#OctobreRose, revoilà la guimauve rose culpabilisante contre le cancer

Logo-L'obs-rue-89Jeudi 1er octobre 2015

Renée Greusard | Journaliste Rue89

Ça y est, sur les réseaux sociaux, le hashtag #octobrerose pousse comme un champignon. Pour la 21e année consécutive, cette campagne de lutte contre le cancer du sein a été lancée. Et sur le site de l’association qui en est à l’origine, « Le cancer du sein, Parlons-en », on lit :

« 1 femme sur 8 risque de développer un cancer du sein.
Chaque année, le dépistage précoce permet de sauver des milliers de vies. »

Mais aussi :

« Convaincre les femmes du rôle primordial du dépistage précoce et faire progresser la recherche, telle est la vocation de cette campagne et de l’association. »

En octobre, on va donc repeindre le monde en rose. Pourquoi du rose ? Bah, parce que c’est la couleur qui rend hommage aux filles ! (C’est quoi cette question pourrie ?)
Nous sommes le 1er octobre, mais la tour Eiffel est déjà devenue rose (à vrai dire j’aurais plutôt dit violette, mais on ne va pas relancer les débats qui déchirent les familles et la patrie).
Les marques aussi sont hyper émues et contre le cancer (d’ailleurs, la toute première campagne du ruban rose lancée aux États-Unis en 1985 était à l’initiative d’une fondation associée à un labo).
En fait, tout est possible du moment que c’est rose ou que c’est à peu près comme des seins.
La palme de la plus jolie des initiatives va à Aufeminin.com : cœurs sur vous pour avoir lancé une campagne dans la campagne. #touchetesseins est un hommage à la palpation. Si vous voulez participer, il faut procéder ainsi :
« 1) Je me prends en photo les mains sur la poitrine
2) Je partage ma photo sur les réseaux sociaux avec le hashtag #ToucheTesSeins
3) J’invite 3 de mes amies à participer »
Bon, OK, Au féminin, vous auriez pu juste être utile et diffuser votre guide de palpation, comme Poulet Rotique, par exemple. Mais comme ça, c’est mieux. Plus beau. Plus malin.

Bref, lutter contre le cancer du sein, on aime ça. Et dépistages presque obligatoires aussi. Qui pourrait être contre ? C’est comme le sida => on est contre.
Enfin « on ». Quelques gros ronchons trouvent tout de même le moyen de râler. Et depuis longtemps par dessus le marché…
En 2012, déjà, l’UFC-Que Choisir tirait la sonnette d’alarme et interpellait « les pouvoirs publics pour garantir le droit des femmes de choisir librement et de manière éclairée de se faire ou non dépister » :
« L’importante controverse scientifique autour de la balance bénéfices/risques (bienfaits surévalués et inconvénients sous-estimés) du dépistage a abouti à un changement de la communication dans de nombreux pays (Danemark, Suède, Canada, etc.), le Royaume-Uni lançant même un réexamen des données scientifiques pouvant aboutir à la remise en cause du dépistage organisé.

Avec “ Octobre rose ”, la France, elle, continue le matraquage, pour ne pas dire la propagande, autour des seuls bienfaits du dépistage… Trois épines égratignent ainsi le choix éclairé des Françaises : une information partielle et obsolète, des injonctions pressantes et culpabilisantes et des médecins intéressés financièrement. »

Les abus du dépistage

Du côté des ronchons (dont le problème est sans aucun doute une aversion pénible pour le rose), on trouve même un site, Le cancer rose, dont l’objectif est résumé en ces termes :
« Tous les ans en octobre le monde est rose pour la cause du cancer du sein.

La course ne fait pas reculer le cancer, mais avancer les affaires.
Le don ne réduit pas la mortalité, mais fait vivre les marques.
Le spot télévisé profite aux médias et associations, mais vous désinforme.

Éteignez la télé, ôtez le ruban, cessez de courir et entrez ; ici cinq médecins indépendants ont créé ce site pour vous, pour relayer informations, controverses et outils de compréhension du cancer et des abus du dépistage. »

Ici, plutôt que de poser avec des ballons et du rose comme les gens bien, on parle beaucoup de surdiagnostic. Études à l’appui. La dernière citée date de juillet 2015 et a été entre autres réalisée par des chercheurs d’Harvard.

Ils ont voulu examiner les associations entre les taux de mammographie et les incidences du cancer du sein, mortalités et taille de la tumeur. Pour ce faire, ils ont observé, pendant l’année 2000, 16 millions de femmes de 40 ans ou plus. Parmi elles, 53 207 ont déclaré un cancer du sein cette année-là. Les chercheurs les ont suivies jusqu’au 31 décembre 2010. Les analyses ont eu lieu entre avril 2013 et mars 2015.

Pas moins de morts…

A un niveau local (comté américain), on diagnostique plus de petits cancers avec les mammographies. En revanche, on ne constate pas un déclin des dépistages de « grands » cancers. Et il n y a pas moins de morts chez les diagnostiquées de la maladie. Conclusion de l’étude :

« Ces découvertes suggèrent que le surdiagnostic est répandu. »

Les médecins du « crabe rose » jugent donc qu’il faut cesser de culpabiliser chaque année les femmes pour qu’elles se fassent dépister. Ils parlent même de « fausses alertes » [PDF].

« C’est-à-dire l’annonce d’une lésion mammographique qui ne s’avère pas réelle, et le surdiagnostic. Le surdiagnostic est la découverte d’un cancer qui n’aurait pas affecté la santé de la femme de son vivant, s’il n’avait pas été détecté.

Le bénéfice s’avère beaucoup plus faible que présenté officiellement, en raison notamment du faible risque en valeur absolue de mourir de ce cancer, et de la faible efficacité du dépistage. »

C’est sensiblement le même débat qui existe au sujet du cancer de la prostate. En septembre 2014, on vous parlait de médecins qui mettaient en garde contre les dépistages précoces suivis de traitements agressifs « alors même qu’ils n’auraient peut-être jamais fait de mal ».

Puis on a intervewé Didier Sicard, professeur émérite à l’université Paris-Descartes, ancien président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Lui disait au sujet du surdiagnostic :

« Cette question dépasse largement celle du cancer. C’est une question contemporaine qui est liée à l’inscription nouvelle du principe de précaution en médecine. C’est un principe légitime sur le plan de l’environnement mais en médecine, il aboutit à des absurdités économiques et à des contradictions. »

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Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »

Art-Thérapie – Line, 42 ans : « J’ai pris soin de moi grâce à mon double d’argile »
décembre 1998
« Je me suis intéressée à l’art-thérapie suite à un traitement que j’ai suivi pour guérir d’un cancer du sein. Durant ma convalescence, dans l’espoir d’expulser définitivement la tristesse qui m’habitait, j’ai fréquenté un stage de thérapie par le modelage. J’ai vécu mon expérience la plus forte lorsqu’il m’a été demandé de façonner dans l’argile, les yeux bandés, un personnage me représentant. Le résultat final m’a horrifiée et m’a fait fondre en larmes. Maigre, le corps marqué de trous, la tête partagée en deux, cette représentation sentait les métastases et la souffrance. J’étais persuadée que cela présageait une mort prochaine. L’art-thérapeute m’a alors écoutée vider toutes les peurs que j’avais accumulées en moi.
Sa recommandation ? “Mets cette statue dans un chiffon mouillé et emmène-la chez toi pour lui donner l’allure que tu souhaites.” J’ai ainsi retravaillé durant six semaines. A mon rythme, j’ai bouché les trous, lissé les surfaces… Masser cette poupée de terre était une façon détournée de prendre soin de moi. Mais le plus agréable à mes yeux était cette joie qui me gagnait au fur et à mesure du rétablissement de mon personnage, de ce prolongement de moi. »

Indication

Evidemment, l’art-thérapie est particulièrement indiquée pour les enfants chez lesquels l’introspection est souvent difficile, comme pour les adolescents, souvent réfractaires à l’approche psychothérapeutique classique. Chez les adultes, outre le fait qu’elle permette dans tous les cas d’accéder à une meilleure connaissance de soi, la méthode se révèle très bénéfique pour les personnes éprouvant des difficultés à fouiller leur problématique par la parole ou qui, au contraire, parlent facilement d’eux sans jamais progresser.
L’art-thérapie donne aussi d’excellents résultats avec les grands malades qui expriment alors leurs douleurs, avec les toxicomanes, les détenus ou les marginaux pour qui la création d’une œuvre induit une revalorisation d’eux-mêmes, mais aussi les personnes âgées dont la création répond, entre autres, à un besoin de reconstruction par la rétrospective de leur vie avant de mourir.

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Salima

Salima, 32 ans, souhaite renouer avec ses émotions et sa créativité. Ariane Walker, thérapeute, l’y a aidé (Atelier Le fil d’Ariane. Rens. : 01.48.59.44.98.)

Première séance :

« Il y a six pièces, explique Salima, et on est six enfants… — Moi, j’en compte sept, répond la thérapeute, il y a celle où tu as signé. — C’est vrai. Nous étions sept. Un frère est mort avant ma naissance. On ne parle jamais de lui… »

Deuxième séance :

Salima décrit ce dessin comme un visage alors qu’il est fragmenté, en vrac. Un trait noir et épais entoure chaque élément mais ne contient ni ne délimite aucun visage.

Troisième séance :

« C’est le mal/mâle qui pleure », commente Salima. Une structuration du visage apparaît mais toujours pas de contenant. Les émotions surgissent. « Mon père ne voulait pas qu’on pleure, il nous a élevées comme des garçons. »

Sixième et dernière séance :

Pour la première fois, le visage se reconstruit. Le trait, allégé, le contient et le limite en le rattachant, d’un seul geste, à une ébauche de corps. « Je suis endormie, il faut que je me réveille », dira-t-elle.

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