BMP – L’empreinte d’une feuille en argile sans cuisson

BMP – L’empreinte d’une feuille en argile sans cuisson
– L’argile est une matière minérale championne dans sa plasticité.
– Si vous êtes attentionné envers l’argile en la travaillant, vous pourrez sentir qu’elle peut vibrer sous vos doigts.

Quand je travaille l’argile, en mode création, j’ai toujours cette impression de la découvrir dès que je commence à la malaxer, à la modeler. Je la trouve sensuelle et puis elle est comme un pansement car elle laisse derrière une douceur sur nos mains.
L’argile est une matière fantastique, car dedans on peut y injecter notre colère avec nos doigts sans que cela se voit une fois notre modelage terminé.
L’argile c’est comme la pâte modelée, c’est indémodable.
Pour en revenir à ma création, je voulais essayer de faire apparaître une forme avec l’empreinte d’une grande feuille, forme qui pourrait être la forme d’une petite soucoupe pour y déposer dedans des petites choses, comme une décoration pour poser sur un bureau.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre création ?

Je me suis installée dans mon salon pas loin de la fenêtre.
J’ai donc commencé par préparer mon morceau d’argile, en le malaxant bien dans tous les sens, pour sentir sous mes doigts cet argile plus souple et plus malléable. Je souhaitais sentir ma pâte plus vivante dans mes mains et bien élastique ce qui n’est pas si facile, car cela dépend de mes gestes et de la force de qui se trouve dans mes doigts, une fois bien lisse.
L’étape suivante a été d’étaler mon morceau bien malaxé, de le mettre à plat avec une bouteille car je n’ai pas de rouleau à pâtisserie.
Je devais mettre à plat mon argile avec une épaisseur assez suffisante afin que ma forme finale ne se casse pas une fois sèche et ne soit pas trop fissurée.
Une fois ceci fait, j’ai pris une grande feuille que j’ai ramassée dans le jardin près de chez moi et je l’ai déposée sur ma forme d’argile.
J’ai appuyé dessus pour que la feuille laisse son empreinte et que je puisse en découper le tour par la suite.
Une fois après avoir découpé le tour de l’empreinte de ma feuille, j’ai pris un petit saladier, que j’ai recouvert de papier transparent et j’y ai déposé ma forme découpée en la mettant dans une position légèrement arrondie.
Puis je l’ai mise à sécher deux jours.
Ce n’est qu’après que j’ai commencé à y mettre de la couleur.
J’ai repris la couleur verte de la feuille mais en plus clair, accompagnée d’un peu de jaune et de marron. Puis une fois ma forme bien sèche je l’ai bombée avec un produit : du vernis transparent pour solidifier les couleurs mais aussi pour les protéger.
Voilà une petite forme en argile qui a pris une forme définitive mais aussi une place dans le bureau de mon psychiatre.
Tout cela avec une belle feuille que j’ai ramassée dans le jardin près de chez moi. Sans elle, cette création n’aurait pas pu voir le jour. Peut-être que je mettrais en place ce processus créatif lors d’un de mes ateliers.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Argile de couleur grise, grande feuille verte.
Papier transparent, saladier, bouteille.
Couteau fin.
Vernis transparent.

Que ressentez-vous devant votre production ?

Pour répondre à la question, en moi je pense que j’aurais pu faire mieux !  je parle pour les finitions. Si celles-ci sont mal terminées, l’ensemble reste bancal, fragile. Parfois j’ai ce décalage de vouloir bien faire les choses et faire bien . Tout cela n’est pas toujours en symbiose . Par moment quand je regarde ce que je créé je le perçois. J’aimerais que cette symbiose soit là et ne se faufile pas. Une impression d’un travail pas terminé.

La voix de ceux qui crient

La voix de ceux qui crient – Rencontre avec des demandeurs d’asile
Marie-Caroline Saglio-Yatzimirsky
Date de parution : 07/03/2018
Editeur : Albin Michel
ISBN : 978-2-226-40259-2
EAN : 9782226402592
Format : Grand Format
Présentation : Broché
Nb. de pages : 317 pages
Poids : 0.434 Kg
Dimensions : 14,6 cm × 22,5 cm × 2,5 cm


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Hors de la plainte

Ibra a trouvé un emploi en CDI et un logement, et il a ses papiers. Il s’est apparemment stabilisé, il est toujours suivi avec des antidépresseurs. Nous avons espacé les séances, il a rendez-vous une fois par mois environ. Un matin, il arrive tête baissée, se plaint d’un problème avec un des contremaîtres au travail. Il a reçu un avertissement car il arrive en retard. Il a tout le poids du monde sur le dos. Je tente de renverser sa perception des choses :
« Cet avertissement, c’est aussi pour dire que l’entreprise a besoin de vous, ils attendent de vous beaucoup de choses. Vous avez réussi à obtenir un CDI, c’est une grande réussite. Il y a quatre ans, vous auriez donné beaucoup pour qu’un employeur se mette en colère parce que vous ne venez pas à l’heure. »
Il argumente longtemps sur la trop grande pression. Quelques semaines plus tard, il rapporte une altercation très vive avec son contremaître, qui, dit-il, en est venu aux mains après l’avoir traité de tous les noms. Il quitte son travail sans préavis. Ainsi, Ibra continue dans la plainte comme si, inconsciemment, il ne pouvait s’en détacher sans risquer de perdre ce qui le rend unique. Être dans le trauma lui permettait en effet de mobiliser de l’attention autour de lui ; il fallait que des soignants se préoccupent de lui et s’inquiètent. Ibra propose cette trajectoire singulière d’un patient qui, après quatre ans de psychothérapie, est en permanence au bord du gouffre. Dès que son quotidien devient un cadre suffisamment stable, il le détruit pour répéter la scène traumatique, revivre la violence et replonger dans l’angoisse : c’est un voisin qui, épuisé par ses provocations, finit par le battre ; ce sont ses compatriotes qui, exaspérés par ses gémissements, l’excluent de leur groupe ; c’est l’entraîneur de foot du club de quartier qui l’insulte car il ne veut plus voir sa « gueule de petite frappe ».
Il s’arrange pour se faire battre et injurier, répète l’événement traumatique dans des déclinaisons continuelles. Il va chercher le châtiment. Régulièrement, il se soûle à la vodka et sort ivre mort dans la rue, frôlant l’accident. Le matin, il débarque dans la consultation pour vomir sa douleur et sa honte de mauvais fils et de mauvais musulman. Ainsi, Ibra, jouant sur les limites, n’est pas sorti de la jouissance du trauma.

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