Centres de déradicalisation en France : déjà un échec ?
Dimanche 22 Janvier 2017
Par Xavier Frison
Après un nouveau couac provoqué ce vendredi par la présence d’un pensionnaire mis en examen, le centre de déradicalisation de Beaumont-en-Véron en Indre-et-Loire, par ailleurs sous-utilisé, concentre les critiques. Quant aux 12 autres prévus un peu partout en France, aucun n’a encore vu le jour…
Le paisible domaine de Pontourny dans la tourmente. Niché à quelques encablures de la douce cité de Chinon et de ses vignobles, en Indre-et-Loire, le premier centre « de prévention, d’insertion et de citoyenneté » de France, ouvert en septembre 2016 sur la commune de Beaumont-en-Véron, n’en finit pas d’accumuler les déconvenues. À l’origine, les pensionnaires devaient être dûment sélectionnés : adultes de 18 à 30 ans, signalés par leurs familles et accueillis pour une durée maximale de 10 mois. Mais surtout, ces pionniers devaient être volontaires et non concernés par une procédure judiciaire en cours pour des faits de terrorisme ou de violence. Étaient également exclus les fichés S et ceux qui avaient fait le voyage jusqu’en zone de combat djihadiste.
Procès de la tuerie d’Istres – Karl Rose
Procès de la tuerie d’Istres : le témoignage d’un père dépassé par la dérive de son fils
De notre envoyée spéciale Louise Colcombet À Aix-En-Provence (Bouches-Du-Rhône)
10 janvier 2017
Le père de Karl Rose, jeune homme accusé d’un triple meurtre à Istres en 2013, a livré hier le témoignage d’un homme dépassé par la dérive de son fils. Sans aucune remise en question.
La phrase, d’une froide brutalité, tombe comme un couperet. Elle a le mérite de donner le ton. Évoquant ses rapports avec son fils, jugé depuis jeudi pour un triple assassinat à la kalachnikov dans les rues d’Istres en avril 2013, à l’âge de 19 ans, Gilles Rose a livré hier, devant les assises des Bouches-du-Rhône, le récit d’un père dépassé, impuissant face à la dérive de Karl, qu’il a élevé seul depuis l’adolescence. Sans pour autant se remettre jamais en question. « C’est comme si j’étais sur une rive avec le reste de la société, et lui sur l’autre rive. Et la rivière est devenue un fleuve », euphémise-t-il.
« A un moment, j’ai souhaité qu’il meure pour que moi, je puisse continuer à vivre »
GILLES rose père de Karl
De ce fils, souffre-douleur au lycée à cause de son obésité, en guerre avec une mère étouffante, surdoué de l’informatique réfugié dans le virtuel et sa passion des armes, il explique qu’il n’était « pas bien depuis l’adolescence ». « Mais avec lui, on ne pouvait pas communiquer », se défend Gilles Rose, anticipant les reproches. Alors oui, assène-t-il très vite : « A un moment, j’ai souhaité qu’il meure pour que moi, je puisse continuer à vivre. »
A l’exact opposé d’une mère fragile qui expliquera, dans un long monologue introspectif, qu’elle se sent « responsable » au point d’avoir « l’impression de lui avoir mis le fusil à l’épaule », Gilles Rose, lui, élude. Les armes ? « J’étais un peu au courant », dit-il. « Je l’ai vu bricoler un pistolet, je l’ai mis dehors un mois et demi. » Les envies de meurtre ? « J’ai pris ça pour de la provocation. » Ses consultations Internet morbides et obsessionnelles ? « J’ignorais tout. » Tout juste glissera-t-il, et de mauvaise grâce, un maladroit « désolé pour ce contretemps » aux familles de victimes…
« Je voulais me venger des adultes »
« Je voulais me venger des adultes », avait détaillé Karl Rose au premier jour de son procès, esquissant enfin un mobile. Se venger des maltraitances de sa mère — qu’elle a niées hier, reconnaissant toutefois les « lacunes » de son éducation —, se venger des « saloperies » de son père, qu’il a publiquement accusé, lors de son procès pour détention d’armes il y a un mois, de lui avoir fait subir des violences sexuelles. Une hypothèse plausible selon la mère de Karl, qui a fait part hier de ses « gros doutes ». Aussi, lorsque Gilles Rose évoque une « petite enfance qui s’est plutôt bien passée », son fils explose : « Violeur de gosses ! Ça s’est plutôt bien passé, hein ? », s’étrangle-t-il, tordu de souffrance, en larmes.
« Je crois qu’il a perdu pied, et qu’il relève désormais de la psychiatrie »
lâche, plein de morgue, Gilles Rose. Questionné sur des contenus pédopornographiques sur son ordinateur, l’homme assure qu’il s’agissait d’un service rendu à un « vieux monsieur » de son immeuble. Passablement agacé, Gilles Rose ne cache plus son courroux. Revenant sur le jour des faits, Me Yannick Le Landais, l’un des avocats de Karl Rose, s’interroge : « Votre fils part en vous disant qu’il va se suicider, vous ne le rattrapez pas ? » « Pour lui dire quoi ? Ne va pas te tuer ? », s’emporte Gilles Rose. « Je vous souhaite bien du courage pour le défendre… » conclut-il, sans un regard pour son fils.
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