BD – Groupe de paroles : thème le physique

Le thème du groupe de ce jour samedi était : le physique.
A la fin mes troubles étaient trop forts, les mots : homme, sexes  pénis etc. m’ont complètement troublée. Je suis partie très vite, l’étouffement était là.
Je ne connaissais pas vraiment ce mot. Le droit à ce regard sur moi pour dire ce que j’en pensais, quelle idée farfelue ! Aucun droit ! Les seules personnes qui avaient le droit de ce regard étaient celles qui me touchaient et celles qui m’ont inculqué cette éducation si importante à leur yeux.
Le droit pour moi était de laisser mes lèvres fermées, d’ailleurs mon cerveau a retenu ce lavage de cerveau et convenablement à tel point que ça ne lui venait pas en tête d’avoir un avis sur ce corps de l’exprimer.
A l’heure actuelle je ne sais ce que je pourrais en dire en positif de ce mot physique ! J’ai autant de mal à recouvrir ce corps de vêtements sans vouloir le cacher absolument. Les hauts et bas, les pertes de poids n’arrangent rien. J’ai l’impression de changer de personne tous les quatre matin.
Me regarder nue m’est très difficile. Je fonctionne à ce moment là comme une machine. Je fais car je dois : je me lave, je m’habille, je me maquille etc mais sans ressentir de sensation agréable. C’est plus une obligation qu’autre chose. Je dois être présentable comme je devais le faire pour les mères et autre !
Il y a une situation qui m’effraie énormément et constamment : cette odeur que ce corps peut dégager envers les autres, derrière lui cette angoisse de sentir mauvais, de me voir sale, me met dans tous mes états, me désinfecter pour rester neutre est importante chez moi, retrouver mon odeur de bébé, la première odeur qu’on laisse quand on né. Mon odeur à moi est impossible à retrouver. Elle a disparue à jamais. Ce mot passer inaperçue ressort beaucoup en moi.
Difficile aussi d’entendre le mot compliment me concernant, entendre des mots positifs, l’agressivité aussitôt ressort de moi envers les autres, une méfiance est là elle se présente aussitôt. Dans cette tête les mots comme : je suis capable, de faire et de dire, me pétrifient. Il y a toujours cette honte qui se rabat sur moi.
Je n’arrive pas à me sentir comme une femme. Pour moi je ne suis pas mature, pas vraiment normale, je n’arrive pas à vraiment m’imposer envers les autres la plupart du temps.
Au bout d’un moment le mot « en boule » revient au galop. La petite fille qui n’a pas le droit de parler revient. J’arrête là car la liste n’est pas finie mais un début de rien de positif et cela ne m’aide pas non plus.

Je me demande comment je peux retrouver le mot corps, le regarder, l’aimer, l’accepter tel qu’il est sans en avoir honte quand je le regarde. Comment je peux mettre en symbiose le corps, le plaisir et le mot ressentir. Tout cela en moi d’une façon normale. Lui dire que je l’aime. J’ai tellement mal en moi, je ne sais jamais qui je vois vraiment dans la glace.

Ou est le positif de ce corps ? Où est le positif de ce physique etc. ? je le trouverais sûrement un jour. Un chemin semé d’embûches, mais il y à sûrement un positif non ? Mais il est bien enfoui, il doit sortir ! Comme béatrice.

La parole confisquée des victimes de viols par inceste au long-court

En 1986, j’ai rejoint le mouvement féministe. Mon père – officier supérieur – m’a violée pendant à peu près 15 ans parce que la première fois, je ne m’en souviens pas mais j’avais 8 ans pour mon premier souvenir et la dernière c’était en 1984, j’avais 24 ans.

Le groupe de parole

Le collectif féministe contre le viol organisait un groupe de parole. Nous étions neuf.
Claudine parlait tout le temps, ramenait tout à elle. Monique racontait plus doucement des histoires qu’elle se répétait en boucle. Il y avait aussi trois autres jeunes femmes qui allaient mal et il y en avait deux qui reprenaient à leur compte les histoires des autres, ce qui fait que je ne sais pas vraiment ce qui leur est arrivé.
Il y avait une psychologue en formation et Simone Iff militante, présidente du collectif et venant du planning familial. Avec Anne, une dame plus âgée que nous, lorsque nous avons eu compris, assez rapidement, cette appropriation de l’histoire de l’autre, nous avons commencé à nous taire. Nous sentions aussi une pesanteur lorsque nous prenions la parole. Nos histoires commençaient à devenir trop lourdes.

La conspiration des oreilles bouchées

Nous avons fait une vidéo commandée par le Ministère de la santé : « L’inceste, la Conspiration des oreilles bouchées ».
L’une d’entre nous, Claudine – père chef d’une petite entreprise – venait aux émissions de télévision avec moi.
La plus jeune Monique donc, violée par son grand-père lors de vacances aux Baléares est restée comme la plus représentative. Lorsque la vidéo est présentée en extrait quelque part, c’est elle qu’on entend. Le grand-père, une fois l’an, ça fait moins peur.
Anne parle de couverts en argent, après la messe et alors que son père était monté à cheval. Anne n’est plus apparue nulle part.

Émission « Médiations »

Le summum a été atteint pour moi, lorsqu’à la préparation de l’émission « Médiations » de François de Closet, il m’a été intimé l’ordre de ne pas dire que les viols avaient duré jusqu’à 24 ans. On m’a donné la parole tout en me la confisquant. Les viols auraient du s’arrêter à 18 ans. Plus de case où me coller, on déni, on occulte. Et ainsi l’ont fait tous les journalistes des émissions suivantes.
Quelques trois ans plus tard, je n’avais plus ma place au collectif. La lutte contre les viols par inceste était passée aux associations d’aide aux enfants1 qui maintenant ne s’occupent pas d’inceste donc viols intra-familiale, mais de pédophilie, viols extra-familiale. On ne remet pas en cause la famille et le patriarcat, on remet en cause l’organisation sociale.
Le Nouveau manifeste des 343
Il est étrange de constater qu’en ce mois d’aout 2012, Clémentine Autain a lancé un Nouveau manifeste des 343, qui paraître au mois de novembre 2012 dans Le Nouvel observateur. Je l’ai signé parce que j’ai invoqué les viols subis en tant qu’adulte par un employeur et un conjoint. Quand on a été dressée pour le viol, on a du mal à le considérer quand il arrive. Les organisatrices du manifeste ne prennent pas les signatures des incestées, parce que ce sont des enfants qui ont subi les viols.