1/ Le cancer sans crier gare

15 août 2003
Le cancer était apparu sans qu’elle ait pu le dévisager. Il l’avait surprise. Choc négatif et pourquoi pas constructif ? Claude allait lutter contre cette réalité.
Une maxime de Georg revenait comme une musique lancinante en remontant la rue, pour rentrer chez elle, après l’annonce : « Il faut réaliser ses rêves dans la réalité, quelquefois contre la réalité, mais jamais sans la réalité. » Alors là, Monsieur qui sait ce qu’est la réalité ! Camille était furieuse, elle supposait que celle-là, il ne l’avait pas vu arriver. Pourquoi était-elle sûre qu’il y avait un lien entre sa maladie et l’abandon de Georg ? Quel sens avaient les mots rêve et réalité, semblables au fouet dans le cancer qu’elle développait ?
Campée sur une définition médicale Claude se rassurait : « Tumeur maligne due à une multiplication anarchique des cellules d’un tissu organique. » Elle intellectualisait et cherchait des métaphores : « Emprunté au latin cancer « écrevisse, crabe » » Elle avait la trouille et ne cessait de s’invectiver intérieurement.
« Oh, tu nous casses les pieds avec ton « jus de crâne » ! Moi je suis d’accord avec Sartre : « La littérature moderne, en beaucoup de cas, est un cancer des mots. »
–    Quant à la quatrième constellation du Zodiaque, et le Tropique du Cancer, tu en fais quoi ?
–    Parce que Georg est du signe du Cancer ?
–    Parce que mon cerveau essaye de tuer mon cœur.
–    Ça, ma vieille, c’est le syndrome du cœur brisé, mais tu exagères, ça fait dix ans, avec le temps ?
–    Le temps ne change pas la réalité. Pour moi, seules les actions changent le cours des choses. L’inertie ne crée rien de nouveau. »

Autres textes de l’Auteure obligatoirement anonyme

2/ Un étrange compagnon qui n’était pas la mort
3/ « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »
4/ Le cancer était comme une épée qu’elle s’était plantée dans le cœur
5/ Dans l’ordre de « l’infinie répétition du même »
6/ La maladie impose une privation qui n’a pas cause humaine et fait de la mort une douleur
7/ L’annonce du cancer
8/ Le sein allait disparaître

Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »

Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »
décembre 1998
« Je me suis intéressée à l’art-thérapie suite à un traitement que j’ai suivi pour guérir d’un cancer du sein. Durant ma convalescence, dans l’espoir d’expulser définitivement la tristesse qui m’habitait, j’ai fréquenté un stage de thérapie par le modelage. J’ai vécu mon expérience la plus forte lorsqu’il m’a été demandé de façonner dans l’argile, les yeux bandés, un personnage me représentant. Le résultat final m’a horrifiée et m’a fait fondre en larmes. Maigre, le corps marqué de trous, la tête partagée en deux, cette représentation sentait les métastases et la souffrance. J’étais persuadée que cela présageait une mort prochaine. L’art-thérapeute m’a alors écoutée vider toutes les peurs que j’avais accumulées en moi.
Sa recommandation ? “Mets cette statue dans un chiffon mouillé et emmène-la chez toi pour lui donner l’allure que tu souhaites.” J’ai ainsi retravaillé durant six semaines. A mon rythme, j’ai bouché les trous, lissé les surfaces… Masser cette poupée de terre était une façon détournée de prendre soin de moi. Mais le plus agréable à mes yeux était cette joie qui me gagnait au fur et à mesure du rétablissement de mon personnage, de ce prolongement de moi. »

Indication

Evidemment, l’art-thérapie est particulièrement indiquée pour les enfants chez lesquels l’introspection est souvent difficile, comme pour les adolescents, souvent réfractaires à l’approche psychothérapeutique classique. Chez les adultes, outre le fait qu’elle permette dans tous les cas d’accéder à une meilleure connaissance de soi, la méthode se révèle très bénéfique pour les personnes éprouvant des difficultés à fouiller leur problématique par la parole ou qui, au contraire, parlent facilement d’eux sans jamais progresser.
L’art-thérapie donne aussi d’excellents résultats avec les grands malades qui expriment alors leurs douleurs, avec les toxicomanes, les détenus ou les marginaux pour qui la création d’une œuvre induit une revalorisation d’eux-mêmes, mais aussi les personnes âgées dont la création répond, entre autres, à un besoin de reconstruction par la rétrospective de leur vie avant de mourir.

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Salima

Salima, 32 ans, souhaite renouer avec ses émotions et sa créativité. Ariane Walker, thérapeute, l’y a aidé (Atelier Le fil d’Ariane. Rens. : 01.48.59.44.98.)

Première séance :

« Il y a six pièces, explique Salima, et on est six enfants… — Moi, j’en compte sept, répond la thérapeute, il y a celle où tu as signé. — C’est vrai. Nous étions sept. Un frère est mort avant ma naissance. On ne parle jamais de lui… »

Deuxième séance :

Salima décrit ce dessin comme un visage alors qu’il est fragmenté, en vrac. Un trait noir et épais entoure chaque élément mais ne contient ni ne délimite aucun visage.

Troisième séance :

« C’est le mal/mâle qui pleure », commente Salima. Une structuration du visage apparaît mais toujours pas de contenant. Les émotions surgissent. « Mon père ne voulait pas qu’on pleure, il nous a élevées comme des garçons. »

Sixième et dernière séance :

Pour la première fois, le visage se reconstruit. Le trait, allégé, le contient et le limite en le rattachant, d’un seul geste, à une ébauche de corps. « Je suis endormie, il faut que je me réveille », dira-t-elle.

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