BMP – Un visage en morceau avec juste l’emplacement des yeux

BMP – Un visage en morceau avec juste l’emplacement des yeux
Il fait beau, je sors ma table à dessin dehors pour faire naître une composition en compagnie de ce soleil qui me réchauffe par sa douceur. Je peine à me dire que nous sommes au printemps tellement l’atmosphère si agréable me rappelle l’été.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Ma découverte en ce jour était de faire naître un visage en laissant un blanc à la place des yeux. Cela pourra alors ressembler à un masque que tout le monde pourra porter. L’emplacement des yeux sera là pour attendre les personnes qui souhaiteront essayer ce masque.
Je souhaitais également déposer mon envie de tons violets et orangés sur mon dessin. Dans ma tête, j’avais l’image de bourgeons sur le point d’éclore. Cette image sentait bon le sucré et l’ensoleillement.
Me voilà bien installée derrière ma table à dessiner, ma feuille est bien à plat devant moi, et je me sens bien dans l’instant présent avec cet air doux  autour de moi.
Je commence par dessiner la forme d’un nez puis l’emplacement de la bouche qui m’emmènera vers la première joue. Je redescends doucement pour en faire apparaître un menton puis je continue mon mouvement avec mon crayon à papier pour en faire apparaître la deuxième joue pour remonter doucement vers l’emplacement des deux yeux, et terminer par le front et le contour entier de ce visage qui, une fois coloré évoquera un masque.
Mon ébauche avait pris place sur la feuille, et elle prenait bien grâce à tous ces traits. Il ne manquait plus que les couleurs, pour rendre ce masque plus vivant. C’est alors que je dépose cette envie de violet et d’oranger. Le plaisir était là. Dans ma tête, je me sentais bien au clair dans mon cerveau, rien n’était embrouillé. Je ne voulais donc pas de mélanges. Alors je me suis mise à me parler (à parler à ma tête), pour ne pas me laisser inonder par ce cerveau qui ne me semble jamais tranquille.
Je lui expliquais que nous allions nous promener parmi les couleurs pour recouvrir cette esquisse qui n’attendait que cela : porter des tons colorés. Je me suis donc promenée avec mon pinceau, dans du violet, du oranger-violet, du rouge violet, du noir et du gris.
Avec un crayon à pointe fine, j’ai voulu rajouter des petits motifs, comme pour couper un peu avec le médium peinture aquarelle, provoquer une cassure. Dans ma tête, je me sentais bien dans le présent, mais mon cerveau était devenu plus lourd. Je souhaitais que rien ne se mélange entre les deux. J’ai terminé ma création en rajoutant quelques cheveux par la formation de traits. Quelques finitions ont été faites avec un feutre noir à pointe fine.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Création conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. Comme médium : crayon HB pour mon esquisse, de la peinture aquarelle. Un feutre noir à pointe fine

Que ressentez-vous face à votre création ?

Je regarde ma production, je me sens rassasiée concernant la couleur violette. Un peu apaisée. Mais dans mon cerveau ça cloche, je ne sens pas de fin  pour sa forme.

BMP – Visages pour essayer de traduire l’indicible

BMP – Visages pour essayer de traduire l’indicible
Il m’arrive d’être submergée par mon passé, ce passé qui est de l’ordre de l’indicible. Quand cela m’arrive, c’est si fort et si violent que la seule chose possible, est alors de prendre mon crayon et de dessiner, car les mots dans ces moments-là me manquent. Du moins je n’en trouverais pas d’assez forts pour retranscrire ce que je vis et ce qui retourne mon cerveau à m’en rendre dingue. C’est l’indicible, le silence, les hurlements, les douleurs, les angoisses, la frayeur « d’être » qui est au volant sans oublier les dissociations qui mettent mes parties émotionnelles dans tous leurs états et donc moi-même quand je reviens à Béatrice. Je dois toujours me montrer forte devant ce fait. Me tenir droite respirer la vie !

Définition de l’indicible.
Le mot « indicible » est d’abord un adjectif : est indicible ce qui ne peut pas être dit, c’est-à-dire ce qui ne peut pas être exprimé et transmis par la parole, elle-même définie comme l’usage qui est fait du langage et de la langue dans un contexte particulier, et qui se distingue des communications orales diverses, comme les cris, les alertes ou les gémissements.

Je vais donc prendre mon crayon et dessiner. Je me dis que quand je fais cela, j’enlève un peu à chaque fois de cet indicible de mon cerveau. Même si ce n’est qu’une image, je pense que tout n’est pas faux dans ce mouvement. Cela me sécurise, parce que prendre mon pinceau ou un crayon, c’est une force et une barrière de sécurité mais aussi pour éviter une mise en danger pour moi-même.
Si un jour ça change dans mon cerveau, je suis foutue, mes démons etc prendront la relève et me noieront définitivement.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Je prends mes crayons et je commence à faire apparaître mon esquisse tout en me répétant en boucle : ça va aller. Béatrice, ça va aller, tu es dans le présent. Tout comme j’essayais de rassurer mes parties émotionnelles. Mes larmes n’étaient pas loin, j’avais tellement mal dans ce cerveau. Je ne demandais rien d’autre et je ne voulais rien d’autre à part coller, faire parler ce mouvement de coller sur ma feuille !
Je dessine donc plusieurs visages, quatre, et je dépose sur chacun, je colle plus précisément une émotion différente. Le hurlement, la tristesse, la peine et l’interdiction de parler.
Là, quand j’écris pour expliquer, je me dis que j’aurais pu aussi dessiner une grenade prête à exploser dans un cerveau. Cela aurait bien exprimé mon ressenti, lorsque mon cerveau est retourné par cette violence. Mais l’idée ne m’est pas venue, seuls les visages me parlaient.
En moi, je voulais les détruire les mettre en morceaux pour les tuer, pour les enlever de mon cerveau, mais cette rage que j’ai en moi, provoque aussi beaucoup de frayeur. Avoir peur de soi et de ses réactions ça me donne l’impression d’être une étrangère à moi-même.
Une fois mon esquisse terminée, mettre des couleurs m’angoissait, je sentais que dans mon cerveau ça se bousculait encore plus. Donc j’ai choisi d’utiliser mes divers crayons graphiques et de prendre plaisir à déposer des dégradés sur tous ces visages et de les estomper avec mes doigts.
Plus j’avançais dans ma production et plus je me sentais émue. Déposer du mal, du violent sur une feuille ça remue les tripes. Cela donne l’impression de se décomposer de plus en plus, mais ensuite, cela permet de se recomposer, mais c’est beaucoup moins violent. C’est comme un tâtonnement qui reprend la relève, quand on essaye de remettre les pièces de ton cerveau dans le bon ordre, mais comment trouver le bon ordre ? Pourtant je me sentais un peu moins dans cet indicible, mais pas complètement rassurée non plus.
Mais avoir dessiner ces visages m’a dénoué l’estomac. La lourdeur du début n’était plus là. Voilà le positif !

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Une création conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médium : crayon HB pour mon esquisse, des crayons Castells ; 7B, 6B ; 5B, 4B.

Que ressentez-vous face à votre création ?

Je regarde ma production, j’ai envie de dire ouf ! Alors je le dis bien fort et ça devant cette production. Un message pour ces visages peut-être. Un laissez moi vivre ! Oui sûrement ! Souvent je dis à mon psychiatre qu’il faudrait me nettoyer la mémoire et ne me laisser que le « bon ». Comment tourner la page quand ça revient sans cesse ?