Boris Cyrulnik « La mémoire traumatique »

Boris Cyrulnik « La mémoire traumatique »
Mercredi 1 novembre 2017
par Florence Lopes Cardozo
Publié dans Regards n°871 (1011)
Humain, limpide, Boris Cyrulnik explorera, ce mardi 21 novembre 2017 à 20h au CCLJ, la « mémoire traumatique », de ses souffrances emprisonnantes aux plus douces libérations.

Les sujets sont-ils généralement conscients de leur mémoire traumatisée ?

Oui, bien sûr, puisque le sujet est fasciné par son problème, par son traumatisme. Il est même hyper conscient. On dit que la mémoire est « intrusive », c’est-à-dire qu’il ne pense qu’à ça : tout ce qu’il perçoit de banal dans la journée évoque la mémoire de ce qui lui est arrivé. Et la nuit, ça lui revient sous forme de cauchemars. C’est-à-dire qu’il est prisonnier de sa conscience, de sa mémoire passée, il ne peut penser à autre chose, il ne peut pas penser à travailler, pas plus qu’à s’amuser.

Peut-on parler de transmission ?

Celui qui souffre de mémoire traumatique transmet son comportement étrange : il est prisonnier de son passé et n’est pas adapté aux relations avec ses amis, avec sa famille. On a du mal à se coordonner avec lui parce que, comme nous l’évoquions, il a perdu la liberté de penser. Il ne s’adapte plus à son contexte et cela instaure une difficulté relationnelle.
Par ailleurs, quelqu’un qui n’a pas été sur le terrain, et qui se représente le traumatisme d’une personne qu’il aime, peut très bien souffrir d’un traumatisme qu’il n’a pas subi.
Un exemple : des travaux ont été faits sur des jumeaux pendant la guerre du Vietnam. Il a été observé que lorsqu’un jumeau allait au combat, très souvent, le jumeau qui n’y avait pas été souffrait plus de traumatisme que celui qui l’avait vécu, il présentait l’équivalent d’une mémoire traumatique, ne pensant qu’à ça, prisonnier de ce qui s’était passé.

La mémoire traumatique présente-t-elle les mêmes symptômes selon que le trauma se passe dans l’enfance ou à l’âge adulte ?

L’enfance, c’est le moment de l’hyper mémoire. Il peut y avoir des traumatismes sans mémoire ou des mémoires sans souvenirs. Prenons le pire des traumatismes, celui qui délabre le plus : la carence affective, la carence sensorielle où les neurones ne sont plus stimulés et finissent par s’atrophier. L’enfant n’a pas conscience du traumatisme, mais il a de grosses altérations de la mémoire et des émotions. Beaucoup d’entre eux deviennent soit hyper violents, et on ne sait pas pourquoi, soit complètement indifférents, plus rien ne les fait vibrer. Il s’agit alors d’une mémoire traumatique, sans souvenirs, du fait que le cerveau est très altéré par la privation sensorielle. Ce constat clinique, on peut le mesurer aujourd’hui en neuro-imagerie. Chez les adultes, par exemple des femmes agressées sexuellement ou des hommes qui ont connu des situations effrayantes, nombreux sont ceux qui présentent un cerveau éteint, sidéré. On l’observe aussi en neuro-imagerie : le cerveau est gris. Il a juste de quoi consommer un peu de glucose un peu partout et on ne voit plus les variations de couleurs que l’on voit d’habitude. Ces « coups » provoquent des sortes d’amnésies traumatiques, des trous de mémoire qui correspondent au traumatisme. Mais la plupart du temps, c’est le schéma que je vous ai proposé précédemment, de l’hyper-mémoire, qui prédomine.

Toute mémoire traumatique peut-elle devenir « saine » ?

Oui, c’est le principe de la résilience, c’est-à-dire que si avant le trauma, les gens ont été vulnérabilisés par un isolement précoce, ils seront faciles à traumatiser. Ceux qui ont été sécurisés au cours de leur petite enfance recevront eux le coup, mais seront plus difficiles à traumatiser. Et, en revanche, si après le trauma, les gens sont laissés seuls et livrés à eux-mêmes, ils auront très peu de chance de déclencher un processus de résilience. A l’inverse, s’ils sont soutenus affectivement et verbalement, et si l’on cherche à comprendre ce qu’il leur est arrivé, il y aura un processus de résilience et la mémoire traumatique pourra s’effacer. Ce qui ne veut pas dire qu’on va oublier le trauma. On va reprendre une mémoire saine, c’est-à-dire évolutive, et on va pouvoir se remettre à vivre, avec le trauma, dans le corps, dans le cerveau et dans la mémoire et, le cas échéant, faire quelque chose de ce trauma, comme, par exemple, écrire, parler, échanger ou s’engager dans une association.

Pour lire l’article, cliquez sur le portrait

BMP – L’effet du dessin sur la mémorisation

Quand je ne vais pas bien, je cogite encore plus et ça donne du bon. Je pensais à cette difficulté que j’ai de retenir des mots dans ma petite cervelle, à bien mémoriser. Mais cette idée m’est venue aussi avec ma petite dernière quand elle me dit qu’elle a du mal à retenir un schéma dans une leçon. Et là je lui dis à chaque fois de le dessiner ce schéma.
C’est pour cela que j’ai eu cette idée de réaliser un dessin sur ce sujet.
Maintenant, comme cela m’arrive de temps en temps dans ma tête, je créé des mots qui permettent de faire des liens pour représenter ma mémorisation, c’est le cerveau. Mais pour le reste j’ai un peu eu du mal. Comment représenter le lien entre mémorisation et le dessin ?

Comment avez-vous dessiné ?

Et là j’ai eu ma super idée : réaliser une main en mouvement qui dessine comme je l’ai fait, comme cet exemple avec la maison etc. Et pour relier ces dessins, réaliser par un fil conducteur de couleur noire, qui ira en direction du cerveau. Et le cerveau qui lui mémorise les dessins, les retient, tient dans un endroit à l’intérieur de lui et ne l’oublie pas.
Pour réaliser le manteau là je ne voulais pas me servir de l’aquarelle. Aucune envie. Une envie d’utiliser les crayons feutre de couleurs.
Après les couleurs, pour moi le mot logique pour le soleil, le jaune, pour l’herbe le vert etc…

Matériaux utilisés :

Dessin réalisé sur feuille de format de 50 x 70 cm à grain fin.
Crayon feutre de couleurs et crayons noirs S, B, F, et gris B.

Qu’avez-vous ressenti ?

J’ai du mal à bien ressentir dans ma tête aujourd’hui, je suis par contre concentrée sur mon dessin. Je pense que c’est cela dont j’ai besoin : me concentrer le plus fort possible afin d’éviter de trop penser et de me faire du mal que cela soit par mes mauvaises pensées ou autrement.
Je pourrais dire que j’ai aimé réaliser ce thème que je trouve intéressant : cette façon de mémoriser avec le dessin, et je me disais aussi que pour l’écrit cela devait aussi aider.

Que ressentez-vous face à ce dessin ?

Je le trouve minuscule mon dessin, une envie de le remplir est là, remplir ma feuille. Ce trou.