BMP – Vous avez dit dé-confinement ?

BMP – Vous avez dit dé-confinement ?
Le gouvernement a dit « dé-confinement” à partir du lundi 11 Mai. Et bien, tout compte fait, c’est encore plus angoissant et plus déstabilisant. Je stresse devant la télé quand je perçois tous ces masques, collés sur les visages, se déplacer. Sans oublier les normes mises en place dans les magasins, les gares, les bus etc. Pour moi, c’est le choc. J’ai l’impression que notre vie va être encore plus tourmentée.
La première question qui me vient est sur la durée. Combien de temps est-ce que ça va durer ça ?
Dé-confinement ou pas, ça ne change pas grand-chose. Mes ateliers sont toujours absents et je ne sais même pas si cela sera possible de les remettre en place. Les associations restent avec un gros point d’interrogation.
Lors de mes derniers échanges avec elles, il y a une incompréhension importante, un malaise et un grand casse-tête. Comment réussir à mettre en place la sécurité obligatoire pour ces personnes qui ne demandent qu’à revenir le plus rapidement possible aux divers ateliers, à leurs RDV pour les dossiers et démarches, car il s’agit de personnes dans la précarité qui souvent ont besoin d’un accompagnement de tous les jours, y compris pour les enfants. C’est tout cela qui me manque, c’est l’ambiance des ateliers, les rires, les turbulences, les partages et voir les créations prendre formes et leurs couleurs. Voilà tous ces mouvements qui donnent vie à quelque chose. Mais aussi aux personnes ce qui est très important, et ça j’y pense beaucoup. Oui j’ai la TJM mais les couverts, la préparation des repas ne font pas danser les pinceaux, mais une bonne ambiance est là.
Pour ma part, je ne perçois pas vraiment un changement avec le dé-confinement. Oui, on peut sortir mais après. J’ai du mal à m’y retrouver. C’est le choc. Je me doutais que cela n’allait pas être simple mais là mon moral en a pris un gros coup.
Je vais donc dessiner sur le choc que je vis en ce moment, l’impression que quelque chose a disparu en moi dans le temps présent.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Pour concrétiser mon esquisse, j’avais du mal à trouver un semblant de forme. Car je ne sais pas comment les choses vont tourner et se mettre en place dans le futur.
Il n’y a plus de sécurité, c’est le doute, et essayer d’imaginer un positif, crée en moi une grande angoisse et dans une peur que je ne peux contrôler et ne rien contrôler me panique. Je n’ai plus de repères, et ça se bat entre eux.
Je vis avec comme un trou, comme si un morceau avait été arraché dans ma tête face à tous ces événements. C’est donc cela que je vais mettre en forme sur ma feuille.
Après réflexion, l’idée m’est venue de dessiner, un corps, avec deux visages. L’un de ces visages sera plus dominant et plus gros que l’autre, imposant. Mais à ce visage il lui manquera un morceau, un morceau qui serait parti en fumée. Cela exprimera ce que je ressens face aux absences des ateliers et mon regard face à ce dé-confinement. Un visage où il n’y aura pas d’yeux, mais juste la forme de leur emplacement.
Observer ce qui se passe autour de moi m’effraie, les masques, les visières provoquent toujours dans ma tête une grande déstabilisation et une grande frayeur. Cela bloque mon cerveau, m’empêche d’avancer et ne me permet pas d’avoir un regard qui me rassurerait, me sécuriserait. J’ai trop perdu. Il n’y a pas que les ateliers, il y a aussi les liens les échanges avec les familles, et ces liens ont changé ; ils sont comme dévorés par ce nouvel espace “virtuel” et par ces gestes barrières.
Une fois le gros visage fini, j’ai dessiné le long de celui-ci un corps en retrait. Seule la forme du visage est là mais pas d’yeux, de nez, de bouche. Les jambes sont également présentes mais pas de pieds. A quoi bon des pieds si je dois sortir sans but. Avant je sortais pour aller faire les ateliers, pour mon RDV psy mais là, il n’y a plus rien. Cela me terrorise.
Pour les couleurs, j’ai pris du rouge et j’ai ajouté du bleu, du violet, du blanc, beaucoup de blanc qui représente le moment comme quelque chose de disparu, de mort. J’ai également rajouté une petite pointe de couleur marron. Les finitions sont faites aux crayons de couleur.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Production conçue sur feuille de format 50X70 cm à grain fin. Peinture aquarelle, crayon HB, carrés couleur (Conté à Paris), crayons de couleur.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Je regarde ma production et je me sens triste. L’angoisse est moins forte, mais je me sens comme perdue de ce que je vais faire.
Je ne suis pas la seule à vivre cela, et ce qui est important c’est rester solidaire entre nous, garder cette force, même si une peine, une tristesse ce fait entendre. J’ai le blogue où je me promène je lis je relis, j’ai cette impression de faire toujours des découvertes. J’essaie de tenir, mais je voudrais que tout reviennent, et que le beau ne disparaisse pas. 🙂

BMP – Les visages changent

BMP – Les visages changent
J’aimerais aborder un sujet que j’ai observé autour de moi, en prenant le bus, ou bien même en allant faire des courses, quelque chose qui a attiré mon attention, mais dont je ne suis pas certaine. Je veux dire que quand je prends le bus, je me rends compte que les visages sont de plus en plus fuyants, que les bonjours se font rares. Il me semble qu’il y a comme une souffrance silencieuse qui n’arrive pas à s’exprimer par les mots.
Il y a de la tristesse sur les traits de ces visages, mais aussi un agacement, un air sévère, un peu comme une nostalgie du temps d’avant. Je ne sais pas si c’est une façon de se protéger, ou si cela se fait de manière complètement inconsciente.
J’écris inconsciente, car il arrive que mon visage laisse lire une émotion alors que je ne le voulais pas. C’est dans les petits mouvements du visage, qui apparaissent.
Certes, je peux comprendre toutes les inquiétudes, les questionnements et le fait de se protéger, car on subit tous cette crise sanitaire.
Je ne sais ce que vivent les gens, en particulier qu’ils sont confrontés à la maladie et au décès. Mais quand même, je me demande pourquoi cela nous empêche de nous dire bonjour, d’adresser un petit sourire, même derrière un masque. Je crois que c’est cette sorte de repli qui m’a interpellée.
La communication corporelle est importante, je suis très sensible à l’expression d’un regard, aux rides du front, aux mouvements de la bouche. C’est un indicateur pour moi, qui me permet d’être rassurée et moins aux aguets.
Mais peut-être que mon observation est fausse. Que ce que je vois n’est pas la réalité. Tout comme je me répète je ne suis pas dans la tête des personnes.
Alors j’ai décidé de dessiner cela pour prendre un peu de recul.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Pour ce dessin, je voulais faire apparaître deux visages. Avec sur l’un des deux, l’expression de la tristesse que je ressens en observant les visages autour de moi, une tristesse liée à l’impuissance.
Mais derrière ma tristesse, je garde un regard attentif, un regard qui reste vivant, parce que c’est de cela dont nous avons besoin encore plus en ce moment. Sur l’autre, rien, ce qui permettra à celui ou à celle qui regarde de déposer l’expression qu’elle aimerait exprimer sur le moment. Un peu comme pour déposer un événement trop lourd à porter. Le déposer permet de prendre un peu de recul.
Pour les couleurs, je souhaitais y déposer des couleurs vives, qui devaient se mélanger entre elles, comme pour faire apparaître ce que j’ai observé, mais tout en cachant pour ne pas perturber le regard des autres. En peignant je pensais à une protection : ne choquer personne avec mon constat qui pouvait être erroné. Mais un changement est là.
Je ne perds jamais de vue cette bienveillance que j’ai et qui ne doit pas se perdre, car celle-ci est très importante et c’est ce dont nous avons besoin toutes et tous en ce moment.
Pour les finitions, je les ai faites aux gros feutres de couleur, pour que les couleurs ne dépassent pas les limites fixées.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon de papier HB, 3B, peinture aquarelle. Feutres de couleur.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

J’observe mon dessin, et je continue à me poser des questions. Des expressions des visages m’ont marquée, mais je me dis que les personnes ont leurs raisons ou pas, mais cela m’inquiète. Rester neutre m’est difficile, ils m’inquiètent…  Il y a quelque chose qui cloche.