Le choix de Sophie.

J’ai mis toute une vie pour comprendre comment cette nuit là, une partie de moi avait basculé dans l’indicible, la barbarie au sens propre, la folie devant laquelle plus aucun jugement de valeur n’existe.
Je me suis souvent dit que c’était ce que les juifs avaient dû ressentir dans l’antichambre de la mort, face à l’horreur de la situation. La salle de douches qui n’en était pas une. La découverte de la duperie. La mort imminente.
Il m’a fallu aller rechercher cette enfant enfouie dans les décombres. Allongée sur la table de cuisine. Combien d’années exactement ? En fait, 40 ans. J’ai 62 ans. Elle en avait 12 à cette époque.

Du film, elle perçoit la couleur rouge qui envahit tout l’écran. C’est très gore. Une voix dit « tu choisis, c’est elle ou toi !  » et puis, elle entend « tu vois, c’était pas si difficile ».

Elle comprend à présent comment la manipulation a eu lieu. Comment son père et sa mère lui ont fait croire qu’elle était responsable de cet avortement. Non, Dominique. Il faut utiliser les mots justes : l’infanticide.
Comment maintenant ils avaient réussi à la faire glisser dans le rôle de la complice.
Un complice ne parle pas. Un complice a peur d’être découvert et éfface donc tous les indices qui pourraient faire remonter au crime.
Un crime a été commmis et il faut le faire disparaitre.

Qu’est-ce qu’il est devenu le père dans cette histoire ? Il est devenu fou, ou plutôt, il a continué sur sa lancée. Il a fini avec la maladie d’Alzheimer. Papy gâteux bouclé dans un pavillon en HP.
La mère aussi, elle a continué sur sa lancée, la mère « au-dessus de tout soupçon qui a beaucoup souffert parce que sa fille est folle ». Et la fille ? Elle a finalement compris le topo. Elle aura mis le temps. Elle sait qu’elle n’aurait rien pû changer. Qu’elle n’était pas coupable.
Elle est decendue de la table de cuisine et a pris sa petite avec elle, pour aller s’amuser.
Tout est bien. Enfin.
Elle aura mis le temps.

3 réflexions au sujet de « Le choix de Sophie. »

  1. j’avais fait un commentaire hier qui a disparu, peut-être que c’est mieux.

    Je me dis que vous Dominique vous avez vécu un avortement sur cette table, et que le rouge qui vous a hanté si souvent, oui il a là son origine.

    Mais eux les parents ils ont commis un infanticide sur leur fille. Les tueurs ce sont eux, ils ont fait ce choix là. Je pense même que les phrases qui ont dû vous hanter si longtemps ne vous étaient pas destinées. Ils se parlaient entre eux, au-dessus de votre corps, au-dessus de votre tête : le « tu vois ce n’était pas si difficile » c’est peut-être bien ce qu’a dit votre mère à votre père (je suppose que c’était lui le père du bébé). L’autre phrase « choisis c’est elle ou toi » renvoie au choix que votre père avait peut-être à faire, mais que bien sûr il n’a pas fait car qui oserait dire qu’il a commis l’inceste ?

    Vous parlez du choix de Sophie, pour moi ce livre (lu il y a très longtemps) renvoie à un choix impossible un choix proposé par un bourreau à une mère déportée dans un camp : tu choisis lequel de tes deux enfants restera en vie ; l’autre il partira vers les fours et il saura que c’est toi qui as voulu cela. C’est quelque chose qui m’a toujours noué les tripes au plus haut point.

    Je pense que vous vous n’avez eu aucun choix, vous étiez un objet couché sur cette table.

    Si je comprends bien, la Dominique s’est enfin levée, elle est redevenue vivante, elle s’est lavée de ce sang et elle et vous vous pouvez enfin vivre.

    mais ai-je bien compris ?

  2. Tout est bien, mais tout est là et les plaies béantes. On ne fait plus de mal à personne.
    Lors de l’émission « Allô Rufo » du 3 décembre 2012 sur France 5, le Dr Rufo s’est permis de répondre à une auditrice qui cherchait des conseils pour sa fille qui déclarait avoir été abusée pendant son enfance : « L’immense majorité des enfants « abusés » vont bien !  »
    On ne nous demande plus. On en a cure de la réponse et surtout la résilience est plus importante. Comment tu t’es débrouillée toi Dominique pour résilier. C’est bien, tu l’as fait, mais qu’est-ce qu’elle fout encore là ta petite de douze ans et la table de cuisine ?
    Pour ma part, toujours « illégitime » partout. Et même en fait de quoi je me mêle en te parlant de la sorte ?
    Au nom de l’émission « Médiations » le 20 mars 1989 alors qu’on crachait nos tripes et qu’on a eu de l’espoir alors qu’il n’y en avait pas, juste la continuité de la manipulation parentale par une société qui a pris la relève.

  3. Le choix de Sophie cela parle beaucoup.
    Aller chercher cette enfant dans les décombres que de chemin t’effectuez sur vous-même pour en arriver là et revivre cela aussi. La description, de l’antichambre de la mort, les personnes juives et ceux qui ont subi effectivement… terrible pas de mots.

    Responsable de cet avortement… complice… crime. Je pleure car je me retrouve dedans dans ce qu’on ma fait…moi j’ai laisser tuer….enlever une vie. Mais vous avez réussi vous ! à y mettre des mots comme vous l’écrivez à comprendre le topo, que vous n’étiez pas coupable ni complice ni responsable que vous auriez pu rien changer que vous allez essayez de réussir à vivre avec bravo !
    J’aimerais arrivez à faire comme vous à comprendre.

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