Il y avait longtemps que je n’avais pas fait naître une production comme celle-ci. En ce moment, c’est complexe, j’essaye de ne rien lâcher, mais il y a des moments de blancs. Heureusement ça redémarre, mais c’est un jour après l’autre. Aujourd’hui, certes j’avais bien mon pinceau, j’avais bien envie de le tremper dans les couleurs, mais aucune idée.
Comment avez -vous concrétiser votre esquisse ?
Alors, j’ai fait des traits, des courbes sans me poser de questions trop de questions, questions qui étaient en fouillis dans ma tête. En fait dans mon cerveau il ne se passait rien c’était un peu comme le vide. Je faisais apparaître mes traits et c’est tout. Je ne cherchais même pas s’il y avait une forme qui pouvait apparaître, ou bien si je pouvais débuter une ébauche à partir d’un trait tout en le faisant grandir. Rien ne me parlait. Mes traits étaient terminés, ils étaient tous incrustés dans ma feuille. Ils étaient tous attachés aux uns aux autres. Une bonne nouvelle.
Quand je regarde mon esquisse, je ris en moi-même, car je pense que c’est mon cerveau qui a parlé par ces traits et par ces courbes, mais ce n’est pas moi, Béatrice. J’avais l’impression que mon cerveau fonctionnait tout seul ce matin, qu’il guidait mon poignet, que c’était lui également qui faisait bouger mon crayon sur la feuille. C’est assez flippant de ne rien ressentir en haut de ce corps. Il n’y avait ni colère, ni joie, ni question, il n’y avait que du rien. Mais juste ce mouvement tout seul.
Pourtant j’étais bien assise dans le fauteuil, dans mon coin à dessin, je sentais bien la table sous mes mains. Je ne savais pas quel jour on était. J’étais bien dans le présent. Et même je pouvais dire que le temps à l’extérieur était triste et que le soleil était parti.
Finalement quand j’ai posé mon esquisse terminée sur le grand chevalet et quand je me suis reculée pour l’observer, je me suis dit que j’y verrai bien une légère couleur qui évoque l’arc-en-ciel, comme manteau de couleur. Finalement c’était ça, cet arc-en-ciel, ce lien qui avait pris place doucement à la place de ce rien qui s’était installé au début de la naissance de cette production.
Comme il la plu beaucoup il n’y a pas longtemps, qu’à chaque fois, derrière un rayon de soleil montre le bout de son nez et tout de suite après arrive un arc-en-ciel…
D’ailleurs, j’aime bien le chercher. Je vais déposer les couleurs arc-en-ciel mais celles-ci seront noyées dans de l’eau. Alors ça pourrait paraître simple mais pas tant que cela, car le but était aussi qu’il n’y ait pas d’auréoles intégrées dans la production. Toutes les couleurs devaient bien se mélanger les unes dans les autres comme si de rien n’était. Certes je n’avais rien ressenti pour faire naître cette esquisse, mais pour les couleurs, j’allais bien me rattraper. Je me suis amusée à faire plein des mélanges avec les couleurs avec l’aide de mon pinceau en rajoutant par moments un peu plus d’eau, ou à d’autres un peu moins. En fait c’était agréable de voir apparaître ces couleurs parce que quand je faisais les mélanges avec mon pinceau, je ne savais jamais lesquelles allaient apparaître. J’aime y incorporer l’imprévu. Mais j’avais l’impression de découvrir.
Je voulais absolument faire disparaître cet effet ”glaçon » qui était là à mon réveil et qui bloquait toutes mes idées. Mais celui-ci serez noyé, envolé. Quand les couleurs déposées ne me parlaient plus, je passais à une autre couche. Et petit à petit j’appréciais l’harmonie et la douceur qui apparaissaient. Les finitions, les contours je les ai fait au gros feutres. Dans ma tête c’était la bataille, il y avait un moment où je voulais que tout soit au carré, impeccable et d’autres au contraire où je voulais de la souplesse et du laisser-aller.
Quels matériaux avez-vous utilisé ?
Production conçue sur feuille blanche 36 x 48 cm. Crayon à papier HB. Crayons graphiques, comme médium peinture aquarelle et feutres de couleurs.
Que ressentez-vous en regardant votre création ?
J’observe ma production. Ma première réaction a été de vouloir que les couleurs mangent cette fatigue et cette gêne thoracique qui sont là, tout le temps. J’observe l’extérieur qui reste bien triste ce matin, mais je me dis que le soleil va vite revenir nous réchauffer. Dans mon cerveau finalement je ne sais plus comment ça va. Mais je décide de rester sur le positif qui se dégage de ce mélange légèrement arc-en-ciel et de le partager.