BMP – Visages pour essayer de traduire l’indicible

BMP – Visages pour essayer de traduire l’indicible
Il m’arrive d’être submergée par mon passé, ce passé qui est de l’ordre de l’indicible. Quand cela m’arrive, c’est si fort et si violent que la seule chose possible, est alors de prendre mon crayon et de dessiner, car les mots dans ces moments-là me manquent. Du moins je n’en trouverais pas d’assez forts pour retranscrire ce que je vis et ce qui retourne mon cerveau à m’en rendre dingue. C’est l’indicible, le silence, les hurlements, les douleurs, les angoisses, la frayeur « d’être » qui est au volant sans oublier les dissociations qui mettent mes parties émotionnelles dans tous leurs états et donc moi-même quand je reviens à Béatrice. Je dois toujours me montrer forte devant ce fait. Me tenir droite respirer la vie !

Définition de l’indicible.
Le mot « indicible » est d’abord un adjectif : est indicible ce qui ne peut pas être dit, c’est-à-dire ce qui ne peut pas être exprimé et transmis par la parole, elle-même définie comme l’usage qui est fait du langage et de la langue dans un contexte particulier, et qui se distingue des communications orales diverses, comme les cris, les alertes ou les gémissements.

Je vais donc prendre mon crayon et dessiner. Je me dis que quand je fais cela, j’enlève un peu à chaque fois de cet indicible de mon cerveau. Même si ce n’est qu’une image, je pense que tout n’est pas faux dans ce mouvement. Cela me sécurise, parce que prendre mon pinceau ou un crayon, c’est une force et une barrière de sécurité mais aussi pour éviter une mise en danger pour moi-même.
Si un jour ça change dans mon cerveau, je suis foutue, mes démons etc prendront la relève et me noieront définitivement.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

Je prends mes crayons et je commence à faire apparaître mon esquisse tout en me répétant en boucle : ça va aller. Béatrice, ça va aller, tu es dans le présent. Tout comme j’essayais de rassurer mes parties émotionnelles. Mes larmes n’étaient pas loin, j’avais tellement mal dans ce cerveau. Je ne demandais rien d’autre et je ne voulais rien d’autre à part coller, faire parler ce mouvement de coller sur ma feuille !
Je dessine donc plusieurs visages, quatre, et je dépose sur chacun, je colle plus précisément une émotion différente. Le hurlement, la tristesse, la peine et l’interdiction de parler.
Là, quand j’écris pour expliquer, je me dis que j’aurais pu aussi dessiner une grenade prête à exploser dans un cerveau. Cela aurait bien exprimé mon ressenti, lorsque mon cerveau est retourné par cette violence. Mais l’idée ne m’est pas venue, seuls les visages me parlaient.
En moi, je voulais les détruire les mettre en morceaux pour les tuer, pour les enlever de mon cerveau, mais cette rage que j’ai en moi, provoque aussi beaucoup de frayeur. Avoir peur de soi et de ses réactions ça me donne l’impression d’être une étrangère à moi-même.
Une fois mon esquisse terminée, mettre des couleurs m’angoissait, je sentais que dans mon cerveau ça se bousculait encore plus. Donc j’ai choisi d’utiliser mes divers crayons graphiques et de prendre plaisir à déposer des dégradés sur tous ces visages et de les estomper avec mes doigts.
Plus j’avançais dans ma production et plus je me sentais émue. Déposer du mal, du violent sur une feuille ça remue les tripes. Cela donne l’impression de se décomposer de plus en plus, mais ensuite, cela permet de se recomposer, mais c’est beaucoup moins violent. C’est comme un tâtonnement qui reprend la relève, quand on essaye de remettre les pièces de ton cerveau dans le bon ordre, mais comment trouver le bon ordre ? Pourtant je me sentais un peu moins dans cet indicible, mais pas complètement rassurée non plus.
Mais avoir dessiner ces visages m’a dénoué l’estomac. La lourdeur du début n’était plus là. Voilà le positif !

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Une création conçue sur une feuille 36 x 46 cm. Comme médium : crayon HB pour mon esquisse, des crayons Castells ; 7B, 6B ; 5B, 4B.

Que ressentez-vous face à votre création ?

Je regarde ma production, j’ai envie de dire ouf ! Alors je le dis bien fort et ça devant cette production. Un message pour ces visages peut-être. Un laissez moi vivre ! Oui sûrement ! Souvent je dis à mon psychiatre qu’il faudrait me nettoyer la mémoire et ne me laisser que le « bon ». Comment tourner la page quand ça revient sans cesse ?

BMP – Un musicien aux quatre doigts et aux yeux tristes

BMP – Un musicien aux quatre doigts et aux yeux tristes
J’avais envie de jouer avec des formes légèrement en arrondi, pas droites du tout, et qui montreraient un léger tremblement.
Dans ma tête, j’avais envie de pencher de coté, de musique, mais pas n’importe comment, avec un instrument qui serait inconnu et qui serait tenu par une main pas comme les autres. Ce serait une façon de retranscrire des douleurs.
Voilà avec tout cet ensemble, j’allais bien pouvoir faire apparaître une nouvelle création. Quand je crée j’ai besoin de rassembler ce qui se passe dans ma tête. Même si je ne peux pas tout retranscrire, ce n’est pas grave, car il en reste toujours suffisamment. Ce que je retiens je le fais grandir d’une autre façon dans un autre mouvement, ce qui me lance sur une voie de découverte et qui permet la naissance de ma composition.

Comment avez-vous concrétisé votre esquisse ?

J’ai froid et donc je me suis dit que j’allais réchauffer la forme de mon ébauche en rajoutant un chapeau, oui pourquoi pas ? Un musicien avec un chapeau ça existe ! Je commence donc par faire apparaître celui-ci sur ma feuille, puis je commence à mettre ma première envie, en mouvement, qui était de faire apparaître des formes en arrondi.
Je dessine donc un visage penché avec son cou, suivi de son épaule. Je continue mon ébauche tout en m’amusant à faire naître un bras, à moitié rétréci, dans sa largeur avec au bout cette main avec quatre doigts. Il ne restait plus qu’à rajouter ma dernière idée : dessiner un instrument de musique à peine reconnaissable, hum ! moi-même j’aurais du mal à décrire un violon. Je ris, car je m’amuse beaucoup quand je frôle le monde du cubisme. Parfois, ça ressemble à une complexité rigolote un peu comme moi pour me comprendre, mais l’émotion est alors tellement forte, que je ne sais plus trop. Je me perds et je me retrouve.
Voilà mon ébauche est terminée, mon musicien était là, je devais le recouvrir de couleurs afin qu’il puisse jouer de son instrument de musique avec ses quatre doigts. Sans oublier sa tristesse qui sortait de ses yeux. Ce n’est pas une mauvaise tristesse, de l’émotion peut-être !
Je me suis promenée dans le jardin des couleurs suivantes : l’orangé, le jaune, le bleu clair, le vert, le marron, le violet, le rose et du marron foncé entre autres. Quelques finitions ont été faites aux feutres de couleurs.
Mais tout devait rester dans un mouvement d’arrondi et de non-droit dans les traits.

Quels matériaux avez-vous utilisés ?

Création conçue sur une feuille de format 36 x 46 cm. Comme médium : crayon HB pour mon esquisse, de la peinture aquarelle. Des feutres pour les finitions.

Que ressentez-vous face à votre création ?

J’observe ma production, dans ma tête, je ne me sens pas « très droit », mais pourquoi s’arrêter à cela. Des yeux bleus sont là retranscrivant une tristesse d’une grande douceur. Mais il n’y a rien de mal ou de violent. Dans les couleurs, je ne me sens pas si mal !