BMP – Éclaboussure en haut vol


Par moment j’ai des idées de dessin. Je suis dans le présent, et je me dis : je vais faire ceci, je vais faire cela. Puis, au fur à mesure que le dessin prend forme, une autre idée surgit. On dirait que mon idée du début a été comme mangée par ce qui apparaissait sur ma feuille, je veux dire par l’ensemble des couleurs, mais aussi par leur mouvement.
Parfois cette situation m’arrive quand je me dissocie et dans ce moment-là monsieur le grignoteur, celui qui se nomme Grr, grr a grignoté mon idée du début, parce qu’il est un vrai morfale quand il s’y met. Il mange tout, il mange les chiffres, les lettres, les formes, les images, la couleur, et il digère tout sans problème. Il n’est pas alcoolique, c’est déjà ça, mais il se plaît à me déplacer, à me conduire ailleurs.
Pour ce dessin cela m’a donné cette impression, mais non c’est bien le mouvement et les couleurs qui m’ont fait changer mon idée, pas Grr grr.

Comment avez-vous procédé pour la concrétisation de votre esquisse ?

Ma première idée, était de prendre une couleur et de faire apparaître plusieurs petits dégradés puis de continuer avec d’autres couleurs : le vert, le rouge, le bleu le jaune et ainsi de suite. Mais dès le début cela avait pris une drôle de tournure dans mon geste du poignet, qui n’allait pas comme je voulais.
Malgré tout, je voulais continuer sur ma lancée, en essayant de m’appliquer. Plus j’avançais, et plus mon dessin, une fois ma feuille remplie, avait carrément changé de sens mais en tout. Où sont partis mes dégradés ? Bien sûr, cela faisait de jolies couleurs, quoique jolies pour moi en dessin elles ne me parlent pas vraiment, car dans chaque dessin il y a ce petit plus qui fait que même si on ne l’aperçoit pas tout de suite, de toute façon ce n’est pas ce que je voulais.
Je trouvais que l’ensemble me semblait un peu mou. J’ai donc posé mon dessin sur le chevalet puis je l’ai observé longuement. Ça me turlupine quand je ne trouve pas ce petit plus qui pourrait tout changer. Je savais bien que j’allais trouver quelque chose. J’ai fait un peu comme on dit le tour du propriétaire chez moi, et je vois un vinaigre cristal ménage en spray.
J’ai alors pensé à le vaporiser directement sur mon dessin, puis de prendre un pinceau pour faire apparaître comme une éclaboussure de peinture. Elle irait vers le haut de mon dessin, elle prendrait son élan.
Puis j’ai voulu que ce mouvement parte vers le bas de ma feuille, donc je devais la retourner. J’ai donc vaporisé le vinaigre sur ma feuille, pas trop près, pas  trop loin, puis j’ai aussitôt pris mon pinceau et j’ai commencé à faire des petits mouvements et puis des grands, je devais jouer avec le produit et ce pinceau, comme un travail en duo.
Plus je faisais danser mon pinceau sur ma feuille et plus mon éclaboussure apparaissait. Cet élan qui manquait à mon œuvre était là ! Il faut juste l’observer et le suivre. Moi je le perçois après, c’est à chacun de se promener dans mon dessin et d’imaginer ce qu’il veut, et peut-être de pouvoir s’évader grâce à lui.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche de 50 x 70 cm à grain fin.
Peinture aquarelle, vinaigre de cristal de ménage.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Le mouvement est là et que mon dessin est moins triste. Après dans ma tête parfois ce n’est pas si facile de toujours mettre une idée sur sa feuille, mais ne pas essayer serait quand même dommage.

BMP – Des pastels secs, de l’eau et de la peinture aquarelle

J’avais envie de pleurer. Une angoisse m’a submergée. Alors j’ai pris mon matériel et je me suis installée dehors et j’ai dessiné.
Sur le moment je ne savais pas ce que j’allais faire. Je savais juste que je devais m’occuper les mains. Béatrice l’adulte s’en veut terriblement par moment d’exister. Je le rumine. C’est une rumination négative. C’est pour cela aussi que j’ai pris mon matériel pour aller dessiner. Pour ne pas encore plus culpabiliser et de m’accuser de je ne sais quoi. Pour ne pas donner raison à ce passé.
Là je l’écris et c’est facile d’écrire. Mais je voudrais que cela soit plus clair dans ma tête. Pouvoir foutre un gros coup de pied à toutes ses ruminations négatives !  reconnaître tout de suite que… Après voilà, ça ne sert à rien que je m’éternise sur toutes les idées négatives qui viennent me plomber et qui viennent aussi envahir les autres personnes.

Comment avez-vous procédé pour concrétiser votre dessin ?

J’ai donc procédé ainsi pour faire naître mon dessin, que je pourrais peut-être appeler « imprévu » !
Ma feuille bien à plat devant moi, j’ai pris des pastels secs et j’ai fait apparaître un arc-en-ciel. Une fois ma feuille remplie de couleur, j’ai laissé la sciure du pastel dessus.
J’ai ensuite pris un pinceau humide et je l’ai passé délicatement sur les couleurs et sur la sciure. Je fais en sorte avec le mouvement de mon poignet et de ma main de faire apparaître un mélange de couleurs encore plus douces que celles qu’il y avaient au départ.
Je souhaitais juste faire ça. J’essayais de me concentrer également là-dessus. Par moment ça a été difficile car c’était comme si je voulais laisser quelques empreintes de larmes se confondre dans toutes ses couleurs.
Toute la sciure qui se trouvait au départ sur ma feuille avait disparu. Il ne restait que les traces d’humidité du passage de mon pinceau et tout ce dégradé de couleurs dans le mouvement.
Je trouvais qu’il n’y avait pas assez de couleurs. Alors j’ai repassé sur mon dessin une petite couche de pastel :  un peu plus de couleur rose, de la couleur bleue, du jaune et du orange.
Puis j’ai laissé doucement glisser mes doigts sur ma feuille et sur cet arc-en-ciel afin de pouvoir rendre plus discrète toute cette panoplie de couleurs. Puis j’ai rajouté quelques fleurs qui elles aussi se mélangent dans le fond de mon dessin.
C’était un peu comme si je voulais moi aussi me montrer plus discrète pour justement laisser place à ce dessin qui a été fait sur le moment présent, de l’ici et maintenant. Laisser parler ce mouvement et toutes ces couleurs du moment, accompagnée de ce soleil qui est avec nous en cet après-midi et de cette petite touche de vent. Juste cet instant présent en ignorant cette angoisse qui m’avait submergée. Juste partager avec vous cette empreinte et vous laisser bercer avec celle-ci.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Dessin conçu sur feuille blanche 36 x 46 cm.
Pastel sec et peinture aquarelle.

Que ressentez-vous en regardant votre production ?

Quand j’observe mon dessin sur le chevalet, je me disais qu’on pourrait l’appeler « mélancolie en couleurs »
Je ne voudrais plus être envahie par ces ruminations négatives et de toutes ses angoisses parce ce que cela me fait oublier que je suis une personne pas si mal. Parce que je ne veux plus que cela m’emmène dans les enfers et mes démons du passé. Je ne veux plus que cela fasse mal aux personnes que j’apprécie le plus. Je ne le veux plus !