourner la page, continuer de se reconstruire parce que c’est vraiment important, et voilà, si je peux leur adresser un petit message : merci. Merci à eux, merci à toutes les personnes qui ont soutenu, merci à toutes ces associations, merci à tout ceux qui sont sur le terrain, merci à toutes les personnes qui se battent. C’est en continuant sur ce terrain qu’on avancera et un jour toutes ces personnes paieront, et voilà on a perdu aujourd’hui on gagnera demain, pour moi c’est le principal.
Dondevamos : Le combat n’est pas terminé quelque part…
Jonathan : Le combat n’est pas terminé, ça fait 10 ans que je me bats et c’est pas terminé, c’est très très loin d’être terminé…

Outreau 3 (Jour 13) Réactions de Jonathan Delay… par pedopolis