13/ Les souvenirs traumatiques : un autre type de mémorisation par François Louboff

Page 136
La mémorisation des événements traumatiques contraste avec celle des expériences non traumatiques.
Elle possède des caractéristiques inhabituelles qui ont été observées et décrites par les psychologues et les psychiatres depuis plus d’un siècle.

Notre asymétrie cérébrale (nous avons deux hémisphères cérébraux dont les fonctions sont différentes et qui contiennent des systèmes de mémoire séparés) expliquerait que des expériences traumatisantes, menaçantes, survenant dans les premières années de la vie et stockées dans l’hémisphère droit ne soient pas connues de l’hémisphère gauche.
Le contexte de l’événement traumatique n’est pas mémorisé puisque l’hippocampe, responsable de la mémoire « autobiographique » (ou explicite), n’est pas encore assez fonctionnel (amnésie infantile). L’hippocampe étant incapable de mémoriser tous les détails d’un traumatisme précoce, il est normal que les souvenirs de ce traumatisme, lorsqu’ils réapparaissent à l’âge adulte, contiennent des erreurs.
Quant au cerveau gauche, il n’a presque rien à mettre en mémoire puisque l’enfant n’a pas développé de langage suffisant pour traduire en mots ce qu’il est en train de vivre. Le traumatisme n’étant pas verbalisé, il ne peut être situé sur la ligne du temps (nous verrons que c’est l’hémisphère gauche qui gère le temps). Les souvenirs traumatiques de l’enfance, mémorisés dans le cerveau droit sous une forme non verbale, sont constitués principalement d’émotions et de sensations corporelles. Ils sont inconscients et intemporels.
Après la petite enfance, l’hippocampe est enfin capable de jouer son rôle et de construire des souvenirs autobiographiques. Parmi les personnes qui ont souffert d’agressions sexuelles dans leur enfance, certaines vont garder en mémoire toute leur vie ce qu’elles ont vécu, alors que d’autres vont parfois l’oublier, partiellement ou totalement. Cet oubli peut durer plusieurs années, jusqu’à ce qu’un événement particulier (par exemple un film, un autre traumatisme, une discussion, une thérapie) vienne ranimer la mémoire de ces événements et les rendre de nouveau conscients.
La proportion de personnes qui ont affirmé avoir « retrouvé » leurs souvenirs traumatiques d’agressions sexuelles d’une manière « retardée » varie selon les études de 19 à 82 %.

______________________
Autres billets sur J’aimerais tant tourner la page de François Louboff
1/ J’aimerais tant tourner la page – Guérir des abus sexuels subis dans l’enfance
2/ Le rôle de la justice dans le statut de victime
3/ L’argent et les victimes de viols par inceste
4/ Enfant d’incestée
5/ Dissociation ? mais de quoi ?
6/ La dissociation est un moyen de défense du psychisme
7/ Qu’est-ce que la PE – partie émotionnelle – après un traumatisme
8/ Qu’appelle-t-on « PAN » – partie apparemment normale après une dissociation
9/ Les enfants – de victimes de viols par inceste – présentent un risque de SSPT trois fois plus important que dans la population générale
10/ Quand être victime devient une addiction
11/ Explications psychologiques de la revictimisation
12/ La fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique
14/ La dissociation traumatique perturbe la mémorisation
15/ L’altération de la mémoire autobiographique

Au Sujet des Faux Souvenirs ou fausses allégations

10/ Quand être victime devient une addiction par François Louboff

Page 105
Des vétérans de la guerre du Vietnam, souffrant d’un SSPT et soumis à une douleur physique expérimentale, ont mesuré cette douleur avant et pendant la projection d’un film décrivant les combats au Vietnam. On s’est aperçu que regarder le film leur rappelait leur propre traumatisme et réduisait la douleur de 30 %, ce qui équivalait à 8 mg de morphine2.
Cette expérience confirme ce que de nombreux auteurs ont observé depuis longtemps : des émotions fortes peuvent bloquer la douleur physique grâce à la libération d’ opioïdes endogènes3. C’est ce qui explique que des soldats gravement blessés ressentent moins la douleur et ont besoin de moins d’analgésiques.
De la même façon, lorsque des victimes de traumatismes dans l’enfance sont réexposées à des situations stressantes ou qui leur rappellent leur traumatisme, leur taux de noradrénaline augmente, stimulant la mémoire et favorisant le retour dans la conscience des souvenirs traumatiques. Ces personnes fabriquent alors de grandes quantités d’opioïdes, qui ont le même effet qu’une prise de morphine.
2. Van der Kolk Bessel A., op. cit.
3. Les opioïdes ou opiacés endogènes sont des molécules assez voisines des dérivés de l’opium, comme la morphine, mais qui sont fabriquées par notre cerveau.

______________________
Autres billets sur J’aimerais tant tourner la page de François Louboff
1/ J’aimerais tant tourner la page – Guérir des abus sexuels subis dans l’enfance
2/ Le rôle de la justice dans le statut de victime
3/ L’argent et les victimes de viols par inceste
4/ Enfant d’incestée
5/ Dissociation ? mais de quoi ?
6/ La dissociation est un moyen de défense du psychisme
7/ Qu’est-ce que la PE – partie émotionnelle – après un traumatisme
8/ Qu’appelle-t-on « PAN » – partie apparemment normale après une dissociation
9/ Les enfants – de victimes de viols par inceste – présentent un risque de SSPT trois fois plus important que dans la population générale
11/ Explications psychologiques de la revictimisation
12/ La fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique
13/ Les souvenirs traumatiques : un autre type de mémorisation
14/ La dissociation traumatique perturbe la mémorisation
15/ L’altération de la mémoire autobiographique