Lucas a 14 ans. Il se plaint fréquemment d’un sentiment d’angoisse et d’une boule dans l’estomac. Les examens médicaux n’ont rien donné. Son père, inquiet de ses accès de colère de plus en plus fréquents, lui propose de consulter une art-thérapeute.
« Au début de sa première séance, Lucas m’a parlé très facilement de sa situation familiale et a semblé plein d’énergie à partir du moment où il a commencé à vider son sac », analyse Angela Evers, art-thérapeute, artiste peintre et auteure du Grand Livre de l’art-thérapie. Lorsqu’il avait 7 ans, ses parents ont divorcé. Il a habité avec sa mère, ne voyant son père que le week-end. Mais, quatre ans plus tard, sa mère est partie vivre avec son nouveau compagnon à l’autre bout de la France et a confié Lucas à son père. Au fil de la discussion, la thérapeute comprend que, à défaut de s’autoriser à être triste, le jeune garçon exprime son sentiment d’abandon par ses colères, et qu’il n’y a plus de réelle communication entre lui et sa mère, même si elle l’appelle souvent.
Boule d’argile
« À un moment donné, il m’a demandé combien de temps cette boule dans l’estomac allait durer, raconte Angela Evers. Je lui ai proposé que l’on examine de plus près ce qui lui faisait mal. J’ai alors posé une motte d’argile sur la table. Avec l’ambivalence digne d’un adolescent, à la fois content que l’on s’occupe de lui et honteux de se découvrir devant un adulte, il a modelé une boule de la grosseur d’une orange. » La thérapeute demande ensuite à Lucas d’écrire les problèmes que lui pose cette boule sur une grande feuille de dessin. « En art-thérapie, nous pouvons utiliser plusieurs médias : peinture, dessin, collage, théâtre, danse, musique et voix, mime, marionnettes, et même cuisine et jardinage, poursuit-elle. Cette méthode met en jeu un processus créatif, une mise en mouvement de l’esprit et du corps. Ce qui permet, comme la psychanalyse, de travailler sur “l’insu”, c’est-à-dire l’inconscient, donc de faire émerger l’indicible, d’entrer en contact avec nos véritables émotions, de les identifier, de les nommer. »
Angela Evers propose alors à Lucas de décortiquer sa boule pour voir ce qu’elle contient. Il forme huit morceaux de taille différente, les malaxe un certain temps, puis écrit le mot qui correspond le plus au ressenti qu’il attribue à chaque morceau. Peur et tristesse qualifient les plus importants. Colère, appréhension, stress, solitude, motivation, espoir, ambition viennent ensuite. « Je l’ai invité à commenter chacun de ces termes, explique la spécialiste. Comme il parlait avec aisance, il a pu évoquer sa famille “défaite”, sa mère partie, la pression scolaire… En regardant son étrange assemblage, il a dit : “Ce n’est pas très beau.” Une séance d’art-thérapie n’est pas un atelier de peinture, de danse ou de musique. C’est un lieu où l’on peut s’exprimer en toute “inconscience”. Je lui ai répondu que le fait que ce soit beau ou pas n’avait aucune importance, mais que sa création lui permettait de donner une forme concrète à ses sentiments confus. »
Boule au plexus
Finalement, la thérapeute lui propose de mettre sa main sur son plexus lorsqu’il a mal et d’écouter cette douleur plutôt que de vouloir s’en débarrasser. « Lors de la deuxième séance, Lucas m’a dit qu’il n’avait plus ressenti cette boule, sauf au moment du coucher. Nous avons fait six séances, où nous avons abordé sa place dans la famille, le sentiment d’abandon, la perte de complicité avec sa mère, le fait qu’il ne se soit jamais permis de pleurer et qu’il ait dû grandir trop vite. Et nous avons enfin pu parler des morceaux d’argile appelés “motivation”, “espoir”, “ambition”. Au terme des six semaines, la boule était partie, et Lucas s’est rendu compte qu’il pouvait choisir de s’engager dans une nouvelle vie, plus autonome. »
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