Il m’arrive le soir avant d’éteindre la lumière de m’asseoir au milieu de mon lit et de dire ceci : bon j’éteins alors soyez sage les enfants ! Ou alors parfois, selon mon humeur, je dis : « petite Béatrice n’ai pas peur tu ne seras plus réveillée en pleine nuit, tu n’iras plus sur le palier pour entendre du bruit, » Je dis ça pour être rassurée et on ne viendra plus non plus rendre visite à ton corps, ou te faire peur alors ferme tes yeux et endors-toi doucement. Je m’adresse aussi à monsieur Grr Grr en lui disant : « tu sais, ce soir il fait froid, je sais que tu aimes te promener, jouer, sortir mais j’aimerais s’il te plait te demander de dormir, de rester au chaud aussi comme la petite Béatrice et moi et Béa qui elle dort mais qui doit être angoissée tout comme moi. Alors fais comme nous tous, reste avec nous, restons tous blottis ensemble au chaud sous la couette, »
Voilà ce que je dis parfois, mais cela me fait drôle, cela me fait bizarre. J’ai l’impression de parler dans le vide alors je regarde mon doudou en disant cela, je regarde ses yeux je me sens moins seule moins bête.
Je ne le fais pas souvent car j’ai toujours du mal avec mes personnalités, mais voilà ce que je fais parfois et même si, comme je dis, monsieur Grr Grr fait la sourde oreille et bien j’essaie de continuer, car je me dis que la petite Béatrice l’entend et Béa aussi. Mais cela me fait bizarre.
Intégration du Cycle de la Vie : thérapie des troubles de l’attachement, de la dissociation et du trauma
Catherine Clément, Joanna Smith, Dorinda Bernardo
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Dans son travail thérapeutique avec les adultes, Peggy Pace a noté elle-même l’effet « désastreux » des carences affectives, négligences, traumatismes survenus avant l’âge de 2-3 ans. Reprenant l’hypothèse neuroscientifique selon laquelle un attachement sécure, qui permet de créer un sens de cohérence du soi chez le tout petit, va pouvoir se mettre en place à partir de la construction mutuelle pour le parent et l’enfant des récits autobiographiques de l’enfant (Cozolino 2002), elle propose au patient adulte de montrer à son moi nouveau-né le récit de sa vie et ce, lors de nombreuses répétition au cours desquelles il y aura progressivement intégration de son histoire, avec des changements notables dans sa vie d’adulte.
Pour reprendre la métaphore de la maison, aujourd’hui nous savons renforcer, voire donner des fondations, à des édifices qui en manquaient. La thérapie par intégration du Cycle de Vie, notamment le protocole de la naissance au présent, semble faire ce même travail : construire un attachement là où il manque. Il permet au patient de retrouver son récit de vie, de réaliser que l’histoire passée est réellement passée, qu’il n’est plus dans le temps du trauma. Il y aura, avec cette réalisation, la libération d’une énergie mentale et psychique au profit d’une bien meilleure efficience dans sa vie présente, avec une fenêtre de tolérance et de résolution face aux situations actuelles qui va s’élargir et une capacité à profiter des événements heureux de façon beaucoup plus pleine et consciente. C’est à travers une stimulation neuronale répétée que ces changements vont se faire, en regardant le « film » de sa vie un nombre de fois au cours des séances, que se développera la cohésion du soi.