Hitler et Dupond-Moretti
09 mai 2015 | Par Jacques DELIVRé
Le client idéal.
On s’en souvient peut-être : en janvier 2014, dans l’émission de Thierry Ardisson Salut les Terriens, l’avocat pénaliste Eric Dupond-Moretti (EDM) se déclarait « prêt à défendre » (« sous conditions ») Hitler ou Pétain… A l’époque, en revanche, il ne voulait pas défendre Robert Faurisson, une « saloperie » selon lui (alors que les autres ?… bon !).
Il nuançait son propos à la télévision le 28/8/14 : « Je pourrais éventuellement défendre Faurisson à la condition qu’il ne me demande pas de dire que les chambres à gaz n’ont pas existé . » ( soit dit en passant, difficile de défendre Faurisson sur cette base, puisque c’est justement ce qu’on lui reproche d’affirmer… Autant nier l’existence de Faurisson… ). Quant à Dieudonné, EDM indiquait qu’il le défendrait sans aucun problème, parce qu’il savait que l’humoriste « avait du fric » et qu’il était donc largement « solvable »… C’était, on l’a compris, une p’tite plaisanterie de notre grand homme d’avocat, qui n’a jamais travaillé pour l’argent, mais uniquement pour la gloire (Ah ! L’inconscient dans les mots d’esprit !), et qui ne rate jamais l’occasion de bien rigoler sur pas mal de sujets. EDM, connu pour ses facéties, s’est d’ailleurs plus ou moins spécialisé dans la défense des violeurs, des pédocriminels (présumés !…) et aurait donc aimé aussi se fendre la poire avec des criminels de guerre, des collabos, des dictateurs et des génocidaires (présumés, hein !…).
Hitler était-il un client « solvable » ?
Défendre Hitler répond, pour EDM, au sacro-saint principe que « chacun, quel qu’il soit, a le droit d’être défendu » ( surtout s’il est solvable, hihihi…). C’est donc très bien, Maître, d’avoir des principes… Et puis, la défense d’Hitler suit en cela le célèbre adage que vous affectionnez : « Mieux vaut cent Hitler en liberté qu’un seul innocent en prison ». C’est donc logique et c’est très bien, la logique…
Hélas, patatras ! Principe et logique s’effondrent d’un coup ! Hitler, le prestigieux et potentiel client, est mort subitement dans des conditions dramatiques… Comme c’est dommage pour la carrière de notre défenseur qui aurait pourtant mérité d’ajouter à son déjà brillant palmarès un acquittement qui n’eût pas manqué d’être aussi considérable que retentissant.
Des qualités d’exception.
En tout cas, Maître EDM, vous avez raison sur un point : pour défendre un p’tit gars comme Hitler qu’a fait plein de grosses bêtises, il aurait effectivement fallu un avocat hors-normes et un tantinet balèze. J’ai beau chercher autour de moi, je ne vois que vous pour faire le job. Gageons que si Hitler, cet étourdi inconséquent, avait appris qu’il aurait pû devenir votre client, il aurait prudemment tourné sept fois dans sa main la crosse de son Walther avant de se suicider de façon si irréfléchie.
Ainsi donc, cher Maître, grâce à vous, dans les oubliettes de l’histoire judiciaire les Isorni, les Collard et autres Tixier-Vignancourt !… Les Vergès, le défenseur de Barbie !… Petit-bras et compagnie, tout ça ! Barbie ! Pfff… faites-moi pas marrer !… Un sous-fifre sans envergure… Hitler au moins, c’est du sérieux !… Un accusé de poids taillé à votre mesure, un client idéal pour un acquitteur tel que vous !…
Et puis, en y réfléchissant un peu, c’est pas si difficile de défendre Hitler… A la condition toutefois de réunir à soi seul de nombreuses compétences : un talent certain, de la vivacité et de l’à-propos, du culot, une grande gueule, de gros yeux, de l’ambition ; une présence scénique, un sens affuté de la théâtralité. Une absence de scrupules, une indifférence pour les victimes, un narcissisme bien structuré ; le goût prononcé du défi, la volonté d’en « découdre » ; un accès direct et rapide aux grands médias. Un mépris total pour la morale et la vérité ; un zeste d’humour lourdingue, une pointe de cynisme et une ironie un peu méchante. Trois tours de moulin de perversité (les victimes deviennent coupables et les coupables deviennent victimes) ; une pincée d’hypocrisie. Un besoin irrépressible de revanche sociale. Une violence à fleur de peau. Un don certain de la stratégie et de l’embrouille, une parfaite connaissance de la rhétorique et de ses effets. Un courage de Matamore. Grandiloquence, sévérité, douceur, larmoyance selon les cas. Beaucoup d’opportunisme et une mauvaise foi à toute épreuve… Pour parachever, tel le Raminagrobis de la fable, une « bonhommie de saint-homme de chat,/ Bien fourré, gros et gras,/ Expert arbitre sur tous les cas »… Le tout à servir bien chaud devant un auditoire béat de crétins subjugés par le bel organe… Eût-il été possible, cher Maître, que vous possedâssiez tout ou partie de ces qualités ?…
Seulement voilà, patatras ! La réalité historique a été impitoyable avec vous et Hitler, malheureux suicidé du Reich, n’aura pas connu le bonheur de voir briller les mille facettes de votre chatoyante et riche personnalité, ni la joie ineffable de bénéficier de vos incomparables services… Il est mort trop tôt, voilà tout, ou vous êtes né trop tard.
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