2 juin 2015 | Auteur Jacques Thomet
Un malaise palpable a gagné les assises de Rennes où le procès de Daniel Legrand fils devient en filigrane celui des enfants violés, aux yeux des connaisseurs du dossier.
Après ses frères Jonathan et Chérif, Dimitri Delay a accusé lundi le fils Daniel Legrand de l’avoir violé à Outreau quand ils étaient mineurs, mais le déroulement des audiences fait la part belle aux adultes acquittés à Paris en appel en 2005 après le premier procès de Saint-Omer en 2004.
5 des 13 accusés acquittés de l’époque ont été invités à témoigner lundi. Ils ont tous entonné le même refrain : je ne connaissais pas le fils Legrand, il ne s’est rien passé chez Thierry et Myriam Delay (deux des quatre condamnés à Outreau), et je n’ai violé personne.
Karine Duchochois a conclu que les enfants avaient menti, et les autres, David Brunet, Thierry Dausque, Sandrine et Franck Lavier l’ont laissé entendre en disqualifiant leurs procès, comme si 12 mineurs n’avaient pas été reconnus comme victimes de sodomies et indemnisés en 2005. D’autres adultes acquittés viendront témoigner les prochains jours, dont l’huissier de justice Alain Marécaux, l’abbé Dominique Wiel et Roselyne Godard « la boulangère ».
L’apogée du malaise ambiant a été atteinte avec le témoignage sans précédent de l’avocat général aux assises de Paris en 2005, Yves Jannier. Les avocats de la partie civile, Lef Forster et Patrice Reviron, se sont insurgés contre l’invitation faite à ce magistrat, aujourd’hui procureur à Pontoise et avocat général à Versailles, par… le propre avocat général de Rennes, Stéphane Cantero, donc normalement en charge de l’accusation au nom du ministère public.
« N’est-ce pas une irrégularité de procédure que de vous convoquer ? », s’est interrogé Me Forster. Un duel à fleurets mouchetés s’est alors emparé du prétoire. Me Reviron a marqué sa surprise : « jamais je n’ai vu un avocat général d’une affaire jugée venir témoigner devant des assises (où comparaît à nouveau l’un des accusés acquittés) ».
Sans aucune gêne, Yves Jannier a assuré que « ces gens étaient innocents », que le père de Daniel Legrand (l’un des acquittés) « n’avait rien à faire dans cet endroit-là » (les assises), et que pour parvenir à cette conclusion, il s’était livré à un « exercice acrobatique pour demander l’acquittement des accusés. » Personne n’a compris son bricolage de type aérobique.
Quand la partie civile a mis le doigt sur les incohérences de ses déductions argumentées, il s’est contenté de botter en touche, avec des réponses lapidaires : « je n’en sais rien… je n’en dirai pas un mot… je ne me souviens pas » Le sommet de son amnésie à l’heure de justifier sa conclusion sur « l’innocence » des accusés a été atteint à propos d’une phrase prononcée par lui en audience à Paris. L’avocat de la défense Frank Berton l’a alors interpellé à propos « du livre du pseudo journaliste Thomet » et de ma citation d’une intervention de M. Jannier en audience quand il avait demandé à un enfant violé s’il ne l’avait pas été par un extra-terrestre. « Je m’en fiche de Thomet, je n’ai pas lu les livres, je n’ai pas le temps ». (Je rappelle que dans mon livre « Retour à Outreau », je cite Yves Jannier comme auteur de cette phrase, mais avec le mot « Martiens », rapporté par un témoin présent aux assises). Le magistrat a alors assuré « ne pas en avoir le souvenir », mais sans démentir ce que j’ai écrit noir sur blanc.
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